Violences à l’école : le gouvernement veut s’attaquer aux élèves "hautement perturbateurs"
Le plan d'action contre les violences à l'école présenté par le ministre de l'Éducation, mardi, met l'accent sur la prise en charge des élèves "hautement perturbateurs", estimés à 1.500.
Après plusieurs reports, le plan d’action contre la violence à l’école a été présenté mardi 27 août par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, à l’occasion de sa conférence de presse de rentrée placée sous le signe de "la réussite" (voir ci-dessous notre article "Rentrée scolaire 2019 : ce qui change pour les collectivités"). L’annonce de ce plan remonte au mois d’octobre, quand une vidéo montrant un élève menaçant une enseignante d’un lycée de Créteil (Val-de-Marne) avec une arme factice, dans une classe survoltée, avait suscité un vif émoi… Il s’en était suivi une vague de témoignages d’enseignants sur les réseaux sociaux. Le Premier ministre avait alors installé une mission d’expertise confiée à Agnès Le Brun, maire de Morlaix (Finistère), au député Stéphane Testé (LREM, Seine-Saint-Denis) et à la rectrice de la région académique Occitanie, Béatrice Gille, en vue de préparer ce rapport remis courant janvier.
"Le rôle du professeur est à la base de tout et quand l'autorité d'un professeur est remise en cause, c'est toute la République qui est attaquée", a déclaré le ministre, désireux de se rabibocher avec les enseignants après une fin d’année scolaire agitée sur fond de "crise du bac" (des professeurs grévistes avaient refusé de corriger les copies pour protester contre la réforme du lycée et du bac).
Ce plan, donc, repose sur trois piliers : la protection contre les violences commises à l’intérieur ou aux abords des établissements, la réponse aux incivilités dans les collèges et lycées et la prise en charge des élèves "hautement perturbateurs".
Renforcement des procédures disciplinaires
Dès la rentrée, dans chaque département de France, une convention Éducation nationale-Justice-Intérieur-Agriculture et Alimentation sera établie sur l'accompagnement des professeurs. L’objectif est de "préciser les rôles de chacun", d’assurer "un signalement et un traitement rapides des infractions les plus graves", précise le dossier de presse du ministère. Une circulaire élaborée avec le ministère de la Justice sera prochainement diffusée, a précisé le ministre.
Pour ce qui est des incivilités, le plan prévoit de simplifier et raccourcir les procédures disciplinaires, en réduisant de 3 à 2 jours le délai à l’issue duquel le chef d’établissement peut prononcer seul une sanction. Le délai de convocation du conseil disciplinaire est ramené de 8 à 5 jours. Les élèves exclus temporairement après un fait de violence feront l’objet d’un "suivi régulier" à leur retour, "pour mesurer qu’ils ont bien compris le sens de leur sanction".
Poly-exclus
Ce qui amène au troisième pilier du plan : la prise en charge des élèves hautement perturbateurs, les poly-exclus "qui sont environ 1.500 en France", a estimé le ministre. Une équipe mobile mixte d’intervention scolaire pourra être dépêchée sur place à la demande de l’école : un contrat pourra être établi avec l’élève pour "le mettre devant ses responsabilités". Par ailleurs, l'inspecteur d'académie pourra inscrire l'élève, dans l’une des 298 classes relais durant six mois, sans avoir besoin de l'autorisation de la famille. "Cela contribuera à ce que ces élèves soient dans des structures spécialisées" afin d'éviter qu'un établissement "sombre dans la violence", a estimé le ministre. Il pourra aussi être proposé aux familles que l'élève "en rupture profonde" avec les exigences de la vie scolaire soit envoyé dans un "internat tremplin", avec un encadrement renforcé. Ces structures viendront remplacer les actuels "internats-relais". "Nous allons en développer autant que nécessaire", a promis le ministre.
La prise en charge de ces élèves implique également le ministère de la Santé qui a adressé une circulaire spécifique aux agences régionales de santé le 31 juillet. "Les réponses à apporter à ces situations peuvent être de nature diverse : scolaires, médicales, sociales mais en tout état de cause, elles doivent être partenariales", soulignent la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, et le secrétaire d'État Adrien Taquet. Ils préconisent une réponse graduée de trois niveaux. L'intervention de troisième niveau reposera sur des équipes mobiles pluridisciplinaires et impliquera les structures médicales ou médicosociales. Elle pourra également être rattachée à la stratégie nationale de prévention de la délinquance en cours de finalisation.
Progression de 7% des agressions en 2018
Enfin, le plan repose sur la responsabilisation des familles : dès cette rentrée, un "protocole d'accompagnement et de responsabilisation des parents" (PAR) sera établi entre les parents ou les représentants légaux de l'élève et l'inspection d'académie lorsqu'un élève a fait l'objet de deux exclusions définitives au cours de la même année scolaire. Mais proposition défendue par Agnès Le Brun de retenir les allocations des familles de "parents complices" d'élèves violents n'a finalement pas été retenue.
Selon la Fédération des autonomes de solidarité laïque (FAS), les violences commises à l'encontre des personnels de l'éducation ont progressé de 7% entre 2017 et 2018. Toutefois, les deux tiers des dossiers relèvent d'agressions verbales ou de diffamation, selon le dernier Baromètre sur le climat scolaire et les relations dans les établissements de la FAS qui s'appuie sur les quelque 4.900 dossiers de protection juridique professionnelle ouverts durant cette période. Les agressions physiques représentent environ 6% du total.