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Petite enfance / Education - Accueil et scolarisation des 0-6 ans en situation de handicap : 30 à 40.000 enfants ne seraient pas encore suivis

Le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge a remis le 29 août son rapport sur l'accueil et la scolarisation des enfants en situation de handicap de moins de 7 ans. Alors que 60.000 à 70.000 enfants seraient actuellement suivis, 30.000 à 40.000 enfants supplémentaires auraient besoin d'un accompagnement précoce. Pour relever ce défi, le HCFEA formule des propositions pour mobiliser davantage les assistantes maternelles, développer les accueils mixtes et diminuer l'accueil à temps partiel, systématiser les projets personnalisés d'accueil ou de scolarisation, s'appuyer sur le périscolaire ou encore soutenir les parents et les fratries.    

"Le handicap, c'est une priorité du quinquennat", a rappelé ce 30 août Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées, interrogée sur France culture, se félicitant notamment d'une "rentrée vraiment travaillée au mieux" pour les 340.000 élèves en situation de handicap qui s'apprêtent à prendre ou reprendre le chemin de l'école. Interrogée sur le modèle scandinave, Sophie Cluzel a confirmé que l'objectif du gouvernement était de s'en inspirer, en déplaçant les moyens et les professionnels "des instituts spécialisés vers le milieu ordinaire". "La solution est de proximité, elle est à l'école de tous, la crèche de tous, l'entreprise de tous… On a encore du travail…"
Pour les plus jeunes notamment. Alors qu'une concertation sur l'école inclusive sera prochainement lancée, le Conseil de l'enfance du Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) a remis à Sophie Cluzel et Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, son rapport sur l'accueil et la scolarisation des enfants en situation de handicap de 0 à 6 ans. Issu d'une saisine commune des deux membres du gouvernement (voir notre article du 24 octobre 2017), ce rapport chiffre entre 60.000 et 70.000 le nombre d'enfants de moins de 7 ans aujourd'hui pris en charge à différents titres - allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), projet personnalisé de scolarisation (PPS) ou suivis par les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP). Le Conseil de l'enfance estime en outre qu'il y a un "besoin d’accompagnement plus précoce pour 30.000 à 40.000 enfants supplémentaires, toutes réponses confondues".

Une prime pour inciter les assistantes maternelles

Plus précisément, les enfants en situation de handicap de moins de 3 ans sont plus souvent gardés exclusivement par leurs parents (54% contre 32% pour les autres enfants). 24% d'entre eux sont accueillis en crèche, mais "à temps très partiel" pour un tiers, et très peu sont gardés par des assistantes maternelles. Pour "ouvrir davantage les modes d'accueil individuels et collectifs aux enfants en situation de handicap" – le besoin pourrait concerner quelque 10.000 enfants -, le HCFEA propose notamment la mise en place d'une bonification automatique de la prestation de service unique (PSU) pour les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) et d'une "prime pour les assistantes maternelles qui souhaitent se former à la prise en charge d’un enfant en situation de handicap et qui en accueillent effectivement un". Autre piste : réserver des places au sein des crèches familiales, avec des financements majorés.

Des unités mobiles d'appui travaillant avec les services sociaux et la PMI

Le Conseil de l'enfance recommande par ailleurs de mettre en place un projet personnalisé d'accueil du jeune enfant (PPAJE) pour formaliser les ajustements nécessités par des besoins spécifiques, avant même l'établissement du diagnostic qui peut prendre du temps. Autre proposition pour soutenir les professionnels : la mise en place d'unités mobiles d'appui "placées en proximité des services sociaux et de la PMI des départements" ou, a minima, d'un référent "petite enfance et handicap". Le HCFEA appelle enfin à développer les lieux d'accueil mixtes ou adaptés après 3 ans tels que les jardins d’enfants, les classes passerelles, les jardins d’éveil et les lieux d’accueil enfants-parents.
Mentionnant le fait que des enfants de 4 à 6 ans sont maintenus en crèche à défaut d'une solution de scolarisation, le rapport n'apporte pas de réponse sur ce point en particulier. Il invite en revanche les acteurs à construire, notamment pour éviter les prises en charges à temps partiel, des "parcours hebdomadaires qui maintiennent une continuité éducative" et "permettent d’intégrer des moments de soin, d'é́ducation scolaire (en classe ordinaire, individuel ou petits groupes) et d'éducation non scolaire".

