Sécurité - Vers la création d'"unités territoriales de quartier"
Mise au placard en 2002, la police de proximité refait surface... sous un nouveau nom. En présentant lundi après-midi son "pacte de sécurité" lors de la conférence de cohésion sociale de la Seine-Saint Denis, la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a annoncé la création d'unités territoriales de quartier. L'enjeu : resserrer le lien entre police et population. Ces unités verront le jour dès le mois de mars, à titre expérimental, dans trois sites pilotes de ce département souvent dépeint comme le plus criminogène de France : le Franc-Moisin à Saint-Denis, les Bosquets, le Bois du Temps et le Chêne pointu à Clichy-Montfermeil et la Cité des 4.000, à La Courneuve. Composées d'une dizaine de policiers volontaires, ces unités devront "assurer une présence visible et dissuasive et identifier et interpeller les délinquants". "Je souhaite qu'une relation particulière s'instaure entre ces unités et les élus", a insisté la ministre en réfutant le terme de "police de proximité". L'expérience pourra ensuite être reproduite dans d'autres départements prioritaires (Bas-Rhin, Rhône, Val-d'Oise et Val-de-Marne) avant d'être généralisée au plan national.
Un concours spécifique à l'Ile-de-France
Selon Michèle Alliot-Marie, la réussite de ce nouveau "pacte de confiance" passera par une bonne intégration des agents. Le stage d'adaptation avant la prise de poste déjà prévu pour les nouveaux policiers de Seine-Saint-Denis sera porté de deux à trois semaines. Cette troisième semaine de "découverte", menée dans les circonscriptions d'affectation, sera l'occasion pour les maires "d'expliquer la géographie et la sociologie de leur commune". Par ailleurs, une nouvelle fonction verra le jour : celle de délégué à la cohésion police-population, assurée par des réservistes. La ministre souhaite également dégager les policiers du département de la sécurité des grands événements : stade de France, salon du Bourget, fête de l'Huma, Eurosatory... La Seine-Saint-Denis accueillera avant la fin du semestre, la première des "compagnies de sécurisation" composées de policiers sélectionnés et formés aux violences urbaines.
Enfin, la ministre souhaite fidéliser les nouveaux agents dans leur département. Un "concours à destination exclusivement francilienne sera proposé sans ambiguïté et sans attente déçue pour huit à dix ans". En contrepartie, le déroulement de carrière sera accéléré. "Une concertation sera engagée dès cette semaine avec les syndicats", a assuré la ministre. Les maires seront sollicités une nouvelle fois pour organiser une bourse de logements disponibles pour les nouveaux agents.
Une idée ancienne
Pour le Syndicat national des officiers de police (Snop), majoritaire, ces mesures vont dans le bon sens, même s'il se montre prudent quant à la mise en place des unités territoriales de quartier. "Seule une réelle fidélisation (primes attractives, logements décents, loisirs) permettra aux effectifs engagés de connaître le terrain et de se rapprocher de cette population", estime le syndicat. Déjà, à l'annonce de cette nouvelle réforme, la polémique enfle. Jean-Pierre Havrin, l'ex-patron de la police de Toulouse, s'est réjoui, lundi, de l'expérimentation d'un "laboratoire d'excellence de la police moderne" mais il a "déploré les cinq ans perdus" par la suppression de la "polprox" dont Toulouse avait servi de site pilote. Même tonalité au Parti socialiste où l'on revendique la paternité de la police de proximité en France. De fait, même si le concept remonte aux années 1970, il sera mis en oeuvre à partir de 1997 par le gouvernement Jospin, notamment avec le déploiement des adjoints de sécurité. Mais c'est aussi pendant cette période que le seuil historique des 4 millions de crimes et délits sera franchi, ce qui incitera Nicolas Sarkozy à s'en démarquer à son arrivée place Beauvau.
Quel que soit le nom donné à cette future police, il faudra lui donner des objectifs précis et ne pas l'oublier après les élections municipales. Car, comme le rappelle Dominique Monjardet, l'un des spécialistes de la police de proximité en France, la constance est la clé de la réussite : la mise en place d'une telle police à Montréal a mis plus de dix ans !
Michel Tendil