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Zones de restructuration de la défense : un bilan en demi-teinte sur le front de l'emploi

Treize ans après le début de la réforme de la carte militaire, 23.000 emplois ont pu être subventionnés dans les territoires qui ont vu l’armée partir, sur un objectif de 39.000. L'audition de Line Bonmartel-Couloume, déléguée à l’accompagnement régional du ministère des Armées, le 17 mars 2021 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, montre que l'analyse des impacts territoriaux de ces restructurations lourdes est encore très parcellaire.

Depuis 2008, en l'espace de trois lois de programmation, l’armée a subi d'importantes restructurations territoriales. En auditionnant le 17 mars 2021 Line Bonmartel-Couloume, déléguée à l’accompagnement régional du ministère des Armées, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a cherché à faire le point sur l’impact des départs des militaires sur les communes concernées et sur les actions de compensation mises en place dans le cadre des zones de restructuration de la défense (ZRD).

"Certaines communes ont vu l’armée partir sans retour, quand d’autres ont vu la présence des militaires se renforcer", a posé en ouverture Jean-François Longeot, sénateur Union centriste du Doubs. Les fermetures de casernes ont des effets en chaîne : suppression d’emplois directs, indirects, baisse d’activité, chute du marché immobilier, moindre équipement public (fermetures de classes, etc.)… Et ce, dans des territoires souvent frappés par la désindustrialisation ou les réformes administratives, comme Châlons-en-Champagne (Marne) qui a perdu son statut de préfecture et de capitale régionale avec la fusion des régions. Pour répondre à la demande du Sénat, la déléguée a tenté d’établir un bilan de la situation : la loi de programmation 2009-2014 prévoyait la réduction de 45.888 postes. La réforme a conduit à la dissolution ou au transfert de 110 formations, unités ou états majors entre 2009 et 2015. La loi suivante, couvrant la période 2014-2019, misait quant à elle sur la réduction de 33.675 équivalent temps plein (ETP) mais "les menaces terroristes pesant depuis 2012 puis la vague d’attentats de 2015 ont conduit l’exécutif à réduire à moins 6.918 postes la déflation initialement prévue", a rappelé Line Bonmartel-Couloume. Enfin, si la loi de 2019-2025 poursuit l’effort de rationalisation et de réorganisation, elle a aussi vu certaines fonctions opérationnelles (cyberdéfense, espace, enseignement et protection) monter en puissance avec la création dans ces domaines de 6.000 postes. Sont ainsi prévus le renforcement d’un pôle de cyberdéfense dans l’agglomération de Rennes, la création d’un commandement de l’espace à Toulouse, le regroupement de l’essentiel des fonctions de ressources humaines d’armée sur Tours, sans compter les créations d’emplois générées par l’implantation de la treizième demi-brigade de la Légion étrangère sur le plateau du Larzac. En revanche, si le dispositif d’accompagnement des personnels subsiste dans la loi, "les dispositifs d’accompagnement des territoires dans l’hypothèse de fermetures n’y figurent plus", a précisé Line Bonmartel-Couloume.
Si on fait le décompte de ces trois lois successives, on obtient la disparition de 52.086 emplois, contre la création, d’ici 2025, de 6.000 emplois militaires, soit un solde négatif de l'ordre de 46.086 emplois.

23.000 emplois subventionnés sur les 39.000 prévus

Seulement, pour amortir les impacts territoriaux, ces restructurations ont été accompagnées par la mise en place des ZRD (zones de restructuration de la défense), un dispositif prévoyant des mesures d’accompagnement sociales, fiscales et de gestion de l’immobilier. Dans ce cadre, 64 contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et plans locaux de redynamisation (PLR) ont ainsi été conclus entre l’Etat et les collectivités concernées entre 2009 et 2019, les premiers pour des suppressions d'au moins 100 postes, le plus souvent au niveau des intercommunalités, les seconds de l’ordre de 50 postes supprimés, signés au niveau départemental. Ces contrats poursuivaient un double objectif : favoriser la création d'un nombre d'emplois équivalent à ceux supprimés et dégager des pistes de reconversion des sites abandonnés. 470 millions d’euros ont été consacrés à ces dispositifs sur la période (320 millions d’euros entre 2009-2014 et 150 millions d’euros jusqu'à 2019).

"Au 31 décembre 2020, 55 contrats sont clos, mais pour 26 d’entre eux l’exécution de certaines actions en particulier les plus complexes se poursuit, a précisé Line Bonmartel-Couloume, les 29 autres sont des contrats soldés dont la totalité des actions sont achevées et pour lesquels l’ensemble des crédits de paiement ont été consommés, et s’y ajoutent les 9 contrats vivants" pour les restructurations les plus récentes comme Dijon, Creil, ou le dernier CRSD pour la fermeture de l’Elément air rattaché (EAR) de Châteaudun signé le 30 décembre 2019.

Quant à savoir quelles retombées précises en termes d’emplois ont eu ces dispositifs, il est plus difficile d’y voir clair car les données ne sont pas encore consolidées. "Les contrats fixent un objectif de 39.000 créations d’emplois subventionnés. Sur ces 39.000, le bilan actuel est de plus de 23.000 emplois", a concédé la déléguée indiquant que les emplois continuaient à se créer dans les entreprises de ces territoires pour les contrats non clos, et que leur estimation ne prenait pas en compte les emplois indirects et induits. Un chiffre considéré donc comme "a minima". Une étude plus globale devrait être menée sur quelques contrats parmi les 64 signés, pour mesurer les développements qui ont pu être réalisés après le départ de l’armée. Quoi qu'il en soit, le solde entre les suppressions totales de postes et les créations d’emplois, y compris les créations de postes militaires est largement négatif. On compense à peine la moitié des emplois qui ont disparu…

1.800 emplois créés d’ici 2025 à Rennes Métropole

Autre inconnue : la compensation en termes d’autres emplois publics que militaires, comme le prévoient certains des contrats. "Un certain nombre ont pu se faire, d’autres ne sont pas faits à la hauteur qui était attendue", a signalé Line Bonmartel-Couloume, sans chiffre à l’appui, puisque à nouveau, "une étude est en cours". Certains territoires devraient tirer leur épingle du jeu. Une étude de l'Insee publiée en janvier 2021 montre que sur le pôle cyberdéfense à Rennes Métropole 1.800 personnes seront recrutées d’ici 2025. Une autre, publiée en mars 2021, indique que l’implantation de la Légion étrangère sur le plateau du Larzac a généré 1.649 emplois en 2019.

Enfin, concernant la gestion des sites, 3.344 hectares ont été cédés à l’euro symbolique aux collectivités territoriales entre 2009 jusqu’à fin 2020 pour 132 emprises, des terrains évalués au total à 300 millions d’euros. Le dispositif prévoit une cession en l’état des terrains aux collectivités et, en cas de revente, une déduction sur le prix de vente des frais engagés par la collectivité, la différence étant partagée entre l’Etat et la collectivité. Mais pour le moment, aucun cas de revente n’a été repéré.

 

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