Zones de protection forte : le décret est paru
Le décret "définissant la notion de protection forte et les modalités de mise en œuvre de cette protection forte" dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale des aires protégées est paru au Journal officiel ce 13 avril. Le texte, qui avait été soumis à consultation publique en début d'année, avait alors fait l'objet de vives critiques de la part des associations d'élus et reçu un avis défavorable de la part du Conseil national de l'évaluation des normes (CNEN).
Selon la nouvelle stratégie nationale des aires protégées inscrite à l'article 227 de la loi Climat et Résilience (devenu article L.110-4 du code de l'environnement), la France s'engage dès 2022 à classer en aire protégée 30% de ses écosystèmes terrestres et marins, dont 10% sous protection forte. Soumis à consultation publique en début d'année, un décret publié ce 13 avril au Journal officiel détermine les conditions de reconnaissance de ces zones de protection forte (ZPF) pour les espaces terrestres et marins. Bien qu'ayant reçu un avis défavorable du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et du Conseil national de la mer et des littoraux et fait l'objet de vives critiques de la part des associations d'élus, le texte définitif a subi peu de modifications par rapport à sa version initiale.
Le décret donne d'abord une définition large des ZPF : "Est reconnue comme zone de protection forte une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d’une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées."
Reconnaissance automatique et au cas par cas
Cette reconnaissance en ZPF est automatique pour les cœurs de parcs nationaux, les réserves naturelles, les arrêtés de protection et les réserves biologiques. Au cas par cas, les autres espaces terrestres présentant "des enjeux écologiques d'importance" pourront être reconnus comme ZPF - sites bénéficiant d'une obligation réelle environnementale, zones humides d'intérêt environnemental particulier, cours d'eau, sites relevant du domaine du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, périmètres de protection des réserves naturelles, sites classés, sites sur lesquels un conservatoire d'espaces naturels détient une maîtrise foncière ou d'usage, réserves nationales de chasse et de faune sauvage, espaces naturels sensibles, bande littorale, espaces remarquables du littoral, forêts de protection, sites du domaine foncier de l'État.
Pour les espaces maritimes, sont reconnues d'office comme ZPF, les cœurs de parcs nationaux, les zones de protection renforcée et les zones de protection intégrale des réserves naturelles, ainsi que les zones couvertes par un arrêté de protection, créées après l'entrée en vigueur du décret. Pour les zones créées antérieurement, le décret fixe une obligation, sous vingt-quatre mois, de mise en conformité avec les critères des analyses au cas par cas. D'autres espaces maritimes présentant des enjeux écologiques d'importance, prioritairement situés à l'intérieur d'aires marines protégées, pourront aussi être reconnus à l'issue de ces analyses.
Les analyses au cas par cas doivent permettre de s’assurer que les espaces concernés répondent aux trois critères suivants, précise le décret : "soit ne font pas l’objet d’activités humaines pouvant engendrer des pressions sur les enjeux écologiques notamment de conservation d’espèces ou d’habitats naturels, soit disposent de mesures de gestion ou d’une réglementation spécifique des activités ou encore d’une protection foncière visant à éviter, diminuer significativement ou à supprimer, de manière pérenne, les principales pressions sur les enjeux écologiques justifiant la protection forte, sur une zone ayant une cohérence écologique par rapport à ces enjeux" ; "disposent d’objectifs de protection, en priorité à travers un document de gestion" ; "bénéficient d’un dispositif opérationnel de contrôle des règlementations ou des mesures de gestion."
Avis des régions et des communes concernées
Les propositions de reconnaissance de ZPF pour les espaces terrestres sont formulées par les préfets de région, sur demande "du propriétaire des biens inclus dans les zones concernées ou du gestionnaire des zones concernées" ou "du service ou de l’établissement utilisateur, pour les immeubles qui appartiennent à l’État." Le préfet soumet ses propositions pour avis aux conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel, à la région et aux communes concernées. L'avis de la région ou de la commune est réputé favorable si aucune réponse n'est apportée dans un délai de trois mois suivant la réception de la demande. Des adaptations sont prévues pour l'outre-mer et les espaces maritimes. Lors de l'examen par le CNEN, les élus avaient regretté que les départements et les EPCI ne soient pas consultés, alors même qu'ils sont respectivement compétents en matière d'espaces naturels sensibles et de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi). Ils avaient aussi estimé que "compte tenu des caractéristiques majoritairement 'rurales' des communes concernées avec pour la plupart des moyens humains et en ingénierie réduits ainsi que des équipes municipales très sollicitées", ce délai aurait dû être allongé "à quatre mois pour les communes et a minima à trois mois pour les régions".
La liste des espaces terrestres et maritimes reconnus comme ZPF après l'analyse au cas par cas est établie "par décision du ministre en charge de la protection de la nature, conjointement avec le ministre chargé de la mer pour les espaces maritimes". Ces zones sont publiées avec des indications cartographiques sur le site de l'inventaire national du patrimoine naturel (INPN) et un "point de situation" sur leur évolution est réalisé annuellement auprès du conseil national de protection de la nature. La reconnaissance comme ZPF peut être retirée aux espaces reconnus après analyse au cas par cas, par le ministre en charge de la protection de la nature, conjointement avec le ministre chargé de la mer pour les espaces maritimes, notamment sur proposition des autorités chargées des propositions de reconnaissance ou sur demande du propriétaire ou du service ou de l'établissement utilisateur des terrains concernés, lorsqu'il est constaté que les critères prévus par le décret ne sont plus respectés.
Référence : décret n°2022-527 du 12 avril 2022 pris en l'application de l'article L.110-4 du code de l'environnement et définissant la notion de protection forte et les modalités de mise en œuvre de cette protection forte. J.O. du 13 avril 2022, texte n°3. |