Une sortie de l'état d'urgence progressive… et réversible
Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, qui prendra le relais de la loi d'urgence sanitaire à partir du 2 juin et jusqu'au 31 octobre, a été présenté ce mercredi 28 avril en conseil des ministres. Jean Castex parle à ce sujet de "régime transitoire". L'exécutif pourra continuer d'instaurer par décret des restrictions de déplacements, de réunions et d'ouverture des ERP. Emmanuel Macron doit s'exprimer ce vendredi.
Le gouvernement a adopté ce mercredi 28 avril en conseil des ministres le projet de loi "relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire", sur lequel le Conseil scientifique a émis un avis favorable et dont le Parlement entamera l'examen "dès la semaine prochaine", tel que l'a précisé Jean Castex à la sortie du conseil.
La nouvelle loi viendra prendre le relai de la loi de février qui prorogeait l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin. Ses dispositions entreront donc en scène le 2 juin et sont prévues pour rester en vigueur jusqu'au 31 octobre, soit pendant cinq mois. Elle permettra, a dit le Premier ministre, de "nous projeter sur les modalités de sortie" de l'état d'urgence. Mais la sortie sera bien "progressive et phasée". Il s'agit en somme d'"instituer un régime transitoire", celui d'un "devoir de vigilance sanitaire", et donc de "revoir nos outils juridiques" : conditions d'ouverture des ERP, possibles limitations des déplacements et rassemblements, question des frontières, conditions d'isolement pour les personnes arrivant de pays particulièrement touchés par certains variants…
ERP : une ouverture potentiellement très contrôlée
Le projet de loi prévoit ainsi que le Premier ministre aura la compétence de prendre des mesures "par décret (...) dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19".
Dans ce cadre, il pourra "réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l'accès aux moyens de transport collectif (...) sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé".
Le chef du gouvernement pourra par ailleurs imposer "des tests obligatoires pour le franchissement des frontières", voire "un justificatif de l'administration d'un vaccin contre la Covid-19 ou un document attestant (du) rétablissement" de la personne ayant été contaminée.
"Pour répondre à des dégradations localisées de la situation sanitaire", le texte précise que l'état d'urgence sanitaire pourrait toutefois être déclaré jusqu'au 31 octobre, "dans une ou plusieurs circonscriptions territoriales déterminées", pour un délai porté à deux mois, "pour autant que ces circonscriptions territoriales représentent moins de 10% de la population nationale".
La fin du vrai couvre-feu
Une source gouvernementale avait indiqué à l'AFP que dans ce cadre, des "dérogations" à la fin du couvre-feu pourront par exemple être décidées en fonction de la situation sanitaire. Interrogé mercredi sur ce point, Jean Castex a dit autre chose : le texte "ne permet plus de recourir au couvre-feu". Si la situation sanitaire devait exiger le retour d'un couvre-feu, alors il faudrait une nouvelle loi. Une telle hypothèse n'est donc pas exclue. Il a toutefois relevé que dans la mesure où le texte permet de réglementer l'ouverture des ERP, on peut envisager une situation dans laquelle les Français seraient certes autorisés à sortir de chez eux le soir… mais avec tous les lieux fermés (ce qui restreindrait de facto les motifs de sortie).
Le projet de loi vient par ailleurs prolonger toute une série de délais et échéances fixés par les dernières lois d'urgence sanitaire quant au "fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives". Ainsi, les "règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé" sont prolongées jusqu'au 31 octobre. De même, les dispositions de l'ordonnance du 1er avril 2020 "visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux", prévues pour prendre fin en même temps que l'état d'urgence, resteront valables jusqu'à fin octobre.
Enfin, on le sait, le dernier article du projet de loi vient contribuer à l'arsenal juridique devant entourer l'organisation des élections régionales et départementales de juin.
Le projet de loi a été mis en ligne ce mercredi soir sur Legifrance, accompagné de l'avis du Conseil d'Etat et de l'étude d'impact, qui indique entre autres que trois décrets et deux ordonnances seront nécessaires pour son application.
Allocution présidentielle vendredi
Emmanuel Macron présentera ce vendredi "les perspectives" de "sortie progressive" des mesures de restrictions, a au passage annoncé Jean Castex, sans que l'on sache pour le moment l'horaire et la forme de cette intervention présidentielle. Le chef de l'Etat devrait officialiser à cette occasion la levée le 3 mai des restrictions de circulation.
Alors que l'on ne dispose que de très peu d'informations quant au calendrier et au contenu de cette "sortie", on saura qu'Emmanuel Macron s'est entretenu mardi soir sur le sujet avec une dizaine de maires. "L'idée, c'était d'échanger pour faire part de notre rôle de maire dans la gestion de la crise, les difficultés, ce qui fonctionne, l'aspect vaccination également, les perspectives de retour à la vie normale et le plan de relance", a affirmé Emmanuelle Lejeune, maire de Saint-Lô (Manche), à l'issue de la réunion. "On a senti chez lui une volonté d'anticipation" pour la stratégie vaccinale et la sortie du confinement. Mais il n'a pas donné de "dates", a indiqué à l'AFP le maire de Hazebrouck (Nord) Valentin Belleval.