Smart city - Vous avez dit stupid village ? La ville intelligente suscite l'intérêt des petites collectivités
Alors que nombreuses sont les métropoles françaises qui se félicitent de mettre en place des stratégies "ville intelligente", les plus petites collectivités peinent encore à décrypter, adopter et intégrer les solutions numériques au cœur de leurs compétences. Le lundi 21 novembre, à la faveur du forum Smart Cities (voir notre article ci-contre), l'Association des communautés de France (AdCF), l'Association des petites villes de France (APVF) et la Caisse des Dépôts ont présenté leur guide "Smart city versus stupid village ?", initialement paru en septembre 2016. Ce guide compile des travaux précédents sur la ville intelligente pour brosser un état des lieux des besoins des petites et moyennes villes dans leur transformation numérique. Les secteurs les plus impliqués dans l'action du bloc communal sont passés au crible pour décrypter leur digitalisation : protection de l'environnement, eau, gestion des déchets, éclairage public, performance énergétique, mobilité, stationnement.
Le numérique, un enjeu de taille pour les petites villes
Ceux qui promeuvent le numérique dans les collectivités ne prêchent pas dans le désert : d'après le document, 80% des petites villes identifient le numérique comme une priorité, et c'est même le cas de 90% des petites intercommunalités. Il s'agit, pour les élus, à la fois de rationaliser la gestion des services et d'affirmer l'attractivité du territoire. La smart city des petites villes commence, non par les ronflantes stratégies d'ouverture des données ou d'internet des objets, mais par des améliorations pragmatiques, au coup par coup, des services urbains, permettant une amélioration du service et une réduction des coûts. Parmi les innovations prisées, la télérelève des compteurs d'eau, les redevances incitatives pour le traitement des déchets, la géolocalisation en temps réel des véhicules de transport collectif, ou encore la modulation de l'éclairage public à distance, pratiquée par 25% des petites villes et intercommunalités : l'éclairage est l'un des secteurs ayant connu la mue numérique la plus rapide.
Le "smart village", un marché encore en devenir
Pour autant, plus de la moitié des collectivités interrogées pour l'élaboration du guide considèrent ne pas connaître de solutions numériques répondant à leurs problématiques les plus pressantes. Autant dire que le besoin d'information et de partage des bonnes pratiques est criant. Faute de retours sur expérience, les projets numériques souffrent aussi des incertitudes sur le retour sur investissement envisagé, critère crucial lorsqu'il s'agit d'arbitrer entre différentes dépenses en contexte budgétaire contraint. A ceci s'ajoutent des limites humaines : un déficit de compétence locale, et, parfois, une certaine méfiance envers les changements que pourraient entraîner les outils numériques. Les petites collectivités ne constituent pas non plus le cœur de cible des industriels : ils sont 70% à reconnaître préférer les moyennes et grandes villes. Quand ils se portent sur les territoires moins urbains, ils ciblent en premier lieu les syndicats locaux et les exploitants de service public, pour s'épargner les subtilités de gouvernance des petites collectivités et de leurs intercommunalités.
Des pistes d'amélioration pour accélérer la transformation numérique
Les petites villes nourrissant pourtant une réelle appétence pour les innovations technologiques, il existe des marges de manœuvre pour permettre la rencontre entre la demande publique et le marché. Le guide "Smart city vs stupid village ?" préconise de mieux faire connaître les dispositifs d'aide au financement de l'innovation, et d'engager plus de mutualisation entre les collectivités dans la gestion des projets et des achats. Pour améliorer le retour sur investissement des solutions numériques, l'enjeu de l'intéropérabilité est aussi central : des progrès sont à fournir pour que les équipements numériques puissent être gérés de manière unifiée. Les petites collectivités craignent en effet que les innovations de pointe s'intègrent mal à leurs systèmes actuels. En somme, il reste à convaincre les élus que la ville intelligente, loin d'être seulement séduisante, est aussi réellement opérationnelle.
Pierre-Marie Langlois / EVS
LE POIDS DU VOLONTARISME POLITIQUE
La transformation numérique faisant encore figure de choix pionnier pour les petites villes, elle passe forcément par une impulsion politique forte. Il n'est pas rare que, derrière un projet de "smart village", se cache un élu particulièrement technophile. C'est le cas à Saint-Amand-Montrond (sous-préfecture du Cher, 10.200 habitants), qui a inauguré ce mardi 22 novembre 2016 un dispositif de parking intelligent. Objectif : non pas verbaliser le contrevenant, mais faciliter les circulations en centre-ville. Un projet qui fait suite à plusieurs expérimentations dans le domaine de la gestion des fluides par capteurs intelligents, en partenariat avec M2OCity. C'était Thierry Vinçon, le maire de la ville, qui avait sollicité l'entreprise pour faire de son territoire un terrain d'innovation inédit : la filiale de Veolia misait surtout sur de plus grandes villes (Lyon, Issy-les-Moulineaux, Quimper). La présence à Saint-Amand d'Antoine Frérot, PDG de Veolia, est venue symboliser la prise en compte des enjeux des petites villes par les opérateurs de services urbains. P.-M. L.