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Violences conjugales : Matignon fait de la coordination territoriale sa priorité

"Ce renforcement de la coordination territoriale, condition de notre engagement au plus près des victimes, constitue une priorité absolue pour mon gouvernement", a déclaré le Premier ministre lors de son déplacement à Saint-Lô à l'occasion du deuxième anniversaire du lancement du Grenelle contre les violences conjugales qui prévoit l'application d'un arsenal de 46 mesures, complété depuis juin 2021 par six nouvelles.

Quatre lois votées depuis 2017, 1.000 places d’hébergement supplémentaires en 2021, 3.000 téléphones grave danger (TGD) déployés d’ici novembre 2021, 88.286 policiers et gendarmes ayant reçu une formation pour un meilleur accueil et accompagnement des victimes, etc., les chiffres mis en avant par Matignon pour démontrer que "la lutte contre les violences faites aux femmes " est sa "priorité absolue" seront-ils suffisants pour endiguer le fléau ? Rien n'est moins sûr même si les chiffres 2020 sont à la baisse (102 victimes en 2020 après 146 en 2019). "On peut difficilement s'en réjouir car chaque féminicide est un féminicide de trop et, dans un quart des cas, les victimes avaient déposé plainte", mentionnait l'entourage de Matignon en prévision du déplacement du chef du gouvernement à Saint-Lô à l'occasion du deuxième anniversaire du lancement du Grenelle contre les violences conjugales. De fait, "l'un des enjeux sera donc d'identifier les risques d'un passage à l'acte".

C'est donc accompagné de trois de ses ministres, Éric Dupond-Moretti (Justice), Élisabeth Moreno (Égalité femmes/hommes) et Marlène Schiappa (Citoyenneté), que le Premier ministre s'est déplacé dans la Manche le 3 septembre 2021, pour s'assurer de la bonne application sur le terrain des 46 mesures décidées à l'issue du Grenelle, lancé en septembre 2019. Sur ces 46 mesures structurées autour de trois axes (prévenir les violences ; protéger les victimes ; punir les auteurs/éviter la récidive) 36 sont effectives et 10 sont en cours de réalisation. 

Nouvelle circulaire du Premier ministre

Dispositif complété par six nouvelles mesures, à la suite de la remise, le 9 juin 2021, des rapports d’inspection sur les féminicides survenus à Mérignac et à Hayange. Parmi celles-ci, la cinquième, "la coordination accrue des acteurs locaux en charge des dispositifs de lutte contre les violences faites aux femmes", a fait l'objet d'un focus particulier lors du déplacement du Premier ministre à Saint-Lô. Le gouvernement a en effet "décidé d’accroître le partage d’informations entre les acteurs locaux afin d’améliorer leur coordination et ainsi faciliter la prise en charge des victimes". À un niveau qu'il qualifie de "stratégique", une instance de pilotage (réunissant notamment le préfet, le procureur de la République, les forces de sécurité, les services déconcentrés de l’État, les auxiliaires de justice, les agences régionales de santé et leurs entités départementales, les associations intervenant auprès des femmes victimes, les associations de contrôle judiciaire socio-éducatif, les caisses d’assurance maladie et les élus locaux), se réunira sur une base trimestrielle, pour donner des orientations au niveau départemental à l’ensemble des acteurs concernés et suivre la mise en œuvre des mesures du Grenelle et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Au niveau opérationnel, le gouvernement prévoit de faire en sorte qu'un comité de pilotage "violences intrafamiliales" présidé par les chefs de juridiction réunissant les magistrats du siège et du parquet, le Spip, les associations qui prennent en charge les victimes de violences et les forces de sécurité intérieure, se réunisse sur une base mensuelle "afin de suivre les cas individuels et activer les dispositifs de protection des victimes nécessaire". Une circulaire signée par le Premier ministre le 3 septembre vient préciser les modalités de mise en œuvre de ces comités.

