Développement durable - Vers un renforcement de la fiscalité écologique
La réunion était prévue de longue date, a précisé Matignon, mais le comité interministériel pour le développement durable, organisé le 13 novembre, arrive à point nommé, après la présentation la semaine dernière du "pacte écologique" de l'animateur Nicolas Hulot, interpellant la classe politique sur l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique. En présentant les mesures prises lors de ce comité, le Premier ministre a tenu à souligner que l'environnement n'était "pas un combat partisan" et s'est targué d'un engagement "clair et résolu" et d'un gouvernement "pionnier" en matière d'énergies renouvelables. Neuf ministres étaient présents à la réunion, parmi lesquels Jean-Louis Borloo (Emploi), Thierry Breton (Economie), Dominique Perben (Transports) ou Nelly Olin (Ecologie et développement durable), ainsi que le délégué interministériel au développement durable, Christian Brodhag, ou encore le président de la mission interministérielle de l'effet de serre, Jean-Claude Gazeau.
Le gouvernement entend asseoir sa politique en faveur de l'environnement sur un renforcement de la fiscalité écologique, notamment dans le domaine de l'énergie, dans la continuité des mesures annoncées le 4 octobre dernier. Cette réforme de la fiscalité est inscrite dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en Conseil des ministres le 15 novembre.
Possibilités d'exonération de taxe foncière
Pour la première fois, une taxe de 1,19 euro/MWh va être instaurée sur la consommation de charbon, l'un des combustibles les plus polluants tant en termes d'émissions de CO2 que d'autres polluants atmosphériques. De leur côté, les collectivités locales auront la possibilité d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties, en totalité ou à hauteur de 50%, les constructions obéissant à certains critères de performance énergétique. Cette mesure, qui s'ajoute au crédit d'impôt habitat existant, vise à encourager la réalisation de travaux de rénovation pour accroître l'efficacité énergétique des logements anciens et comporte aussi un volet sur les constructions neuves. Toujours au chapitre de l'énergie, les différentes composantes de la filière flex-fuel (véhicules, installations de distribution) bénéficieront d'un soutien fiscal, en sus de la défiscalisation du carburant superéthanol déjà introduite dans le projet de loi de finances pour 2007. Toutes ces dispositions en faveur des économies d'énergie s'accompagnent d'actions de sensibilisation : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) va ainsi doubler en 3 ans le nombre de ses espaces Infos énergie pour pouvoir accueillir au moins 2 millions de personnes chaque année.
D'autres mesures fiscales ont été annoncées le 13 novembre, comme le relèvement de 10% des taxes sur les pollutions industrielles et les déchets, en vertu du principe pollueur-payeur. Evaluées, avec celles de la taxe charbon, à 50 millions d'euros par an, les ressources découlant de ces taxes seront affectées à de nouvelles actions de lutte contre le changement climatique comme le soutien à la chaleur renouvelable. La taxe sur les nuisances sonores aériennes sera elle aussi augmentée de 10 % et ses ressources seront affectées à l'insonorisation des logements situés à proximité des aéroports. Les dépenses d'entretien et de restauration seront défiscalisées pour les sites paysagés labellisés par la Fondation du patrimoine. Enfin, pour clore le chapitre fiscal, les collectivités pourront exonérer totalement ou partiellement l'agriculture biologique de taxe foncière sur le non-bâti.
Appels à projets sur les déplacements urbains
Le Premier ministre a aussi détaillé plusieurs pistes de réflexion qui touchent notamment aux déplacements en ville, dans le souci d'un meilleur équilibre entre les différents modes de transport. Il a annoncé que le ministre des Transports allait lancer "dans les prochaines semaines" un appel à projets auprès des grandes agglomérations. "Ces projets devront faire l'objet d'une large concertation locale pour ne pas pénaliser ceux qui n'ont pas d'autre choix que d'habiter loin des centres urbains où ils travaillent, a prévenu Dominique de Villepin. Ils pourront comporter des propositions qui entraînent des modifications législatives, comme l'instauration de péages urbains ou de nouveaux modes de gestion de stationnement." Un bilan d'étape des discussions sera réalisé d'ici la fin mars 2007.
Le gouvernement entend également encourager l'équilibre entre les différents modes transport de marchandises en travaillant dans deux directions : le rééquilibrage des trafics dans les zones sensibles comme les traversées alpines, par la modification des taxes et des péages, ou, pour inciter les entreprises à recourir à des modes de transport plus propres, la création d'un marché européen de quotas de CO2 sur les transports de marchandises. Sur ce dernier point, Paris adressera un mémorandum à ses partenaires européens début 2007. Il compte aussi, au cours du premier trimestre, leur faire des propositions pour la mise en place d'une "taxe carbone européenne" sur les importations de produits industriels en provenance de pays qui refuseraient de s'engager en faveur du protocole de Kyoto après 2012.
Anne Lenormand