Handicap / Education - Pourquoi les demandes d'accompagnement des élèves handicapés croissent-elles toujours 12 ans après la loi de 2005 ?
Les Inspections générales des affaires sociales (Igas), de l'éducation nationale (Igen) et de l'administration de l'Education nationale et de la recherche (Igaenr) publient un rapport sur "L'évaluation de l'aide humaine pour les élèves en situation de handicap". Ce rapport cherche notamment à comprendre pourquoi, "douze ans après le début de mise en œuvre de la loi de 2005, l'augmentation du nombre d'enfants et d'adolescents dont une situation de handicap est reconnue par une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), ne marque pratiquement pas d'infléchissement".
Une croissance des situations de handicap et une régulation défaillante
Plus précisément, la lettre de mission adressée, en décembre dernier, par les ministres concernés posait "deux questions majeures". La première est effectivement celle "de la hausse forte et continue de la reconnaissance des situations de handicap et des notifications d'aides humaines". La seconde porte "sur la nature et la qualité de la prise en charge de ces enfants et adolescents en milieu scolaire ordinaire [qui] interroge la prise en compte des besoins des élèves en situation de handicap".
Sur le premier point, le nombre d'enfants et adolescents en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 100.000 en 2006 - année d'entrée en vigueur de la loi Handicap - à plus de 320.000 en 2017. Cette hausse rapide doit beaucoup aux efforts consentis pour l'accompagnement : sur la même période, le nombre d'élèves bénéficiaires d'une aide humaine a été multiplié par cinq, pour atteindre plus de 156.000.
Comme demandé, le rapport s'efforce d'analyser les raisons de cette évolution et de sa persistance dans le temps. Il évoque notamment différentes explications possibles et relève au passage l'importance des écarts dans les pratiques des MDPH (maisons départementales des personnes handicapées). Au final, le rapport voit deux raisons principales à l'augmentation continue de la notification d'une aide humaine : une croissance structurelle des situations de handicap (en partie sous l'effet d'une extension du champ du handicap) et des réponses institutionnelles "qui n'assurent pas au mieux les régulations qui doivent permettre de faire face aux objectifs de l'inclusion scolaire, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif de besoins différenciés".
La demande d'aide humaine est devenue la réponse à toutes les situations
Pour les rapporteurs, de nouvelles régulations sont nécessaires "pour faire face à l'augmentation des demandes et à la réussite de l'inclusion scolaire". Les difficultés actuelles de ces régulations résultent en effet "du rôle joué par le recours à l'aide humaine dans le droit à compensation du handicap reconnu dans la loi de 2005", la demande d'une aide humaine étant de plus en plus assimilée à un droit. S'appuyant sur les témoignages recueillis lors de ses déplacements dans des départements, la mission pointe aussi que la demande d'aide humaine des familles auprès des MDPH est souvent suscitée par les équipes éducatives, cette aide apparaissant ainsi comme "une solution courante palliant la carence de déploiement d'autres dispositifs d'accessibilité pédagogique tels que le plan d'accompagnement personnalisé (PAP)".
Ces phénomènes sont encore renforcés par le fait que les MDPH ne disposent pas des moyens qui leur offriraient la possibilité de "mener une instruction des dossiers de demande d'aide humaine permettant de la rejeter et de lui substituer une autre prescription, dans les cas où celle-ci serait plus adaptée".
Pour une aide "organisée de façon collective"
Sur les aides humaines elles-mêmes, le rapport estime que celles-ci devraient tendre vers une aide organisée de façon collective, en cohérence avec les principes d'une école inclusive. Pour cela, il préconise de distinguer seulement deux formes d'aide humaine : celle nécessitant un temps partiel d'accompagnement de l'élève (assurée par un accompagnant affecté à l'établissement) et celle nécessitant un soutien continu de compensation à temps plein qui serait prescrite à titre individuel.
La première serait décidée au niveau de l'établissement et la MDPH n'interviendrait qu'en cas de désaccord entre ce dernier et la famille. La seconde forme d'aide resterait en revanche au niveau de la MDPH et de la CDAPH, avec l'élaboration systématique d'un projet personnalisé de scolarisation (PPS), ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ceci supposerait un nouveau déroulement de l'analyse des besoins et des modalités d'attribution et d'organisation des aides humaines.
Renforcer l'efficacité de l'aide humaine
Le rapport préconise aussi de renforcer l'efficacité de l'aide humaine, en l'inscrivant dans des prises en charge plus collectives au sein des équipes éducatives et avec des professionnels du secteur médicosocial. L'objectif est de "rassembler autour de l'école, les ressources et compétences permettant une action globale et professionnelle visant l'atteinte des objectifs de la scolarité". Ceci suppose des évolutions en matière de formation, de ressources pédagogiques, d'organisation et de soutien.
Ceci suppose également "des rapprochements, voire des coordinations" entre les professionnels de l'Education nationale et ceux du secteur médicosocial. En termes de moyens, le rapport recommande de développer un plan d'ouverture d'Ulis (unités localisées pour l'inclusion scolaire), en particulier dans les collèges, et d'organiser des pôles de compétences et de ressources pour le soutien des équipes éducatives, mais aussi de constituer des plateformes techniques avec le secteur médicosocial.
Le rapport des trois inspections générales pourrait avoir des conséquences concrètes. D'ores et déjà, le ministre de l'Education nationale et la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - qui connaissaient déjà les résultats intermédiaires de la mission - ont annoncé le lancement d'une concertation en septembre afin de "rénover le dispositif d'accompagnement des élèves en situation de handicap", dès la rentrée 2019 (voir notre article ci-dessous du 19 juillet 2018).