Parmi les six nouvelles, celles concernant qu'on appelle les TGD pour "téléphones graves danger" est capitale. "Afin d’assurer une protection plus efficace des victimes, 3.000 téléphones grave danger seront mis à disposition des juridictions d’ici novembre 2021", rappelle le dossier de presse publié par Matignon le 3 septembre. Avant de préciser qu'à ce jour, 2.310 téléphones sont déployés sur le territoire. Depuis le début de l’année, 1.000 "BAR", pour "bracelet anti-rapprochement", ont été mis à la disposition des magistrats. Début septembre, seuls 341 bracelets ont été prononcés et 245 sont dit "actifs".

Du retard pour la création du fichier des personnes condamnées pour violences conjugales

Objet de la mesure 4, la création d'un fichier des personnes condamnées pour des violences conjugales "afin de faciliter le partage d’informations entre les forces de l’ordre et les services de la justice", doit être mis en place mais "a pris du retard", a reconnu Jean Castex. La conformité du projet avec la loi "Informatique et Libertés" doit être vérifiée, "et cela prend du temps, un peu trop à mon goût, puisqu'on nous dit que ça prendra 18 mois", a regretté le Premier ministre.

Enfin, objet de la mesure 5, la mission interministérielle pour la protection des femmes doit être renforcée "avec comme objectifs de constituer un point de contact pour les associations, d’animer les observatoires locaux des violences faites aux femmes, d’analyser les remontées issues des retours d’expérience rédigés après chaque féminicide, de créer et mettre à disposition des professionnels des outils de formation et de publier chaque année un rapport d’activité dressant un état des lieux des politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes".

7.800 places d'hébergement d'urgence d'ici fin 2021 

Concernant les places d'hébergement d'urgence, l'une des annonces du déplacement était aussi la création de 1.000 places supplémentaires. Fin 2021, 7.800 places d’hébergement devraient être dédiées aux femmes victimes de violences, comptabilise le dossier de presse avant de préciser que "le financement des nouvelles places en 2021 est par ailleurs revalorisé de 30%, avec un coût à la place passant de 25 à 35 euros en moyenne au niveau national".

À noter également qu'on recense désormais 88 conventions départementales permettant la prise de plainte pour violences conjugales au sein des établissements hospitaliers. Elles aident à "coordonner les travaux entre les forces de l’ordre et les directions des hôpitaux et des cliniques, en liaison avec les agences régionales de santé, afin que les établissements hospitaliers puissent permettre aux femmes de déposer plainte".

On relève également le recrutement de "123 intervenants sociaux supplémentaires en gendarmeries et commissariats", portant leur nombre total à 394 postes à ce jour. Ces personnels supplémentaires formés à l’accueil et à la prise en charge des femmes victimes de violences au sein des commissariats et gendarmeries permettent de sensibiliser les forces de l’ordre à l’accueil et à la prise en charge des femmes victimes de violences

Multiplier par 10 les ordonnances de protection accordées ? 

Enfin Matignon met en avant la création de 30 centres de prise en charge des auteurs de violences, "nouvel outil majeur" car "la prévention et la fin du cycle des violences constituent des enjeux essentiels des politiques publiques dans leurs dimensions sociale, judiciaire et sanitaire". 18 centres ont été créés en 2020 et 12 seront ouverts d’ici la fin de l’année 2021.

Pour la Fondation des femmes, la "persistance des violences" montre qu'il faut compléter l'arsenal des mesures, et que les moyens financiers dédiés à cette cause sont toujours "largement insuffisants". Selon sa présidente, Anne-Cécile Mailfert, il faudrait par ailleurs multiplier par 10 le nombre d'ordonnances de protection accordées aux femmes qui se disent en danger, en attendant qu'elles réunissent les éléments pour étayer leur plainte. Mais les magistrats sont encore trop "réticents" à utiliser cet outil, a-t-elle estimé. Enfin, plaide la fondation, il faudrait développer des "stages de responsabilisation" des agresseurs et améliorer leur suivi par les services de probation et d'insertion pénitentiaires.