Archives

Transports - Véhicules électriques : les collectivités invitées à manifester leur intérêt

L'Etat vient de lancer un appel à manifestations d'intérêt auprès des collectivités pour accélérer le déploiement d'infrastructures de recharge de véhicules électriques dans les espaces accessibles au public. Un livre vert rédigé par le sénateur Louis Nègre apporte des précisions sur les aspects techniques, économiques et juridiques que les collectivités doivent prendre en compte.

Le gouvernement a lancé le 27 avril 2011 un appel à manifestations d'intérêt (AMI) pour accélérer la mise en place d'infrastructures de recharge de véhicules électriques "fiables, pratiques et sécurisées", selon le communiqué du ministère de l'Ecologie. Piloté par l'Ademe, cet AMI, ouvert jusqu'au 16 décembre 2013, fait suite à la charte signée le 13 avril 2010 par les ministres de l'Ecologie et de l'Industrie avec treize collectivités territoriales et les acteurs industriels concernés pour favoriser le déploiement de ces infrastructures, rappelle le communiqué. Son objectif est de "préciser les conditions au travers desquelles l'Etat accompagnera les collectivités s'engageant dans le déploiement en phase pilote des infrastructures de recharge pour véhicules hybrides ou électriques rechargeables". Au cours de la phase pilote 2011-2015, l'Etat subventionnera jusqu'à 50% de l'investissement consacré à la création de points de recharge par les collectivités précurseurs. Un budget total de 50 millions d'euros sera alloué aux opérations soutenues. Les villes labellisées "Eco-cités" pourront se porter candidates auprès de la Caisse des Dépôts, au titre du programme "Ville de demain".
Les collectivités candidates à l'AMI devront s'appuyer sur le rapport remis le 27 avril aux ministres de l'Ecologie et de l'Energie par Louis Nègre, sénateur UMP des Alpes-Maritimes et co-président de l'association TDIE (Transport développement intermodalité environnement). Dans ce livre vert attendu depuis novembre 2010, Louis Nègre apporte des précisions sur le dimensionnement des infrastructures ainsi que sur les modèles économiques et juridiques pour leur déploiement. Il fonde ses estimations sur le plan national pour les véhicules décarbonés d'octobre 2009, qui table sur deux millions de véhicules hybrides et électriques en circulation à l'horizon 2020, nécessitant 400.000 bornes accessibles au public et 4 millions de bornes privées. Pour le sénateur, "la pénétration des véhicules rechargeables dans le parc automobile devrait être de l'ordre de 1,2% en 2015 et 5% en 2020". "Ceci représente pour une agglomération de 500.000 habitants et un parc d'environ 275.000 véhicules, un parc de 3.300 véhicules rechargeables à horizon 2015 et environ 15.000 en 2020, dont il faudra satisfaire les besoins de recharge", détaille-t-il.

4.000 à 9.000 euros par point de charge

Selon le rapport, le développement des véhicules électriques  va nécessiter environ 7.000 points de charge ouverts au public en 2011 et 44.000 en 2014 pour les 25 plus grandes agglomérations françaises. "Lorsqu'on considère l'ensemble des points de charge à installer pour satisfaire les besoins, y compris sur les espaces privés, ceci représente un ratio moyen d'environ 1,1 point de charge par véhicule (ou 2,1, selon que l'on considère ou non l'installation de point de charge pour la charge principale sur les lieux de travail, en plus du lieu de charge principal de nuit)", indique Louis Nègre. Les coûts peuvent aller de 4.000 à 9.000 euros par point de charge (tous frais pris en compte) en 2011, ce qui implique, à l'échelle des 25 plus grandes agglomérations "un flux de coûts (investissements et opérations) de l'ordre de 45 millions d'euros en 2011 et 300 millions d'euros en 2014 pour l'établissement du projet", estime-t-il. Pour les seules collectivités ayant signé la charte avec l'Etat, "ces principes impliquent l'installation de 26.000 points de charge ouverts au public à horizon 2015   et 180 millions d'euros de flux de décaissement à cette date (coûts d'investissement et d'opération)", précise le rapport.
"Si les frais d'infrastructure de recharge devaient être supportés intégralement par le client final, il faudrait alors leur faire payer - pour chaque 'plein' de 25 kilowattheure – des prix compris entre 13 euros pour une borne à 3 kVA [kilo Volt Ampère, unité de mesure pour la puissance de charge, NDLR] en charge normale et 36 euros pour une borne de charge rapide à 43 kVA - auxquels pourrait s'ajouter le coût de l'électricité estimé à environ 2 euros pour ce même plein", poursuit-il. "Il apparaît donc […] qu'il est difficile de faire reposer l'intégralité du financement de l'infrastructure publique sur le client final. Ces frais peuvent être très significatifs (environ 9.000 euros sur 8 ans) pour les usagers qui stationnent de façon principale sur l'espace public (notamment voirie). Cet élément doit être considéré par les collectivités territoriales dans le calibrage de l'infrastructure de recharge et la hiérarchisation des segments de clientèle à desservir en premier." Ainsi, conclut-il, "la recharge partagée pourrait apparaître plus prioritaire et économiquement plus efficace pour le décollage du marché que la recharge principale dans le domaine public, à développer dans un second temps."

Trois modes d'intervention jugés pertinents

Le rapport a retenu trois modèles économiques et de modes d'intervention des collectivités "particulièrement pertinents pour le déploiement et le financement d'infrastructures de recharge publiques au démarrage du marché, pour peu que l'initiative d'opérateurs privés fasse défaut". Le premier, recommandé dans le cas d'espaces de stationnement publics gérés par un concessionnaire (en ouvrage ou en voirie), consisterait à négocier un avenant au contrat de délégation de service public (DSP) avec le concessionnaire pour que celui-ci intègre l'installation et l'exploitation de points de charge publics dans le périmètre de son service. Le deuxième, préconisé dans le cas d'espaces de stationnement publics en régie directe (voirie ou parkings en ouvrage) et des espaces privés ouverts - s'il y a carence de l'initiative du propriétaire de l'espace - consiste pour la collectivité à lancer un appel d'offres sous la forme d'un partenariat public-privé (PPP) pour l'équipement d'un ou plusieurs lots d'infrastructures publiques sur son territoire et dans le temps. La troisième solution pour les collectivités consisterait à se regrouper au sein d'une société publique locale (SPL) qui deviendrait porteuse du financement, du développement et la propriété du réseau d'infrastructures de recharge public et pourrait intervenir sur les espaces publics comme sur les espaces privés ouverts si les propriétaires de ces derniers ne prenaient pas l'initiative de créer le service.
Louis Nègre conclut son rapport par deux  préconisations. Il souhaite "fortement que l'Etat se dote […], au-delà du plan de 2009, d'une politique planifiée, de moyen-long terme, opérationnelle pour confirmer à l'industrie d'abord, aux collectivités ensuite, et à nos concitoyens enfin, que les véhicules 'décarbonés' constituent, de manière pérenne, un axe structurant de la politique industrielle et environnementale française, s'inscrivant parfaitement dans la démarche vertueuse du développement durable et du facteur 4". Il recommande également "une gouvernance adaptée", avec la création d'"une véritable 'task force' dédiée pour faire appliquer concrètement la politique décidée par l'Etat stratège". "Nous pensons que cette structure interministérielle devrait rendre compte directement au gouvernement. Elle devrait avoir à sa tête un responsable unique de très haut niveau, disposant d'une vraie autorité et doté de moyens financiers et humains lui permettant d'accomplir réellement sa mission, et donc d'être reconnu par tous."