Financement du logement - Vers un accord des partenaires sociaux sur le 1% logement
"Tout le monde s'accorde pour dire, la Cour des comptes en tête, que les fonds gérés par le 1% logement pourraient être mieux utilisés. C'est un euphémisme" : ainsi Nicolas Sarkozy présentait-il l'enjeu de la réforme du 1% à la sortie du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril dernier. Instauré en 1953, le 1% logement (en réalité aujourd'hui 0,45% de la masse salariale des entreprises non-agricoles de 20 salariés et plus) est l'objet de critiques récurrentes : opacité, coûts de gestion élevés, concurrence stérile entre les 122 organismes collecteurs, faible productivité en termes d'offre de logements, cumul des mandats chez les administrateurs... C'est aussi un sujet sensible dans les relations entre partenaires sociaux, le Medef, qui joue le rôle principal dans la gestion du dispositif, se trouvant placé sur la défensive. L'enjeu est également important sur le plan économique, puisque l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL), la structure faîtière du 1% logement gérée à parité par les partenaires sociaux, dispose d'un budget d'investissement de l'ordre de 4 milliards d'euros par an.
Selon Jérôme Bédier, l'un des négociateurs du Medef, il semble pourtant que les partenaires sociaux sont sur le point de "parvenir à un accord mi-juillet" sur l'emploi des fonds. Après deux réunions tendues avec la ministre du Logement les 13 et 27 juin, patronat et syndicats sont d'accord avec l'idée d'une réforme du dispositif. Mais les partenaires sociaux veulent conserver la maîtrise des fonds collectés. Ils proposent donc d'intégrer les nouvelles règles de fonctionnement dans un accord professionnel. Celles-ci devraient permettre de contribuer désormais à la construction de 110.000 logements par an, au lieu des 80.000 actuels. Ces nouvelles règles seraient ensuite "transposées" dans le futur projet de loi de mobilisation sur le logement, en cours de finalisation.
Ce probable accord entre les partenaires sociaux n'est pas étranger à la pression de l'Etat. Il s'agit, pour ces derniers, de faire "front commun" face aux ambitions, voire aux convoitises, du gouvernement. Christine Boutin ne cache pas qu'elle affecterait volontiers un milliard d'euros, sur les quatre milliards centralisés par l'UESL, à des actions jugées prioritaires comme la rénovation des quartiers anciens dégradés, la rénovation urbaine et l'accession à la propriété des familles à bas revenus. Selon la CFDT, la ministre du Logement aurait ouvertement indiqué aux partenaires sociaux, lors de la réunion du 13 juin dernier, son intention d'instaurer une "ponction pérenne" d'un milliard d'euros sur les remontées du 1%, soit les deux tiers de la collecte annuelle (le reste des quatre milliards d'euros de ressources de l'UESL venant des remboursements de prêts). Une telle évolution dans l'utilisation du 1% logement resterait dans la ligne des années passées. Celui-ci contribue en effet aujourd'hui davantage que l'Etat au financement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Tout se jouera donc dans la transposition législative de l'accord en cours de finalisation. Une forte divergence entre l'accord et sa traduction ne manquerait toutefois pas - comme dans le cas de la réforme des 35 heures - de susciter de vives réactions de la part des partenaires sociaux.
Jean-Noël Escudié / PCA