"Zéro artificialisation nette" : Laurent Wauquiez interpelle Élisabeth Borne
Ciblé par l'exécutif après l'annonce de son retrait du dispositif "zéro artificialisation nette" (ZAN), le président d'Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a confirmé "suspendre" les travaux de sa région et réclamé des "propositions concrètes" à Élisabeth Borne, dans un courrier qu'il lui a adressé ce 2 octobre.
Dans une lettre envoyée ce 2 octobre à la Première ministre, que l'AFP a pu consulter, le président LR d'Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, "confirme" que sa région "suspend" la modification de son "schéma d'aménagement". Or, cette procédure est censée concrétiser l'objectif de "zéro artificialisation nette" (ZAN), inscrit dans la loi Climat et Résilience depuis deux ans.
Samedi déjà, devant les maires ruraux réunis en congrès à l'Alpe d'Huez, l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy avait fait savoir qu'il "se retirait du processus" qui vise à stopper l'artificialisation des sols d'ici 2050, fustigeant une réforme "ruralicide" (voir notre article du 2 octobre). Il avait suscité immédiatement la réaction de Christophe Béchu. Rappelant sur X (ex-Twitter) que "la loi s’applique à tous", le ministre de la Transition écologique estimait que Laurent Wauquiez ne pouvait pas "faire le choix de la facilité en refusant de prendre sa part dans la transition écologique de notre pays et en jouant les territoires les uns contre les autres". "Lutter contre l’artificialisation des terres n’est pas une option, c’est un impératif, pour lutter contre le réchauffement climatique et ses conséquences", soulignait Christophe Béchu ce 30 septembre.
Dans sa lettre à Élisabeth Borne, Laurent Wauquiez rappelle que la région Auvergne-Rhône-Alpes s'était "mise en ordre de marche" depuis l'été 2022, en détaillant les étapes franchies jusqu'au printemps. Mais la nouvelle loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux "est venue modifier les règles du jeu" explique-t-il pour justifier de "ne plus engager (sa) région dans cette démarche".
Demande de clarification dans le cadre des COP régionales
Jugeant que "les conditions (...) ne sont plus réunies" pour aller au bout de la procédure, il dit attendre des "propositions concrètes qui actent une évolution de la position du gouvernement", notamment sur certains quotas de zones constructibles qui restent à préciser. Cette clarification devra selon lui se faire "dans le cadre" des "COP régionales", ces conférences sur la transition écologique formellement lancées la semaine dernière par Élisabeth Borne, qui a souhaité "aboutir à un plan d'action partagé" d'ici l'été 2024. L'occasion de "remettre à plat tout (le) dispositif législatif" du ZAN, insiste Laurent Wauquiez, mettant en garde la Première ministre contre l'absence d'une "véritable consultation des élus" qui "ne peut que (la) conduire à l'impasse".
Les autorités locales assurent toutefois que ce dialogue existe sur le ZAN. "Ça se travaille, ça se construit, et c'est ce que l'on fait actuellement avec les collectivités", a ainsi déclaré à l'AFP la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Fabienne Buccio, ce 3 octobre en marge d'un colloque sur l'eau et le changement climatique. "Personne n'a jamais dit que c'était quelque chose de facile" mais "il y a un délai pour le faire" et "on sait bien que ça va demander du courage et de l'adaptation intelligente", a-t-elle ajouté.
La Fédération des Scot monte au créneau pour défendre le bloc local
Les propos du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, devant l’Assemblée des maires ruraux ont en outre fait réagir la Fédération des Scot qui a fait part de son "étonnement". "Pour rappel la loi Climat Résilience a été votée par la majorité des parlementaires, tous groupes politiques confondus, en août 2021, la commission mixte paritaire a été conclusive à la première lecture, tout comme celle de la loi de juillet 2023 qui a vocation à faciliter la mise en œuvre de la trajectoire de sobriété foncière et d’atteinte du zéro artificialisation nette (…)", souligne son président, Michel Heinrich, dans un communiqué diffusé ce 3 octobre.
"Je ne suis pas certain que le président Wauquiez ait mesuré les conséquences directes de sa décision pour les élus du bloc local, qui eux, ne peuvent pas sortir du dispositif de la loi Climat Résilience et qui devront donc appliquer directement à l’échelle de leur document de planification (Scot), comme le prévoit la loi en l’absence d’intégration par les régions, la réduction de 50% de consommation de foncier, sans possibilité de mutualisation des grands projets régionaux et nationaux, rappelle le président de la Fédération des Scot. Chaque territoire devra donc intégrer dans son schéma de cohérence territoriale ou dans son PLU/PLUI le foncier nécessaire aux grands projets, dans sa propre enveloppe foncière." "On imagine difficilement que cela soit possible pour des projets comme la ligne Lyon Turin par exemple, dont 140 km seront réalisés en France et dont la consommation foncière serait prélevée sur les disponibilités foncières des communes traversées", illustre-t-il.