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Développement durable - Adaptation au changement climatique : le Cese appelle à une meilleure coordination territoriale

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté mercredi 14 mai un avis portant sur "l'adaptation de la France au changement climatique mondial". S'appuyant sur la dernière production du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)*, le Cese soutient que, même dans le cas d'un scénario optimiste correspondant à un réchauffement global de moins de 2°C d'ici la fin du siècle, "notre pays doit se préparer aux changements et aux risques accrus liés au défi climatique". Parallèlement à l'indispensable effort d'atténuation du réchauffement (par la réduction des émissions de gaz à effet de serre), l'adaptation de la société s'impose "pour minimiser les dégâts", selon les termes de Jean Jouzel, co-rapporteur du projet d'avis.

Une "mobilisation très inégale" selon les secteurs  

En ce qui concerne l'Europe, les impacts du changement climatique dans les prochaines décennies sont qualifiés de "mesurables mais encore modestes comparés au reste du monde". Pour le Cese, "les conséquences les plus sérieuses pourraient être dues aux impacts extérieurs, par exemple sur le prix des céréales ou sur les conflits et les migrations entre continents liées à l’appauvrissement de régions sèches déjà marginales". L'outre-mer d'abord, la métropole ensuite, n'échapperont pas à des conséquences multiples : situations extrêmes plus fréquentes (canicules, précipitations extrêmes), risques sur la santé (maladies, allergies), sur les territoires et la biodiversité (incendies, dégradation des milieux naturels, inondations), etc. Dans le scénario le plus pessimiste qui serait consécutif à la poursuite de fortes émissions de gaz à effet de serre, un réchauffement de 5°C déstabiliserait l'agriculture au point que "l'autonomie alimentaire de l'Europe pourrait être mise en cause".
Après avoir synthétisé ces tendances, l'avis du Cese passe en revue l'ensemble des politiques actuellement à l'œuvre pour adapter la société au changement climatique : la Convention de Rio de l'ONU ratifiée par 195 pays, la stratégie de l'Union européenne pour élaborer un cadre d'action commun et, en France, le plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) adopté en 2011 et préparé par l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC). Tout en saluant les avancées réalisées, le Cese souligne "un degré de mobilisation très inégal selon les secteurs" et recommande d'aller plus loin dans l'appropriation de ce plan par les territoires et les secteurs d'activité concernés. Sur cette base de diagnostic, les propositions du Cese ont trait à la gouvernance, à la réglementation et au développement de la connaissance.

Inventer les services d'adaptation au changement climatique

Le Cese recommande d'abord de "créer une vision partagée de l'action climatique" dans les territoires. L'Etat, les collectivités territoriales, les "réseaux de citoyens et de professionnels" ou encore les chercheurs devraient ainsi mieux articuler leurs connaissances et leurs réflexions. La généralisation d'observatoires dans les grandes régions est préconisée, de même que la pratique de l'éducation aux risques. 
Souhaitant voir le développement d'un sentiment de responsabilité collectif, le Cese appelle à "penser les services futurs d'adaptation". Se centrant sur le vivant, l'avis formule des pistes concrètes dans les domaines de la santé, de l'agriculture et de la forêt, de la biodiversité, des océans et de la pêche, du littoral et des eaux douces, et de l'économie. Parmi des pistes extrêmement diverses, le secteur hospitalier et les réseaux médicaux sont par exemple invités à rejoindre la démarche de plans climat-énergie territoriaux. Toujours sur la santé, une évaluation de la robustesse des infrastructures hospitalières et de sécurité civile est par ailleurs préconisée.

Rendre les schémas territoriaux plus prescriptifs

Le Cese recommande par ailleurs d'"intégrer l'adaptation climatique dans l'action publique sur la base de règles communes". Il s'agit en particulier de décliner des "scénarios de référence à des échelles régionales tenant compte des spécificités géographiques et par grand secteur d’activité". Les schémas réglementaires Etat-région créés par les lois Grenelle (schémas régionaux climat-air-énergie et schémas régionaux de cohérence écologique) sont présentés comme un outil pertinent de planification pour l'adaptation et l'atténuation des changements climatiques, ainsi que pour la prévention des risques. Le Cese propose donc d'élargir la portée prescriptive de ces deux schémas.
Pour assurer la déclinaison des objectifs fixés, la mise en œuvre systématique de "plans climats locaux opérationnels centrés sur les intercommunalités de taille pertinente" est préconisée. Sur les 610 plans climat-énergie territoriaux existants, le Cese est assez sévère : "la vocation de ces documents a été très hésitante", avec pour résultat un plan "parfois très lacunaire", un manque d'opérationnalité, voire une absence de cohérence entre les objectifs formulés et les compétences des collectivités concernées.

Solidarité et synergies

Plus globalement, l'avis du Cese recommande de renforcer l'effort de solidarité nationale, via la péréquation ou une refonte de la fiscalité, notamment en direction de l'outre-mer. Enfin, sur le développement de la connaissance fondamentale et appliquée, le Cese appelle à "renforcer la recherche agronomique et l’innovation agricole", à se pencher "sur les phénomènes extrêmes et les risques liés aux hypothèses les plus pessimistes", à privilégier enfin l'interdisciplinarité et les synergies entre chercheurs et décideurs. 
"Il convient de s’approprier l’idée d’un futur très sensiblement différent de notre présent" et d'agir, en conséquence, dans tous les domaines, concluent assez solennellement les deux rapporteurs du texte. De nombreux chantiers en perspective donc, notamment pour le Cese puisque cette première contribution sur ce thème aura des prolongements en 2014 et 2015. 

 

*  "Changements climatiques 2014 : impacts, adaptation et vulnérabilité", volume 2 du 5e rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), 31 mars 2014. Plus d'information sur le site du ministère du développement durable.