Ecole maternelle obligatoire, intégration dans les ESMS, PPS mis en place plus précocément...

A trois ans, 30 à 40% des enfants en situation de handicap ne seraient pas scolarisés, avec un rattrapage observé à l'âge de 4 ans avec environ 95% des enfants scolarisés, dont 20% à temps partiel. Dès la rentrée 2019, la scolarisation obligatoire à 3 ans "devrait impliquer la scolarisation de 1.800 à 2.000 enfants en situation de handicap supplémentaires", souligne le Conseil de l'enfance du HCFEA. Pour ces enfants, comme pour la prochaine prise en charge "hors les murs" de 2.000 autres enfants, actuellement scolarisés dans des établissements et services médico-sociaux et services d'éducation spécialisée et de soins à domicile, des moyens sont à prévoir, poursuit-il.
Le Conseil recommande en outre de "favoriser une mise en place plus précoce, plus rapide et effective des PPS, pour éviter un contre-effet sur le projet d'inclusion des enfants". 40.000 enfants de 3 à 6 ans seraient concernés actuellement ; 20.000 enfants "à accompagner plus tôt" pourraient faire l'objet d'un PPS à l'avenir.

Etendre le PPS au temps périscolaire et développer des Plans mercredi inclusifs

Pour assurer une continuité de prise en charge aux 8.000 enfants scolarisés à temps partiel, il est proposé de "systématiser une réponse MDPH pour proposer une offre complémentaire" ou encore d'"étendre le PPS au temps périscolaire".
A noter, à ce propos, qu'une fiche dédiée à l'accueil inclusif figure dans le site dédié à la mise en place du Plan mercredi. Le HCFEA observe d'ailleurs que ce plan "s'inscrit dans la lignée de [ses] recommandations", l'offre extra scolaire et périscolaire devant être de qualité et accessible aux enfants en situation de handicap. Le Conseil de l'enfance propose en outre d'"expérimenter la création d’un Pass-Colo de 200 euros pour les 6/14 ans destiné aux enfants à besoins spécifiques et à leur fratrie".
Le HCFEA recommande plus globalement la mise en place d'une convention cadre nationale, impliquant la Cnaf, les communes et les départements, l'Etat et les associations, pour renforcer les actions communes entre écoles et modes d'accueil petite enfance.

Désigner pour chaque enfant un "référent de parcours"

Les autres chapitres du rapport contiennent des propositions visant à soutenir les familles dans leurs rapports avec les services petite enfance et handicap en amont du diagnostic, à aider les parents et notamment les mères à reprendre une activité professionnelle, à prendre en considération les fratries et à développer l'appui aux professionnels et le travail en réseau. Sur ce dernier axe, plusieurs pistes font écho à la stratégie gouvernementale sur l'école inclusive présentée en juillet (voir notre article du 19 juillet 2018) : "formations transversales communes" entre les professionnels du handicap et de l'accueil petite enfance et de l'école, "cartographie interactive des contacts et des ressources"…
Autre recommandation maintes fois formulée pour faciliter la vie des enfants handicapés et de leur famille : la désignation pour chaque enfant d'un "référent de parcours", une fonction qui "pourrait être assumée selon les cas, par un professionnel d’une MDPH, d’un ESMS, d'un CAMSP, ou SESSAD ou un 'référent handicap' (d’un pôle ressources handicap départemental, de l’Education nationale)", ou encore par un agent des services sociaux des départements ou communes, "en lien avec une 'unité mobile d’appui et de ressources' ou un 'pôle ressources handicap départemental'". Récemment, cette nécessité d'une meilleure coordination avait été tout autant mise en avant par le rapport des trois inspections générales sur "L'évaluation de l'aide humaine pour les élèves en situation de handicap" (voir notre article du 27 juillet 2018).