Habitat - Ville et logement : et si on faisait le bilan de 2010 ?
François Goulard et François Scellier ne sont pas contents. Dans un document budgétaire qui vient d'être rendu public, les deux députés UMP - chargés de surveiller respectivement les crédits de la politique de la ville et du logement - dénoncent le peu d'empressement du gouvernement à expliquer comment il a utilisé, en 2010, les crédits en question. Ils s'inquiètent des défaillances sur la prévision, l'exécution et le suivi de ces enveloppes dont le montant total est de l'ordre de 8 milliards d'euros. Un chiffre auquel il faut ajouter environ 16 milliards de dépenses fiscales.
Côté crédits "ville", les critiques ne sont pas nouvelles. "Comme à l'habitude, écrit François Goulard, le rapport annuel de performance est totalement déficient et n'apporte aucune indication chiffrée" pour justifier l'écart entre les crédits autorisés par les parlementaires en loi de finance initiale et ce qui a été dépensé. En 2010 comme en 2009, le gouvernement n'a pas utilisé tout l'argent que lui avait accordé le Parlement sur cette mission. L'écart est d'environ 10 % : le Parlement avait donné 700 millions d'euros, le gouvernement n'en a affecté à cette politique que 630 millions. Certes, il est difficile de prévoir précisément à combien s'élèveront les exonérations de charges sociales dans les zones franches urbaines, tempère le député. Mais cet élément n'explique qu'une partie de l'écart. François Goulard dénonce également la coordination insuffisante entre les différents intervenants (Acsé, Anru, Epide, Epareca). Ce rôle de coordinateur est normalement dévolu par décret du 14 mai 2009 au secrétariat général du Comité interministériel des villes. Et le parlementaire de conclure par cette formule catégorique : "En définitive, il demeure impossible d'apprécier l'exécution budgétaire du programme 147 'politique de la ville' compte tenu du déficit d'information des documents" fournis.
Le ton est plus cordial du côté des crédits "logement". L'enveloppe des aides à la pierre (environ 700 millions d'euros) a permis le financement d'un "nombre exceptionnel de 131.509 nouveaux logements sociaux ou places d'hébergement". Mais François Scellier se montre beaucoup plus critique sur le suivi du milliard d'euros qui finance l'hébergement des sans-abri (soit en centre d'hébergement, soit en chambre d'hôtel) et sur les 5 milliards d'euros des aides personnelles au logement (APL). Ces deux enveloppes ont été sous-évaluées par excès "d'optimisme sur l'impact de la crise économique". En cours d'année, le gouvernement a donc dû dépenser plus que ce qui était prévu (au total environ 260 millions d'euros en plus). Au-delà de cet optimisme, François Scellier regrette surtout le manque d'indicateurs qui permettraient aux parlementaires conformément à ce que prévoit la loi organique sur les lois de finances (Lolf) de voir en quoi l'argent dépensé a été efficace. Le parlementaire voudrait notamment savoir quels sont les résultats de ces politiques dans chaque département. Sur les 15 milliards de dépenses fiscales, "du propre aveu des services ministériels, l'estimation des coûts reste très approximative". Un rapport de l'Inspection générale des finances est attendu sur le sujet.
Hélène Lemesle
Référence : Assemblée nationale, Commission des finances, Rapport sur le projet de loi de règlement pour 2010, Tome 2, Commentaire des rapports annuels de performance par les rapporteurs spéciaux, 21 juin 2011, p. 605 et suivantes.