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Commerce - Vers un renouveau des marchés forains ?

Pas moins de 8.000 marchés forains sont recensés sur le territoire. Ils ne représentent que 3% du chiffre d'affaires total des produits alimentaires mais parviennent à se maintenir à flot ; la "crise alimentaire" de ces derniers mois pourrait même leur donner un regain de vitalité. Les 8e Assises nationales du centre-ville à Reims, les 12 et 13 juin, ont fourni quelques clés pour réussir son marché. Des collectivités comme Arcachon ou Villefranche-sur-Saône qui ont entrepris d'importants aménagements ces dernières années n'ont pas eu à le regretter...

"Pas frais mon poisson ?" L'image d'Epinal du marché sur la place du village a su résister à bien des vicissitudes, notamment au rouleau compresseur des grandes surfaces à partir des années 1960. La crise alimentaire liée à l'affaire de la viande de cheval leur aurait-elle donné un regain d'intérêt ? C'est en tout cas ce que veut croire la présidente de la Fédération des marchés de France, Monique Rubin. "Les clients ont besoin de revenir à des valeurs, à la notion de qualité, au contact avec le vendeur. Ils ont besoins d'explications […]. La crise alimentaire nous a beaucoup aidés", a-t-elle assuré, jeudi, lors de 8e Assises nationales du centre-ville qui ont réuni plus de 500 personnes à Reims, les 12 et 13 juin. 
Si ces dernières années ont été plutôt difficiles pour l'activité commerciale, les marchés ont bien résisté. Ils se maintiennent aujourd'hui à 3% du chiffre d'affaires total pour les produits alimentaires (0,7% pour le reste). Pour preuve, les poissonneries sur étals ont enregistré une baisse de leur chiffre d'affaires de 6% au cours des années 2000, contre 15% pour les poissonneries en magasins.
Environ 7.000 communes ont aujourd'hui au moins un marché, hebdomadaire voire journalier. Au total, les 8.000 marchés hexagonaux font travailler quelque 80.000 commerçants non sédentaires. Parmi eux, 25.000 sont à la fois sédentaires et non sédentaires, selon les chiffres de la fédération.

A Arcachon, une hausse de 20% du chiffre d'affaires

Si la demande du public, en quête de saveurs, de convivialité et de qualité, se confirme dans les sondages, encore faut-il que les collectivités soient au rendez-vous. "Tant que les élus auront à cœur de maintenir leur marché, on répondra à l'attente des populations. Nous avons deux atouts majeurs : le renchérissement des frais de déplacement et le lien social", fait valoir Monique Rubin. Seulement les élus sont parfois pris en porte-à-faux entre marchands forains et commerçants sédentaires, dont les relations peuvent être houleuses. "Ce sont deux mondes qui ne se parlent pas toujours. Mais est-ce qu'on veut un centre-ville désert ?, a interrogé la responsable de la fédération. On veut de la vie au cœur de la ville. Il faut arrêter la guerre." 
Les collectivités qui ont entrepris de rénover leur marché - dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine comme à Tours (qui possède pas moins de 40 marchés !) ou pour répondre aux nouvelles normes sanitaires - n'ont en général pas à le regretter. Arcachon peut s'enorgueillir d'une halle flambant neuve. L'opération s'est inscrite dans une opération rénovation de tout le centre-ville qui a duré dix ans pour un total de 72 millions d'euros de travaux et 20 millions d'acquisition de foncier. Quelques mois après l'inauguration, en mars 2012, les commerçants enregistraient une hausse de 20% de leur chiffre d'affaires. Les aménagements ont également profité au petit commerce : 50 nouveaux commerçants se sont installés.

