15% des agriculteurs français pourraient ne pas passer l'année, alertent les chambres d'agriculture
15% des agriculteurs situés dans des zones intermédiaires allant du Grand Est à la Nouvelle-Aquitaine pourraient ne pas passer l'année suite à la crise du Covid-19 et aux conditions climatiques difficiles. Face à ce triste constat, les chambres d'agriculture plaident pour une mobilisation collective et des mesures rapides.
"15% des agriculteurs ne passeront pas l'année si on n'a pas de mesures rapides, c'est un phénomène sans précédent." L'alerte donnée par Sébastien Windsor, président des chambres d'agriculture, à l'occasion d'une conférence de presse organisée le 8 septembre 2020, est inquiétante. Ces agriculteurs sont situés dans certaines parties de la France particulièrement touchées par la baisse des rendements céréaliers. Ces territoires appelés "zones intermédiaires", correspondent à une vingtaine de départements métropolitains du Grand Est à la Nouvelle-Aquitaine, dont l'Yonne, la Seine-et-Marne ou encore la Charente-Maritime. "Pour ces agriculteurs, les charges restent identiques alors que leurs revenus ont fortement baissé", a précisé Sébastien Windsor, sur la base d'une note de conjoncture.
Les marchés agricoles ont été très perturbés par les conséquences économiques et sanitaires de la crise du Covid-19. Des conséquences auxquelles se sont ajoutés les incidents climatiques perturbant fortement les productions des grandes cultures.
"La récolte 2020/2021 de blé tendre s'annonce catastrophique après une campagne 2019/2020 particulièrement prolifique", indique ainsi la note de conjoncture des chambres d'agriculture. Les rendements sont à la baisse (-25% en moyenne par rapport à l'an dernier, autour de 6,8 tonnes/ha) du fait des mauvaises conditions climatiques combinées au manque de lumière, à une période de sécheresse au printemps et de forts excédents de pluie en juin. "Au final, il est acquis que la production nationale de blé tendre ne dépassera pas les 30 millions de tonnes", précise le document.
Vendre sa moissonneuse-batteuse ou chercher du travail à l'extérieur
Le contexte international est aussi très tendu, touchant le commerce de certains produits alimentaires à l'exportation. En résultent des exportations françaises de blé tendre à la baisse. Après être montées à plus de 21 millions de tonnes (dont 13,6 millions hors de l'Union européenne) sur la campagne 2019/2020, elles pourraient diminuer de 30%, et se situer à des volumes inférieurs à 15 millions de tonnes. Les prix ne seront pas là pour compenser, la récolte mondiale étant particulièrement abondante (762 millions de tonnes). En revanche, la qualité semble être satisfaisante, "mais elle ne permettra pas aux céréaliers de dégager davantage de revenu", détaillent les chambres d'agriculture.
Même chose pour le colza, dont la production devrait atteindre seulement 3,3 millions de tonnes, soit une baisse de 4,8% par rapport à la campagne précédente, et de 36% par rapport à la moyenne quinquennale.
Les chambres d'agriculture plaident pour des mesures de court terme, pour éviter à ces agriculteurs de mettre la clé sous la porte. "Certains sont amenés à décapitaliser, en vendant par exemple leur moissonneuse-batteuse ou en cherchant un travail à l'extérieur en même temps, mais s'ils n'ont pas d'aides rapidement, ils ne s'en sortiront pas, a expliqué Sébastien Windsor. Il n'y a pas de solution miracle pour ces zones, il va falloir une mobilisation collective hors norme."
"Nous serons au rendez-vous"
Les chambres proposent notamment de modifier les règles de la commande publique, dont les règles européennes qui laissent encore peu de place aux produits agricoles français. Elles demandent des aides à l'investissement pour la transformation des structures (légumineuses, ateliers de découpe et points de vente) et un accompagnement des agriculteurs vers des projets de transition agricole. Elles se disent satisfaites d'un certain nombre de mesures annoncées par le gouvernement le 3 septembre, dans le cadre du plan de relance, dont une enveloppe de 1,2 milliard d'euros est dédiée au volet transition agricole, alimentation et forêt. Elles pointent particulièrement certaines d'entre elles : l'objectif d'un projet alimentaire territorial (PAT) au moins par département d'ici à 2022, les dispositifs pour favoriser la biodiversité autour des cultures et le volet investissement pour la rénovation des bâtiments. "Ce plan ne se fera que si nous sommes là, et nous serons au rendez-vous", a conclu le président des chambres d'agriculture, mentionnant qu'il serait en revanche incohérent si l'État, dans le cadre des prochaines discussions autour du projet de loi de finances, décidait de s'attaquer au budget des chambres. "Les bras m'en tomberaient. Nous sommes particulièrement mobilisés, mais il ne faut pas que l'État nous coupe les pattes."