25 nuances de réplicabilité des territoires intelligents
Les 25 lauréats des appels à projets Territoires intelligents et durables (TID) et Démonstrateurs d'IA frugale au service de la transition écologique dans les territoires (DIAT) se sont réunis à Toulouse les 9 et 10 décembre 2024 pour partager expériences et bonnes pratiques. Parmi les sujets abordés, la réplicabilité des projets, au cœur de ces expérimentations. Une réplicabilité qui peut s'apprécier de multiples façons, comme en ont témoigné les échanges.
Pour cette seconde édition des rencontres des Territoires intelligents et durables (TID) et Démonstrateurs d'IA frugale au service de la transition écologique dans les territoires (DIAT), de nombreuses démonstrations étaient programmées par les collectivités labellisées, pour certaines voici plus de deux ans. En parallèle, pour maximiser les échanges, les 8 nouveaux lauréats de l'appel à projets démonstrateur d'IA frugale ont pu pitcher leur projet (voir notre article du 13 septembre 2024).
Des projets qui avancent
Les participants ont notamment pu découvrir Timéo, porté par la métropole de Toulouse qui accueillait l'événement. Une plateforme 3D BIM/CIM (1) qui est une "réponse politique à des enjeux concrets", a souligné Bertrand Serp, vice-président de Toulouse Métropole. Imaginée à l'échelle du nouveau quartier de la gare, la plateforme a été étendue au centre-ville pour couvrir 314 sites. Cette plateforme "souveraine" va permettre de "désiloter la métropole" en permettant aux agents d'accéder à des données sur l'ensemble des bâtiments. La maquette 3D donne une vision globale du territoire et fournit des données qui étaient jusqu'alors dans les silos des services : consommation d'énergie, réseaux, interventions passées et programmées… Elle permet de visualiser, de piloter, mais aussi de comparer et de générer des alertes. Des fonctions que l'on retrouve dans les hyperviseurs mis en place à Noisy-le-Grand, dans l'Ain (SIEA), dans la Loire ou encore dans l'Aude (Syaden), objets également de présentations.
Lorient agglomération était pour sa part venue avec un prototype de capteur pour la prévention des inondations et submersions marines. Un capteur dont la particularité est de pouvoir résister au sel, au sable et autres aléas propres aux zones littorales. Les participants ont aussi pu découvrir l'algorithme de traitement des images conçu à Metz pour aider à détecter rapidement et objectivement les déchets et salissures (tags, déjections canines…).
D'abord convaincre en interne
L'enjeu de tous ces projets, qui contribuent à "dérisquer le marché", comme l'a rappelé Thomas Cottinet, directeur de l'Ecolab du ministère de la Transition écologique, est de "sortir de la preuve de concept (POC)" pour être répliqués. Cette réplication peut cependant prendre des formes multiples, comme l'ont montré les échanges durant ces deux jours. Un changement d'échelle tout d'abord. Dans les structures de mutualisation départementales, on se préoccupe ainsi de l'adoption des solutions par les communes. Il s'agit d'avoir des interfaces "simples", "ergonomiques", mais aussi de garantir que la plateforme pourra être réutilisée quelle que soit la thématique (eau, éclairage, déchets…), garantissant sa réplicabilité pour d'autres cas d’usages. Mais les communes devront aussi avoir l'assurance d'un retour sur investissement, une forme de réplicabilité par le modèle économique. Dans cet esprit, le SIEA propose par exemple un calculateur pour mesurer les économies générées par le passage en éclairage LED. En Vendée, le jumeau numérique propose, à l'échelle de la commune, un bilan du potentiel solaire, avec une méthodologie qui promet des "résultats fiables et uniformes".
Du côté des démonstrateurs d'IA, on fait surtout valoir l'importance de la mise en œuvre d'une gouvernance de la donnée robuste et d'un accompagnement du changement, deux exigences garantes de la durabilité des projets. Nantes métropole a ainsi présenté sa "boussole de l'IA", destinée à encadrer les usages et à vérifier leur adéquation aux valeurs de la collectivité.
Les leviers du passage à l'échelle
Il y a ensuite la problématique de la dissémination des projets à une échelle plus large. "Généraliser, cela peut dire renoncer à certains cas d'usage pour se concentrer sur un sujet", a mis en garde Antoine Darodes, directeur du département investissements numériques à la Banque des Territoires. Cette dissémination passe ensuite par une réplicabilité au niveau des 25 territoires TID/DIAT. L'idée d'une plateforme de partage de ressources a été proposée avec de premières initiatives déjà en place : un "book récapitulatif de tous les projets lauréats", des webinaires mensuels pour les lauréats, etc. Elle permettrait également de partager des clauses de marché, d'échanger sur les matériels, les prestataires ou encore sur les partenariats. L'idée d'un calculateur du retour sur investissement qui prenne en compte "les bénéfices qualitatifs" a aussi été évoquée. En avançant dans leurs projets, les territoires découvrent par ailleurs des difficultés non anticipées comme l'accès à certaines données. Il est suggéré des "démarches communes" quand il s'agit de solliciter des acteurs nationaux tels qu'Enedis. Les collectivités rencontrent en outre des difficultés pour recruter certaines compétences, comme sur la data ou la sécurité, compétences qui pourraient être "mutualisées" à une échelle à déterminer.
La question du financement de la généralisation a enfin été évoquée. Si la mutualisation fait partie des solutions, elle a un coût. Celui-ci englobe l'ingénierie de projet autant que l'implémentation des solutions, qui même si elles peuvent être "libres", n'ont rien de gratuites. L'État a également été invité à questionner le principe même des appels à projets, qui peuvent se "faire concurrence" voire "nuire au financement de la généralisation".
La réplicabilité, un axe fort de l'année 2025
La réplicabilité sera au cœur des priorités du programme TID/DIAT pour l'année 2025. Cet enjeu anime du reste déjà la nouvelle plateforme numérique 360 (voir notre article du 20 novembre 2024). Cette plateforme vise un public plus large et propose, au-delà de retours d'expériences, un accompagnement pas à pas des territoires.
Enfin, les 18 et 19 mars 2025, la Banque des Territoires organise à Paris la deuxième édition de l'évènement REX (qui vise au partage entre collectivités sur ces thématiques). Au terme de ces deux jours, Gaël Sérandour, directeur adjoint des investissements numériques à la Banque des Territoires, s'est félicité "du dynamisme et l'esprit de partage" qui ont présidé à ces rencontres, un an après celles de Quimper.
(1) BIM (Building Information Modeling) et CIM (City Information Modeling)
› Documenter erreurs et échecsInvité par la Banque des Territoires à titiller les participants, le consultant Jacques Priol a fait des recommandations iconoclastes aux lauréats TID/DIAT. Avec un objectif : réussir le passage à l'échelle, là où les smart cities des années 2010 ont échoué. Voici les cinq principales recommandations : |