Zéro artificialisation nette : des pistes pour réformer le système de financement des collectivités

Avec les perspectives de nouvelles coupes budgétaires, et notamment la réduction drastique du fonds vert, l’équation des leviers de financement mobilisables pour la réalisation de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) devient de plus en plus complexe. Dans une étude, parue ce 4 septembre, la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) propose des pistes d’évolution pour mettre les dispositifs fiscaux et budgétaires des collectivités en adéquation avec la fin progressive de l’étalement urbain.

La Fondation pour la nature et l’homme (FNH) continue de se mobiliser pour doter les acteurs locaux des bons outils pour relever le défi de l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols d’ici 2050 inscrit dans la loi Climat et résilience. Après avoir démontré que des solutions existent pour réussir le ZAN tout en réduisant le mal logement, à travers une étude réalisée en partenariat avec la fondation Abbé-Pierre (voir notre article du 19 mars 2024), la FNH s’attaque cette fois à l’angle mort du financement dans une nouvelle contribution, mise en ligne ce 4 septembre. La question préoccupe le Sénat depuis un certain temps puisque dès juin 2022 un rapport de contrôle budgétaire préconisait une remise à plat de la fiscalité locale pour atteindre les objectifs de réduction progressive de l'artificialisation des sols, et qu’une mission d’information dédiée au financement du ZAN a par ailleurs été lancée en février dernier. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) s'est également livré à une étude sur le sujet. Que les préconisations des associations d’élus locaux sont aussi venues compléter (lire notre article). C’est dans un contexte contraint par la perspective de nouvelles coupes budgétaires que la FNH a choisi d’apporter sa pierre à la réflexion en mettant sur la table une vingtaine de propositions "pour mettre les dispositifs fiscaux et budgétaires en cohérence avec le ZAN". 

Rehausser le fonds vert

Entré en vigueur en janvier 2023 pour soutenir les projets des collectivités favorables à la transition écologique, le fonds vert déjà amputé de 400 millions d’euros et réduit à un peu plus de 2 milliards d’euros début 2014, pourrait être ramené à 1 milliard d’euros pour le budget 2025 (lire notre article). "Ce montant est extrêmement faible comparé aux besoins de financement importants pour atteindre le ZAN", soulève d'emblée l’étude, qui rappelle en outre que les priorités du fonds vert, qui se décline en 18 mesures réparties en 3 axes, sont "multiples". Ainsi, le recyclage des friches nécessiterait à lui seul un montant du fonds vert compris entre 650 et 850 millions d’euros chaque année. La renaturation entre 150 et 450 millions d’euros par an. Il est donc à craindre que l’objectif déjà limité de 1.200 hectares de friches réhabilitées par an (2024-2027) soit encore révisé à la baisse. Pour la FNH, une des clefs de la réussite du ZAN passe sans surprise par la pérennisation du fonds vert "jusqu’au moins 2050" et son renforcement "afin de dédier entre 750 et 1,3 milliard d’euros par an à la réhabilitation des friches et à la renaturation". La révision des critères d’octroi permettrait en outre aux collectivités de ne pas sous-financer certaines mesures de renaturation nécessitant une certaine ingénierie, par exemple. 

Majorer les dotations des projets économes en foncier

"Le système actuel de financement des collectivités locales n’a pas été conçu dans un cadre de sobriété foncière. Certaines dotations de l’État ainsi que le système fiscal des collectivités reposent encore sur des critères qui favorisent l’artificialisation des sols (kilomètres de voirie, rentabilité fiscale accrue des espaces urbanisés)", souligne la FNH. L’objectif ZAN impose par conséquent de "réorienter" les dotations de l’État pour dissuader l’étalement urbain et favoriser la densification et la réutilisation des espaces déjà urbanisés. Certaines préfectures ont mis en place des bonifications des montants de dotations d’investissement lorsque les projets financés participent à la sobriété foncière. C’est le cas en Seine-Maritime avec un système de bonification de 10% des dotations d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de soutien à l’investissement local (DSIL) pour les communes et les EPCI ayant une gestion économe de l’espace, illustre l’étude.

La FNH préconise au passage de limiter la contractualisation État-collectivités autour de quelques documents stratégiques comme les contrats de réussite de la transition écologique (CRTE) permettant des investissements de long terme ainsi que de favoriser la pluri-annualité des dotations d’investissement. Certains programmes qui participent pleinement à l’objectif ZAN, comme Action cœur de ville ou Petites Villes de demain pourraient, selon elle, être renforcés. 

Valoriser des espaces non bâtis par le biais de la DGF

Même réflexion pour les 27 milliards de la dotation globale de fonctionnement (DGF), dont le montant est "réparti en fonction de critères qui n'incitent pas à la sobriété foncière et qui ne prennent pas en compte les difficultés d’aménagement". La FNH propose de faire de la DGF "une ressource plus dynamique" : "Chaque année, le montant attribué pourrait varier à la hausse si la commune engage des travaux de renaturation, de désartificialisation des sols ou à la baisse si la commune artificialise son territoire." Autrement dit, allouer une part plus élevée de dotation forfaitaire aux communes disposant d’une vaste superficie d’Enaf (espaces naturels, agricoles et forestiers). Il est également proposé de remplacer le critère de voirie de la dotation de solidarité rurale (DSR) par le critère de superficie pondérée par la densité et la population ou encore d’affecter un montant plus important de dotation de solidarité urbaine (DSU) aux communes touchées par la vacance et ayant des friches. La dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales pourrait quant à elle être priorisée vers les espaces qui offrent un degré de protection forte.

Utiliser l’outil fiscal pour limiter l’intérêt de l’urbanisation 

Enfin, l’étude balaye différentes pistes pour limiter l’attrait fiscal d’une ouverture de parcelle à l’urbanisation - la fiscalité foncière sur le bâti étant bien plus rémunératrice que celle sur le non-bâti -, tout en préservant les ressources nécessaires pour financer des actions indispensables à l’atteinte du ZAN. "Augmenter significativement la taxation sur les plus-values de cessions de terrains nus devenus constructibles permettrait de diminuer en partie l’intérêt des propriétaires à souhaiter un changement d’usage de leurs terres", explique l'étude. La FNH préconise de surcroît d’attribuer le produit de ces taxes (24 millions en  2024) aux agences de l’eau et aux établissements publics fonciers (EPF) pour financer les politiques de sobriété foncière et de renaturation. D’autres propositions concernent la mobilisation des logements vacants et des résidences secondaires avec l’introduction de la progressivité. 

 

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