"Conseillers culinaires anti-gaspillage"

Pour Sandrine Choux, de l'Union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs, les marchés sont un gage de qualité. Les 10.000 primeurs qui travaillent sur les marchés (soit les deux tiers d'entre eux) sont "les conseillers culinaires anti-gaspillage", a-t-elle plaidé. "Ils sont le poumon du marché […]. Les représentants même des circuits courts."
Derrière la vision idyllique du marché, se cachent pourtant des pratiques parfois douteuses. "Il faut mettre en garde contre toutes sortes de turpitudes, de pseudo-producteurs qui font croire qu'ils vendent leur production mais qui sont en fait des commerçants. Ils bénéficient des statuts du producteur sans les désavantages", a dénoncé Sandrine Choux. Certaines collectivités font la chasse à ces profiteurs. A Montauban, en association avec la chambre d'agriculture, la municipalité a mis en place un règlement très strict reposant sur les photographies des parcelles des producteurs : si les produits vendus sur les étals ne correspondent pas aux parcelles, le vendeur reçoit un avertissement. Au bout de trois avertissements, il est exclu du marché.
Les régions aussi sont à cheval sur la qualité des produits vendus sur les marchés de leurs territoires. L'Aquitaine a mis en place un label "Produit ici en Aquitaine". Pour en bénéficier, les commerçants doivent signer une charte d'engagement. L'agence aquitaine de promotion agroalimentaire délivre l'agrément. Elle exerce des contrôles inopinés. Déjà, une quinzaine de communes se sont associées à la région.
La Bourgogne a mis en place un dispositif similaire avec son label "saveurs et savoir-faire de Bourgogne" assorti d'une charte de bonnes pratiques.

Régie directe

Sandrine Choux a par ailleurs relevé le nombre importants d'auto-entrepreneurs sur les marchés. D'après l'Insee, ils représentent 9% des commerçants non sédentarisés. "N'importe qui peut vendre des fruits et des légumes, mais ils ne savent pas forcément gérer une entreprises, certains confondent chiffre d'affaires et bénéfices." Sandrine Choux propose un stage d'une semaine à l'installation pour former à la réglementation des fruits et légumes.
Monique Rubin reconnaît que ce métier peut être une solution alléchante contre le chômage, "mais on risque alors de perdre en qualité".  Plutôt que de désigner les "mauvais commerçants" alors que "le domaine public est accessible à tous", elle préfère insister sur la bonne gestion d'un marché. Une alchimie qui passe selon elle par "un bon emplacement, la proximité avec les commerces sédentaires, un parking proche, une volonté de la municipalité de discuter avec les organisations professionnelles, avoir un très bon placier garant de l'ordre, et un travail avec les chambres de commerce". Selon elle, la meilleure formule est la régie directe : "Avec la régie, l'élu a en main son marché. Alors qu'avec la délégation, le concessionnaire est un intermédiaire supplémentaire entre la municipalité et les professionnels."
La politique de stationnement et l'animation sont deux éléments de réussite. La municipalité de Villefranche-sur-Saône s'est battue avec ces outils pour "garder son marché à tout prix" : "Nous avons travaillé sur le stationnement autour de la halle, avec un parking en rotation d'une heure gratuite", a témoigné Martine Glandier, adjointe au maire chargée du commerce, des halles et de l'emploi. Les politiques locales, compensées en partie par les prix des places, ont toutefois un coût élevé. La gestion de la halle de Villefranche-sur-Saône représente pas moins de 170.000 euros en frais de fonctionnement. Sur le total, une enveloppe de 25.000 euros est déboursée chaque année pour l'association d'animation du marché. Mais l'élue compare cet argent aux 80.000 euros versés à l'association de commerçants. Villeneuve-sur-Saône se veut à présent précurseur dans le tri des déchets... car les marchés doivent s'adapter (accès à l'eau, électricité...) et répondre aux besoins des citadins s'ils veulent rivaliser avec la grande distribution. Ainsi à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le marché ferme à 20h30 afin de permettre aux habitants de faire leurs courses en rentrant du travail. La responsable des marchés de France met cependant en garde contre les fausses bonnes idées, comme les marchés thématiques. A Aix-en-Provence, chaque jour de la semaine possède son marché : textiles, brocantes, fleurs, alimentation... Selon Monique Rubin, "ces marchés n'ont plus de cohérence entre eux et sont en train de mourir".

 

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