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Rythmes scolaires - Villes éducatrices : "Investir dans l'éducation et le périscolaire, c'est un choix"

En marge des Assises régionales de l'éducation partagée au Pré Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), le 25 avril dernier, Paul Bron, vice-président du Réseau français des villes éducatrices qui regroupe 125 villes engagées dans un projet éducatif local, adjoint au maire (PS) de Grenoble chargé de l'éducation et de l'université, a répondu aux questions de Localtis sur l'avancée de la réforme des rythmes scolaires. Rencontre avec un élu enthousiaste.

Localtis – Etes-vous déçu que si peu de communes (*) se lancent dans la réforme des rythmes scolaires dès la rentrée 2013 ?

Paul Bron - Bien sûr que je suis déçu. Mais je remercie celles qui partiront en 2013, car sans ce mouvement avancé on aurait pu craindre que la réforme ne s'enterre avec les élections municipales de 2014.

Pourquoi ce retard à l'allumage ?

Les revendications des enseignants se sont cristallisées sur la réforme des rythmes, les parents soupçonnent que les villes ne seront pas capables de l'assurer, les collectivités mettent en avant le coût financier… il faut dépasser ces tensions et nous inscrire dans la réforme.
Les prochaines années seront décisives. Il faut sensibiliser, outiller, échanger les expériences, valoriser le travail en équipe et la réflexion partagée. La réforme des rythmes est inséparable de la réflexion des projets éducatifs territoriaux (PEDT).
Avec le PEDT, c'est un partenariat d'un genre nouveau qui se met en place, qui peut bouleverser la tradition centralisatrice française. Cet outil est l'occasion de dialoguer entre parents, enseignants, clubs sportifs, animateurs, élus… dans un cadre institutionnel, formalisé, où chacun peut avoir sa place, dans l'objectif d'articuler les temps de l'enfant.

Le gouvernement n'a pas souhaité fixer un périmètre au projet éducatif territorial. Pensez-vous qu'il aurait dû le faire et à quelle échelle ?

Je trouve très bien que le périmètre du PEDT ne soit pas défini. Aujourd'hui les PEL (projets éducatifs locaux)  à l'échelle intercommunale sont rares du fait que les intercommunalités n'ont pas la compétence éducation : les villes sont jalouses de cette compétence. A Grenoble, nous avons d'abord élaboré un PEL au niveau de la commune ; puis nous avons été amenés à constater que ce périmètre n'était pas satisfaisant et notre regard se porte désormais vers l'agglomération.
Le point de départ, c'est de s'engager dans une démarche de coconstruction qui nécessite qu'on se connaisse mieux. On se fréquente, on se met autour de la table pour définir les objectifs ensemble. Ensuite, l'évolution du périmètre du PEDT, s'il a lieu d'être, se fera naturellement.

Le périmètre du PEDT se pose-t-il de la même façon en milieu rural ?

En milieu rural, il est indispensable de se regrouper : pour trouver des animateurs, pour assurer le taux d'encadrement nécessaire, pour mutualiser la formation…
Je pense toutefois que ce n'est pas les petites communes qui sont les plus en difficulté, parce qu'elles trouveront toujours du personnel communal pour assurer l'animation. Les plus en difficulté, ce seront les villes moyennes qui n'ont pas d'université, car elles doivent recruter beaucoup de personnel et n'ont pas de personnes formées ou pas formées suffisamment. Or une fois qu'on a fait le tour des personnes qualifiées, on se tourne vers les étudiants et les chômeurs…

Le fonds d'amorçage de l'Etat, de 250 millions d'euros, sera-t-il suffisant ?

Au delà du fonds d'amorçage, il faut que les villes mettent la priorité à l'école : ce devra être là, plus qu'ailleurs, qu'elles devront utiliser les impôts ! Ce n'est pas une question de richesse, c'est une question de choix d'investissement (le gouvernement crée bien 60.000 postes !). Investir dans l'éducation et le périscolaire, c'est un choix. Pour Grenoble, la réforme des rythmes scolaires représente 2 à 3 millions d'euros de plus par an dans notre budget, ce qui signifie qu'elle se fera au dépend d'autre chose.
Selon les diverses estimations, la réforme des rythmes scolaires coûtera environ, par élève, aux alentours de 150 euros. Via le fonds d'amorçage, l'Etat prendra 50 euros à sa charge (95 euros dans les quartiers prioritaires). Par ailleurs, on attend toujours une contractualisation pérenne avec la Cnaf pour l'accueil périscolaire. Dès lors qu'elle sera signée, les villes pourront à leur tour contractualiser avec les CAF ; ce qui engendrera des contraintes : les activités seront payantes pour les familles et les normes d'encadrement seront celles des CAF.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à la gratuité des activités périscolaires. La gratuité n'est pas toujours une forme d'équité : elle peut permettre que des familles qui pourraient payer en profitent alors que d'autres familles (celles que l'on voudrait toucher en priorité) n'utilisent pas ce service pour leurs enfants. Selon moi, les familles doivent payer en fonction de leur taux d'effort (à Grenoble, ce sera sur la base du quotient familial).
Je ne pense pas non plus qu'il est souhaitable que les temps périscolaires deviennent obligatoires.

La voie de la péréquation, envisagée puis abandonnée, serait-elle, selon vous, une bonne idée ?

Le principe serait bon. Mais il y a tellement de restrictions dans les aides de l'Etat aux communes qu'on ne peut pas se rajouter ça.

Propos recueillis par Valérie Liquet


(*) 3.939 communes sur un total de 23.746 communes accueillant une école, soit environ 17%. Dans celles de plus de 65.000 habitants, 40% des élèves seront concernés ; dans les communes rurales, le taux tombe à 11%, soit, en moyenne nationale, 22% des élèves qui connaîtront la réforme des rythmes scolaires dès la prochaine rentrée des classes (voir le détail dans notre article du 30 avril 2013). 48% des villes adhérentes au RFVE se sont engagées pour la rentrée 2013.
 

 

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