Utilisation des eaux recyclées dans l’agroalimentaire : un projet de décret en consultation
Attendu depuis de nombreux mois, le projet de décret visant à mettre en place un cadre procédural pour l’autorisation d’eaux recyclées dans l’agro-alimentaire vient enfin d’accéder au stade de la consultation publique, et ce au lendemain de la présentation du plan Eau, qui fait de la réutilisation des "eaux non conventionnelles" une des priorités.
Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire soumet à consultation publique, jusqu’au 21 avril, un projet de décret définissant les conditions requises pour la production et l’usage d'eaux réutilisées dans le processus de transformation des industries agro-alimentaires. Le projet de texte emboîte le pas au plan Eau, dévoilé par le président de la République ce 30 mars (lire nos articles des 30 et 31 mars), et dont l’un des axes principaux est de permettre la valorisation des "eaux non conventionnelles" (REUT, eaux de pluie, eaux grises…). Et pour cause, face à la sécheresse et au dérèglement climatique, il s’agit là d’une solution incontournable pour répondre aux tensions sur la ressource en eau qui vont s’accroître. Les freins, notamment d’ordre sanitaire et environnemental, sont nombreux en la matière justifiant jusqu’ici une certaine frilosité. Le plan Eau promet que ces verrous réglementaires "seront levés dès 2023" dans certains secteurs industriels, et notamment l’agro-alimentaire, et pour certains usages domestiques. Le sujet, "qui s’inscrit dans le plan d’actions du volet agricole du Varenne de l’eau qui vise à développer des protocoles de réutilisation des eaux usées dans les industries agroalimentaires", relève le ministère, est en réalité dans les tuyaux depuis plusieurs mois.
Un feu vert ancien dans l’attente d’un décret
Les conditions dans lesquelles les eaux usées traitées peuvent être réutilisées sont introduites par touches successives dans les corpus législatifs et réglementaires. Le projet de décret soumis à consultation est ainsi pris en application de l'article L.1322-14 du code de la santé publique qui permet l’utilisation d’une eau "non potable", c’est-à-dire non destinée à la consommation humaine, pour certains usages, domestiques ou dans les entreprises alimentaires, "lorsque la qualité de ces eaux n'a aucune influence, directe ou indirecte, sur la santé de l'usager et sur la salubrité de la denrée alimentaire finale". Cette possibilité a été prévue par l’ordonnance n°2017-9 du 5 janvier 2017 relative à la sécurité sanitaire (prise suivant l’habilitation de l’article 204 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé). Faute de décret d’application, l’industrie agro-alimentaire était toutefois contrainte jusqu’à présent d’utiliser exclusivement une eau destinée à la consommation humaine pour la préparation et la conservation des denrées.
Des garde-fous pour assurer la sécurité sanitaire des aliments
L’objectif du projet de décret est de favoriser "la réduction de la pression sur le prélèvement d’eau dans la ressource naturelle, en définissant les conditions requises pour la production et l’usage d'eaux destinées à être réutilisées en vue de la préparation, de la transformation et la conservation de toutes denrées destinées à l’alimentation humaine", explique le ministère. Le texte décrit notamment les catégories d’usages possibles, la procédure d'autorisation des projets de production et d’utilisation d’eau recyclée (dont le contenu de l'arrêté préfectoral d’autorisation) et les modalités de surveillance à mettre en place pour s'assurer que la production et l'utilisation des eaux réutilisées sont compatibles avec les impératifs en matière de sécurité sanitaire des aliments. Les eaux recyclées y sont définies comme "les eaux usées traitées, impropres à la consommation humaine, traitées en vue de de leur utilisation pour les catégories d’usages mentionnés à l’article R.1322-77 [introduit par le projet de décret]".
Le dossier aux mains du préfet est transmis pour information au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst). L’arrêté préfectoral d’autorisation regroupe entre autres un ensemble de garde-fous s’agissant de la qualité de l’eau recyclée et d’obligations de traitement et de surveillance (bilan annuel à lui transmettre). Il est impératif que l’eau recyclée circule dans un réseau séparé. L’interconnexion avec un réseau d’eau destinée à la consommation humaine est en outre interdite. En cas de risque imminent pour la santé publique, le préfet pourra ordonner "sans formalité préalable" l’arrêt de la production et de l’utilisation de l’eau recyclée.
Un arrêté interministériel devrait ultérieurement revenir plus en détail sur les différents usages d’eau recyclée autorisés ainsi que, pour chaque type d’usage, les exigences de qualité auxquelles l’eau recyclée doit satisfaire. La rédaction, par chaque filière du secteur alimentaire, de guides de bonnes pratiques est par ailleurs encouragée.