Une nouvelle doctrine d’action des forces de l’ordre pour les villes les plus touchées par la délinquance

Le ministre de l’Intérieur a présenté aux préfets une nouvelle doctrine d’action des forces de l’ordre à mettre en œuvre dans les villes les plus touchées par le trafic de stupéfiants, la délinquance, l’immigration irrégulière et le repli communautaire. L’objectif : reprendre le contrôle de la voie publique et démanteler durablement les filières. 

Face à la délinquance et la violence, le ministre de l’Intérieur l’affirme : il veut "actionner tous les leviers". Dans une circulaire du 12 février, Bruno Retailleau invite ainsi tous les préfets à mettre en œuvre une nouvelle doctrine d’action des forces de l’ordre, dite des "villes de sécurité renforcée", dans les villes où "la situation est la plus préoccupante". Concrètement, celles qui cumulent quatre critères : un "enkystement des trafics de stupéfiants" ; une concentration des faits de délinquance sur un territoire réduit ; des troubles à l’ordre public récurrents ; la présence d’une immigration irrégulière et de repli communautaire. Les villes concernées ne sont pas encore officiellement connues – "la liste n’est pas communiquée", indique le ministère à Localtis. D’après le quotidien Le Figaro, elles devraient être au nombre de 25, parmi lesquelles Nantes, Rennes, Grenoble et Marseille.

Une opération "place nette" approfondie…

Cette nouvelle doctrine "s’appuie sur les enseignements positifs" des opérations "places nettes" (voir notre article du 17 avril 2024), dont "elle en approfondit le concept et l’inscrit dans la durée", précise le ministre. "Reprendre le contrôle de la voie publique" est ainsi l’un des objectifs affichés, via des contrôles et fouilles de caves, de parties communes et de véhicules, dans les transports en commun et sur la route, via la "reprise de la voie publique" avec les municipalités et les bailleurs sociaux (effacement de tags, enlèvement des épaves et encombrants…), l’utilisation des drones et de la vidéoprotection ou encore l’implantation de commissariats ou de brigades mobiles. Autant d’actions qui doivent permettre de "contrarier le délinquant dans ses déplacements" et "pousser au maximum la déstabilisation des équipes de malfaiteurs".

… et durable

"Obtenir des résultats visibles et durables", en "empêchant les délinquants de se réimplanter", est un autre objectif visé. Ce qui suppose, observe Bruno Retailleau, "des sanctions pénales [qui] seules peuvent permettre de mettre durablement hors d’état de nuire les délinquants". Les préfets sont en conséquence invités à "associer le plus en amont possible l’autorité judiciaire" à la bataille et, en amont, à "identifier des cibles prioritaires", en mobilisant les services de renseignement et en sollicitant aussi les groupes de partenariat opérationnel (GPO) et les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross). Une nouvelle fois, Bruno Retailleau appelle en outre à frapper les délinquants au portefeuille : "Il est essentiel d’aller jusqu’au bout de l’identification de leur patrimoine et de tout mettre en œuvre pour les en déposséder".

Continuum de sécurité, polices municipales en tête

Les préfets sont plus largement invités à mobiliser "tous les partenaires du continuum de sécurité", à commencer par les polices municipales (PM). "Si nécessaire", devront ainsi être "adapt[és], dans le cadre d’un dialogue constructif avec les maires, les horaires et lieux de présence" des agents des PM. Devront également être mis à profit les pouvoirs "bientôt étendus" de ces derniers "dans le cadre du Beauvau des polices municipales", dont la reprise est imminente (voir notre article du 6 février). Le développement de "l’approche situationnelle" (aménagement de l’espace urbain, éclairage…) est également souhaité. 

Les différents services de l’État (services fiscaux, douanes, répression des fraudes…) – et naturellement les groupes interministériels de recherches [GIR] et les comités opérationnels départementaux anti-fraude [Codaf]) – devront également être sollicités, notamment pour contrôler les commerces. "Toute infraction administrative" devant être systématiquement relevée et traitée (fermeture de débit de boissons, amende, récupération des prestations sociales ou de Pôle emploi indues, etc.). Une "utilisation large de la police des étrangers" devra également être assurée, ainsi que "l’étude de l’activité des associations qui bénéficient de financement public", dans le cadre d’un contrat d’engagement républicain qui peinait l’an passé à convaincre le Sénat (voir notre article du 12 mars 2024). Les groupes d’évaluation départementaux (GED), "jambe sécuritaire" du dispositif territorial de prévention de la radicalisation violente (pas plus que les Cpraf, la "jambe sociale" du dispositif), les cellules de lutte contre l’islamisme radical et le repli communautaire (Clir) ou autres conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD/CISPD) ne sont, eux, pas évoqués par la circulaire.

Double-lame

Cette nouvelle doctrine s’inscrit dans la "stratégie de double-lame" revendiquée par le ministre dans la circulaire. La première vise spécifiquement le narcotrafic et la criminalité organisée, via la proposition de loi adoptée par le Sénat le 4 février dernier (voir notre article du 5 février). Cette dernière devrait d’ailleurs être finalement examinée par l’Assemblée nationale avant la proposition de loi visant à réformer le mode de scrutin municipal à Paris-Lyon-Marseille (voir notre article du 6 février). La seconde vise le "bas du spectre de la délinquance", via les "plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien" (voir notre article du 25 novembre).

 

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