Accès aux soins : un décret et sept arrêtés lancent les premiers protocoles de coopération interprofessionnelle

Ces protocoles relancés par la loi Santé de juillet 2019 doivent permettre aux professionnels de santé de s'engager dans une démarche de coopération. L'idée est notamment de libérer du temps médical. Un nouveau décret vient préciser le fonctionnement du comité national ainsi que des protocoles nationaux et sept arrêtés du 6 mars autorisant les premiers champs de mise en œuvre. Parmi ceux-ci par exemple, la réalisation de sutures de plaies simples par un infirmier en lieu et place d'un médecin.

L'article 66 de la loi du 29 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé prévoit que "les professionnels de santé travaillant en équipe peuvent s'engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération pour mieux répondre aux besoins des patients. Par des protocoles de coopération, ils opèrent entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de prévention ou réorganisent leurs modes d'intervention auprès du patient". Il ne s'agit pas vraiment d'une nouveauté, puisque ces protocoles ont été créés par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) du 21 juillet 2009. Mais la loi Santé de juillet 2019 entend relancer et déployer, sur tout le territoire, ces protocoles, conçus "comme l'un des leviers de la transformation de l'offre de soins". Cette relance doit s'appuyer sur un dispositif "rénové et simplifié".

Élargir l'offre de soins et renforcer l'attractivité des métiers

Ces protocoles visent un double objectif. D'une part, contribuer à élargir l'offre des soins dispensés, à réduire les délais d'accès à une prise en charge et à améliorer les parcours de santé, en déléguant à des personnels paramédicaux (infirmiers, pharmaciens d'officine, masseurs-kinésithérapeutes...) certaines activités jusqu'alors exercées uniquement par des médecins. D'autre part, offrir aux personnels paramédicaux des possibilités en termes d'attractivité et d'évolution de leurs métiers, de perspectives de carrière et de compétences accrues et permettre, à l'inverse, aux médecins de recentrer leur activité là où leur plus-value est la plus grande.

L'attractivité de ce nouveau dispositif a déjà été renforcée avec l'instauration d'une "prime de coopération" par un décret et un arrêté du 6 septembre 2019, tandis qu'un second décret du 27 décembre 2019 a précisé les "exigences essentielles de qualité et de sécurité des protocoles de coopération entre professionnels de santé". Le dispositif prend aujourd'hui un aspect très concret avec un nouveau décret du 21 février 2020 précisant le fonctionnement du comité national des coopérations interprofessionnelles et des protocoles nationaux et, surtout, sept arrêtés du 6 mars 2020 autorisant les sept premiers champs de mise en œuvre de ces protocoles.

Le comité national joue un rôle clé dans le dispositif, puisqu'il "identifie et priorise, en tenant compte des besoins nationaux de santé et de l'accès aux soins, le déploiement de nouveaux modes d'intervention auprès du patient ou de transferts d'activités, d'actes de soins ou de prévention entre professionnels de santé d'intérêt national, susceptibles de faire l'objet d'un protocole national". Ce comité regroupe des représentants des directions ministérielles concernées, des agences régionales de santé, de l'assurance maladie et de la Haute autorité de santé. Les conseils nationaux professionnels et les ordres professionnels sont associés, sur invitation, aux travaux du comité, mais sans voix délibérative.

Le décret du 21 février détaillé également la procédure de mise en œuvre d'un protocole national. Celle-ci est effectivement assez simple. Dès lors qu'un protocole est validé au plan national, les structures d'emploi ou d'exercice intéressées ont simplement à déclarer sa mise en œuvre auprès de l'ARS, via une application en ligne dédiée du site internet du ministère de la Santé. Les pièces justificative à déposer, pour chaque membre de l'équipe volontaire, sont également très allégées : accord d'engagement daté et signé, copie d'une pièce d'identité, justificatif du numéro d'enregistrement au tableau ordinal ou à un fichier professionnel spécifique et, enfin, attestation sur l'honneur de l'acquisition des compétences exigées pour la mise en œuvre du protocole national.

Autorisation des sept premiers protocoles

Les protocoles passent à la pratique avec sept arrêtés du 6 mars 2020 relatifs à l'autorisation des premiers protocoles de coopération dans le cadre d'une structure pluri-professionnelle. Selon les cas, ces protocoles impliquent majoritairement infirmiers et pharmaciens d'officine (quatre protocoles sur sept), mais trois autres concernent des infirmiers seuls ou des masseurs-kinésithérapeutes seuls.

Ces premiers protocoles portent sur la prise en charge de l'odynophagie (douleurs pharyngées ou œsophagiennes lors de la déglutition), la prise en charge de l'éruption cutanée vésiculeuse prurigineuse chez l'enfant de 12 mois à 12 ans, le renouvellement du traitement de la rhino-conjonctivite allergique saisonnière pour les patients de 15 à 50 ans, la prise en charge de la douleur lombaire aiguë inférieure à quatre semaines, la réalisation de sutures de plaies simples par un infirmier en lieu et place d'un médecin, la prise en charge du traumatisme en torsion de la cheville ou encore la prise en charge de la pollakiurie et de la brûlure mictionnelle chez la femme de 16 à 65 ans. 

Si la procédure d'adhésion à un protocole est simple (voir ci-dessus), on ne peut pas forcément en dire autant des modalités pratiques de leur mise en œuvre. Chaque arrêté autorisant un protocole est en effet assorti de copieuses annexes (35 pages, par exemple, pour la "prise en charge de l'odynophagie par l'infirmier diplômé d'État ou le pharmacien d'officine dans le cadre d'une structure pluri-professionnelle"). Ces annexes, à vocation et à contenu très professionnels, détaillent notamment le processus de prise en charge du patient, les critères d'inclusion et d'exclusion, les modalités de suivi du protocole... Ils présentent aussi le formulaire synthétique (?) de saisie et de prescription à inclure dans le dossier du patient, le support d'analyse d'événements indésirables, le support de suivi des actions correctives, le tableau des indicateurs... Face à la complexité, la simplification n'est pas sans limites !

Références : décret n°2020-148 du 21 février 2020 relatif au fonctionnement du comité national des coopérations interprofessionnelles et des protocoles nationaux prévus à l'article L.4011-3 et à leur application au service de santé des armées (Journal officiel du 21 février 2010) ; sept arrêtés du 6 mars 2020 relatifs à l'autorisation de protocoles de coopération dans le cadre structure pluri-professionnelle (Journal officiel du 8 mars 2020).

 

 

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