Propriété intellectuelle - Une collectivité "est en droit de protéger son nom contre toute exploitation commerciale injustifiée"
La cour d'appel de Paris a rendu le 12 décembre 2007 un arrêt considérant explicitement que le nom d'une collectivité territoriale, en l'espèce Paris, est protégé d'une manière semblable au patronyme d'une personne physique. Plus précisément, elle considère qu'"à l'instar d'une personne physique ou d'une personne morale, une collectivité territoriale est en droit de protéger son nom contre toute exploitation commerciale injustifiée, notamment lorsqu'un tiers, en déposant une marque, sera susceptible de lui causer un préjudice soit en l'empêchant de tirer profit de la commercialisation de son nom, soit en nuisant à son identité, son prestige ou sa renommée".
En France, deux dispositifs légaux envisagent la protection du nom des collectivités territoriales : d'une part, l'article L.711-4 h) du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que "ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs" et notamment "au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale" et, d'autre part, le nouvel article R.20-44-43-II du Code des postes et télécommunications (issu du décret n°2007-162 du 6 février 2007) qui prévoit que sauf autorisation de l'assemblée délibérante, le nom d'une collectivité territoriale peut uniquement être enregistré par cette collectivité "comme nom de domaine au sein des domaines de premier niveau correspondant au territoire national".
Récemment, plusieurs décisions de jurisprudence ont accueilli favorablement, sur le fondement du risque de confusion, les actions introduites par des collectivités territoriales tendant à obtenir l'annulation de marques et/ou de noms de domaine déposés par des tiers, construits avec le nom de la collectivité territoriale demanderesse (tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 14 mars 2007 ; cour d'appel de Versailles, 12e ch., 13 septembre 2007).
Dans sa décision du 12 décembre 2007, la cour, qui relève que la ville de Paris utilise fréquemment son nom en association avec l'expression "l'Eté" (pour dénommer un certain nombre de manifestations culturelles, sportives etc.), adopte une motivation différente pour prononcer l'annulation de la marque "Paris L'Eté". Elle souligne que le dépôt de la marque "Paris L'Eté" constitue une exploitation injustifiée du nom Paris et que cela risque de porter préjudice à la ville, soit parce qu'il empêche celle-ci de tirer un bénéfice commercial de l'exploitation de son nom, soit parce qu'il risque de nuire à son identité, son prestige ou à sa renommée. La motivation semble pour partie s'inspirer des dispositions de l'article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle qui organise une protection spécifique des marques de renommée et qui dispose que "l'emploi d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non-similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s'il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière".
La mairie de Paris s'est félicitée de cet arrêt, soulignant que celui-ci "reconnaît pour la première fois aux collectivités territoriales un véritable droit sur leur nom lorsqu'elles offrent des services dans le cadre de leurs missions de service public".
Isabelle Pottier, Anne-Sophie Cantreau / Cabinet Alain Bensoussan