Une ordonnance réforme la publicité foncière

Essentiellement régi par un décret-loi de 1955, et peu remanié depuis une soixante d’années, le régime de la publicité foncière vient de connaître un sérieux dépoussiérage avec la publication d’une ordonnance, fruit d’un travail dense et technique, pour en moderniser le fonctionnement. L’objectif est de recentrer la publicité foncière sur son objet principal, à savoir l’opposabilité des droits réels immobiliers, et d’améliorer l’accessibilité des règles applicables, en les réunissant au sein du code civil. Ces mesures devraient également concourir à la fluidité et à l'abaissement des délais des opérations de publicité foncière.

Présentée la veille en Conseil des ministres par le garde des Sceaux, l’ordonnance modifiant et codifiant le droit de publicité foncière prise sur le fondement de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 (article 51) - est parue ce 20 juin. Elle s’articule en cinq titres et vingt-sept articles, avec pour objectif "de renforcer la sécurité juridique résultant des garanties apportées aux transactions immobilières, au financement bancaire et à la levée des impositions foncières par le fichier immobilier". 

Le principe d'un recours à une ordonnance sur ce sujet avait en réalité été acté par la loi "3DS" (article 198). La loi de programmation du ministère de la Justice a donc permis une prolongation opportune du délai d’habilitation du gouvernement pour moderniser le fonctionnement et faciliter l’accessibilité du régime de la publicité foncière assurant l’opposabilité des droits immobiliers. Un travail nourri des propositions de la commission dirigée par le professeur de droit Laurent Aynès, et dont le rapport "Pour une modernisation de la publicité foncière", avait été remis au garde des Sceaux en novembre 2018. 

Même s’ils ont été retouchés par quelques toilettages successifs, le "décret-loi" n°55-22 du 4 janvier 1955 et le décret du 14 octobre 1955 pris pour son application constituaient toujours le cœur du système actuel de publicité foncière, caractérisé par sa grande technicité et l’enchevêtrement de règles éparses. Également en cause, des délais de publications sensiblement accrus depuis la suppression en 2013 des conservateurs des hypothèques, non sans conséquence sur la sécurité juridique des transactions immobilières et sur la confiance des créanciers hypothécaires. La modernisation du régime de la publicité foncière vise ainsi "à simplifier les processus de publication, d’inscription et de délivrance des renseignements hypothécaires, afin de fluidifier les opérations immobilières et contribuer ainsi à l’attractivité économique de la France", insiste le ministère. 

Pas de grand chamboule tout

"L’objectif de la réforme n'est pas de remettre en cause les principes fondateurs de l'actuel système de publicité foncière ou d'en bouleverser le fonctionnement", relève le rapport de présentation de l’ordonnance. Il s'agit plutôt de lui offrir "un régime modernisé, simplifié et rationalisé, par la création de principes généraux de la publicité foncière, codifiés dans le code civil, afin d'améliorer l'accessibilité de la matière et de renforcer son efficacité juridique". Concrètement, le décret du 4 janvier 1955 est abrogé et ses dispositions de valeur législative sont rassemblées et adaptées au sein du livre II du code civil. L'article 710-1 consacre ainsi une définition de la publicité foncière, recentrée sur la publicité des actes relatifs aux droits réels immobiliers, et énonce le principal effet juridique généré par celle-ci : l'opposabilité aux tiers des documents rendus publics. 

Même effort de clarification pour l'inscription des privilèges immobiliers et des hypothèques, dont les principes directeurs sont clairement énoncés, en tenant compte de l'acquis jurisprudentiel. 

Sur le fond, le principe de l'authenticité des actes rendus publics et l'exigence de publicité préalable des titres antérieurs à ceux dont la publicité est requise (annoncée au nouvel article 710-5) sont renforcés par les nouveaux textes. Les règles d'opposabilité née de la publicité foncière sont rassemblées et clairement énoncées, et en particulier grâce à une liste des actes publiés à cette fin. Le principe de la priorité accordée au droit résultant d'un acte rendu opposable par sa publication au fichier immobilier (principe du "primo-publiant") est lui aussi réaffirmé. Les formalités dont la base légale était mal assurée, particulièrement en matière de mentions en marge d'inscriptions d'hypothèque déjà prises ou de documents précédemment publiés, sont en outre sécurisées. 

Parmi les simplifications opérées, figurent également "le recentrage du fichier immobilier sur les seules informations relatives à la propriété des biens et aux sûretés dont ils sont grevés, l’harmonisation et la simplification des différentes formalités de publicité foncière, ainsi que la rationalisation des contrôles effectués par le service chargé de la publicité foncière [SPF], de façon à accélérer le traitement des demandes de publications et de renseignements", remarque le ministère. Sur le plan procédural, l’ordonnance améliore aussi le système de sanctions et rationalise le cadre juridique des décisions de refus de dépôt et de rejet de la formalité afin de dégager là encore les gains de productivité attendus des SPF. La liste limitative des actes et décisions admis à la publicité foncière sera précisée par la voie réglementaire. Ce champ d'application circonscrit permettra au SPF de refuser l'admission de documents non prévus, afin de concentrer son activité sur l'objet premier de la publicité foncière.

Ces dispositions entreront en vigueur le 31 décembre 2028, "délai nécessaire à la publication des décrets d’application de la réforme et à la mise à jour des applicatifs opérationnels des services chargés de la publicité foncière", est-il expliqué. 
Un projet de loi de ratification doit par ailleurs être déposé dans les trois mois. Un délai qui semble toutefois difficile à tenir après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. 

Référence : rapport au président de la République et ordonnance n°2024-562 du 19 juin 2024 modifiant et codifiant le droit de la publicité foncière, JO du 20 juin 2024, textes n°34 et 35. 

 

 

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