Vins - Vignes : le groupe de travail sur la libéralisation critiqué en France
Après des mois d'intense lobbying français, le commissaire européen à l'Agriculture, Dacian Ciolos, a décidé en janvier 2012 de créer un groupe de réflexion sur la libération des droits de plantation dans le secteur viticole.
Aujourd'hui, pour pouvoir mettre en terre de nouveaux pieds, les viticulteurs doivent prouver que leurs plantations rencontrent des débouchés sur le marché du vin et assurent des retombées économiques à la production. Or, la nouvelle législation européenne, décidée en 2008, prévoit la fin de cette obligation à partir de 2015, voire 2018 pour les Etats qui le souhaitent. Ce délai a été négocié à l'époque par la France, déjà frileuse sur ce dossier.
Inverser la vapeur
Depuis lors, les professionnels du secteur mènent une fronde pour modifier le texte. Ils sont soutenu par les pouvoirs publics français qui cherche à inverser la vapeur à Bruxelles. Le précédent ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, n'avait pas ménagé ses efforts et avait réussi à convaincre de nombreux pays de le rejoindre.
Il ne manque plus que 33 voix, c'est-à-dire au moins deux pays, au sein du Conseil de l'Union européenne pour permettre à la France de faire voter un nouveau texte. Pour tenter de désamorcer les tensions, la Commission a finalement jugé utile de lancer une concertation entre les parties prenantes sous la forme d'un groupe de travail de haut niveau. Cette décision a été perçue comme une opportunité pour les opposants à la libéralisation.
Six mois plus tard, ils déchantent. Depuis la réunion du 6 juillet à Bruxelles, les critiques se multiplient. Dans un communiqué commun, les 22 sénateurs du groupe d'études "Vigne et vin" expriment "leur vive préoccupation devant le blocage des discussions à Bruxelles". Les élus regrettent "le manque d'information sur les avancées" des réunions et craignent que tout cela ne soit qu'une "manœuvre dilatoire pour éviter de réexaminer sérieusement la question des droits de plantation".
"Fédérer d'autres pays"
Même son de cloche à la Confédération paysanne. Interrogé lors des réunions à Bruxelles, le représentant du syndicat se dit lui aussi "préoccupé" et pointe du doigt l'absence de proposition de la part de la Commission. "Mais elle est en droit d'agir comme cela puisque les gouvernements ont acté cette réforme il y a quatre ans", estime Jean-François Chapelle. Tout comme les sénateurs, le vigneron souhaite que Paris ne relâche pas ses efforts et débloque la situation : "Nous espérons que la France arrivera à fédérer d'autres pays pour sortir du piège de la libéralisation actuelle."
Les préoccupations sont similaires à la FNSEA, le premier syndicat agricole français. Jérôme Desptey se dit "partagé" et scrute le calendrier avec attention. "Une solution doit être trouvée d'ici le 1er janvier 2016. Or, si la Commission refuse de proposer une initiative pour revenir d'elle-même sur la libéralisation, il faudra intégrer le dossier à la réforme de la politique agricole commune", explique-t-il.
Si cette méthode est choisie, le temps presse. Les négociations sur l'avenir de l'agriculture européenne doivent normalement être bouclées d'ici la fin de l'année 2012, même si les retards dans les perspectives budgétaires de l'UE pour 2014-2020 devraient reporter l'accord du printemps.
"Nous ne pouvons laisser passer l'opportunité législative de la PAC. Ou alors, la Commission doit publier d'elle-même une proposition législative d'ici là pour démontrer sa volonté d'aller de l'avant. Il s'agit pour nous d'une ligne rouge", lance le syndicaliste.
Ne pas mélanger les dossiers
Toutefois, le porte-parole de la Commission, Roger Waite, rappelle que "le groupe à haut niveau a pour but d'établir un rapport destiné au Commissaire Ciolos (…). Ce rapport sera établi à l'automne suite à toutes les discussions en tenant compte des spécificités de chaque Etat membre, voire de certaines régions. (...) Les travaux se font en toute transparence vis-à-vis des Etats membres et des représentants du secteur vitivinicole présents".
L'exécutif européen n'est pas particulièrement favorable au mélange des dossiers, indique une source proche du dossier. La Commission estime qu'il faut se donner le temps de la réflexion et ne pas se contenter d'un simple retour en arrière.
Sur ce point, la Commission et les organisations syndicales sont d'ailleurs d'accord. Reste à trouver un compromis sur le fond. Pour les viticulteurs français, les droits de plantations sont perçus comme des "outils de régulation". La Confédération paysanne tout comme la FNSEA sont en revanche prêtes à des modifications pour permettre leur "modernisation" sans tomber dans la libéralisation à l'excès.
La prochaine réunion de travail du groupe de haut niveau est prévue le 21 septembre.