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Aires protégées : une nouvelle stratégie nationale pour les 10 ans à venir

Le gouvernement a adopté ce 12 janvier sa nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées d'ici à 2030. Celle-ci vise à concrétiser l’objectif fixé par le président de la République de protéger dès 2022 30% du territoire national et des espaces maritimes sous juridiction, dont un tiers "sous protection forte". Mais les associations environnementales restent prudentes sur les conditions de sa mise en œuvre.

Au lendemain du sommet One Planet, qui était dédié à la préservation et au financement de la biodiversité, le gouvernement a publié ce 12 janvier la stratégie nationale pour les aires protégées d'ici à 2030. Alors qu'en 2019, les experts de l'ONU avertissaient qu'un million d'espèces végétales et animales pourraient disparaître, Emmanuel Macron avait promis de protéger 30% des terres et mers françaises, dont 10% "en pleine naturalité", une notion remplacée depuis par celle de "protection forte" où "les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation (...) sont supprimées ou significativement limitées, de manière pérenne".

Etendre le réseau et améliorer sa gestion

L'enjeu est de taille. La France abrite une grande variété d'écosystèmes, 10% des espèces connues sur la planète et possède le deuxième espace maritime mondial. Mais les pollutions, l'artificialisation des sols ou le changement climatique font peser de lourdes menaces. 
Alors que le pays compte aujourd'hui une multitude d'aires protégées aux statuts divers - parcs naturels nationaux, régionaux, conservatoires d'espaces naturels, sites du Conservatoire du littoral, Natura 2000, réserves naturelles nationales... -, la nouvelle stratégie nationale compte à la fois étendre le réseau existant, tout en améliorant la gestion ou l'intégration de ces espaces protégés dans les territoires. Elle sera accompagnée de trois plans d’actions nationaux qui seront déclinés et alimentés par des travaux dans les territoires, a précisé le gouvernement.

Pas de "mise sous cloche"

Cette stratégie "est axée sur un modèle de protection à la française", avec des "équilibres entre la nature et les activités humaines" et pas de "mise sous cloche", a expliqué la secrétaire d'Etat à la biodiversité Bérangère Abba à l'AFP. "Autant nous allons atteindre, voire dépasser les 30% de protection du territoire à l'horizon 2022, autant pour les 10% de protection forte, la marche est haute", a-t-elle reconnu, la France en étant actuellement à 1,8% (coeurs de parcs nationaux, réserves naturelles nationales, réserves biologiques en forêt...).
Pour la première fois, cette nouvelle stratégie intégrera aires protégées terrestres et maritimes, à la fois en métropole et outre-mer. Elle met en avant sept objectifs : "développer un réseau d'aires protégées résilient aux changements globaux", "accompagner la mise en œuvre d'une gestion efficace et adaptée" de ce réseau, "promouvoir des activités durables au sein de ces espaces", "conforter leur intégration dans les territoires", "renforcer la coopération à l'international", "disposer d'un réseau pérenne" - ce qui suppose de consolider son financement - et "conforter son rôle dans la connaissance de la biodiversité".

Tous les documents de planification territoriale à mettre en cohérence

Dix-huit mesures sont prévues. La mesure 10, qui vise à "mieux intégrer les aires protégées dans les politiques publiques sectorielles et dans les projets de territoire", cible directement les collectivités. Ainsi, "d'ici 2030, l'ensemble des documents de planification territoriale aux échelles régionales, par façade maritime ou bassins maritimes seront cohérents avec les enjeux du réseau des aires protégées", précise le document de présentation de la stratégie. "L’ensemble des schémas nationaux, par bassin et façade maritime et régionaux (coordonnés par le Sraddet) d’aménagement du territoire et de développement des infrastructures devront privilégier strictement, dès révision, l’évitement des impacts sur les aires protégées dans l’application du cycle éviter/ réduire/compenser", ajoute-t-il. Cela fera l'objet d'une évaluation "tous les trois ans".

Mesures concrètes attendues dans le premier plan d'action

"Le premier plan d’action prévoira de nombreuses mesures concrètes telles que la protection forte de 250.000 ha de forêt, la création ou l’extension de 20 réserves naturelles nationales, la création de deux parcs naturels régionaux, la protection de 6.000 hectares de notre littoral, l’intégration de 75% des récifs coralliens intégrés au réseau d’aires protégées en vue de protéger 100% d’ici 2025, le développement d’infrastructures d’accueil au profit du public,  le renforcement des actions d’éducation, de contrôle des aires protégées", a détaillé le gouvernement dans un communiqué.
Sur la question des moyens, "la stratégie bénéficie d’un effort budgétaire particulier", a-t-il souligné, la loi de finances 2021 ayant prévu "une augmentation de 10 millions d’euros en faveur des aires protégées sur le budget de l’Etat" tandis qu'"en parallèle, le plan de relance apporte 60 millions d’euros d’investissements pour rénover les structures d’accueil, mieux gérer la fréquentation ou mener des opérations de génie écologique". "Les moyens humains consacrés à leur gestion par les opérateurs de l'Etat seront renforcés sur les trois années à venir" et soutenus par des services civiques, assure encore le gouvernement.

Les ONG sur la réserve

Ces moyens "ne garantissent pas la pérennité des moyens mobilisés pour les aires protégées", avertit de son côté Pierre Cannet, de WWF, qui demande "un diagnostic complet (...) pour évaluer les besoins en lien avec les nouveaux objectifs et la nouvelle stratégie". Dans leur ensemble les associations environnementales restent prudentes face à cette stratégie. Sa présentation "est une bonne chose", a noté Yves Verilhac, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui souligne que ces aires protégées sont efficaces pour sauver des espèces. "Nous allons surveiller la mise en oeuvre de près", a-t-il toutefois ajouté. "Sans plan d'action détaillé, ce n'est que de l'intention", estime pour sa part Jean-David Abel, de FNE. Il faudra être attentif à avoir "des critères scientifiques pour prioriser" les aires à protéger et "à partir des territoires pour définir les projets".
Des ONG s'inquiètent aussi des emplacements retenus pour la création ou l'extension de nouvelles aires et leur niveau effectif de protection. Pour Bloom, France nature environnement (FNE), Greenpeace, MedReact, Oceana, Pew et la fondation Bertarelli, "la création de zones de protection intégrale, où toutes les formes d'extraction sont interdites, reste la mesure la plus efficace pour préserver les écosystèmes marins". Elles regrettent qu'actuellement, "seulement 1,6% des eaux françaises (soient) réellement protégées" et qu'elles soient situées principalement dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) "là où les enjeux socio-économiques sont peu importants".