Education - Une charte de la laïcité pour rappeler que la loi de la République prévaut sur la loi religieuse
La République est laïque. L'école est laïque. Pour rappeler et faire respecter ce principe dans les écoles et établissements d'enseignement du second degré public, Vincent Peillon s'était engagé en septembre 2012 à établir une charte de laïcité. C'est aujourd'hui chose faite. Le ministre de l'Education nationale a présenté et installé sa "charte de la laïcité à l'école", élaborée à l'intention des personnels, des élèves et de l'ensemble des membres de la communauté éducative, lors d'un déplacement ce 9 septembre dans un lycée de La Ferté-sous-Jouarre (académie de Créteil).
Les 15 commandements pour mieux vivre-ensemble
Déclinée autour de 15 valeurs et principes choisis comme symboles de la République laïque, "les cinq premiers articles de la charte rappellent les principes fondamentaux de la République indivisible, laïque, démocratique et sociale et le fondement solide que la laïcité offre à l'épanouissement de ces valeurs. Les dix articles suivants expliquent ce que doit être la laïcité de l'école, qui assure aux élèves l'accès à une culture commune et partagée. La neutralité des personnels et la laïcité des enseignements y sont rappelés, de même que les règles de vie, respectueuses de la laïcité, dans les différents espaces des établissements scolaires publics".
La vocation de la charte est, selon Vincent Peillon, de préciser en quoi la laïcité est "une des conditions essentielles du respect mutuel et de la fraternité". La laïcité comme respect de la liberté individuelle et comme barrage au prosélytisme. "La charte que vous tenez entre les mains, affichée dans nos écoles, nos collèges, nos lycées, est non seulement de rappeler les règles qui nous permettent de vivre ensemble dans l'espace scolaire, mais surtout d'aider chacun à comprendre le sens de ces règles, à se les approprier et à les respecter", indique le ministre de l'Education nationale en préambule de la charte, introduisant ainsi les différents "articles" instituant entre autres : la notion d'égalité entre garçons et filles, l'interdiction de signes ostensiblement religieux, la garantie de libre expression "chacun est libre de croire ou de ne pas croire"...
Un instrument pour "faire vivre la réflexion sur la laïcité"
La charte de la laïcité à l'école sera "affichée de manière à être visible de tous. Les lieux d'accueil et de passage sont à privilégier". Elle est de la responsabilité des établissements et directeurs d'école d'en assurer son affichage et sa diffusion en direction de l'ensemble de la communauté éducative, ainsi que des partenaires locaux de l'école, acteurs éducatifs et représentants associatifs notamment. "Il leur revient aussi de réfléchir avec l'ensemble des équipes pédagogiques aux moyens de faire vivre la réflexion sur la laïcité dans leur établissement, à partir de cette charte." Les membres des corps d'inspection l'incluront dans leur accompagnement pédagogique, les conseillers principaux d'éducation, les référents vie lycéenne et les professeurs principaux donneront aux élèves, notamment aux élèves élus, les moyens de se saisir de ce texte et de participer activement à la connaissance du principe de laïcité au sein de leur établissement scolaire. Il est recommandé de joindre la charte de la laïcité à l'école au règlement intérieur.
Un nouveau chemin de croix pour Vincent Peillon?
A peine dévoilée, la charte fait déjà beaucoup parler d'elle. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) voit au sein de celle-ci plusieurs "allusions" à l'islam qui "risquent de renforcer le sentiment de stigmatisation" dans "la communauté", quand certains enseignants affirment que sans le soutien et l'aval des familles, ce nouveau "protocole" sera un coup d'épée dans l'eau…
Il y a aussi ceux qui n'ont pu que remarquer l'absence des "sujets polémiques". Si l'article 12 (1) tend à mettre fin aux incidents relatés dans différents établissements où des élèves ont refusé d'écouter, de participer ou de rendre un travail sur certains sujets évoquant leurs convictions religieuses, il n'en demeure pas moins un silence qui interpelle concernant les cantines ou les fêtes religieuses. Valérie Marty de la fédération de parents d'élèves Peep déplore ainsi que la charte "fasse l'impasse sur d'autres sujets épineux, notamment autour du sapin de Noël ou de la cantine. Parfois, il y a un scandale parce qu'il y a du poisson à la cantine le vendredi", précise-t-elle.
De son côté le Défenseur des droits, Dominique Baudis, qui a salué l'existence de cette charte, a néanmoins décidé de saisir le Conseil d'Etat afin d'obtenir des "clarifications nécessaires" sur l'application du principe de laïcité, ciblant deux points en particulier : "les collaborateurs bénévoles ou occasionnels du service public", donnant l'exemple des mères voilées accompagnant les enfants lors de sorties scolaires, et les "salariés du secteur privé agissant en lien avec les pouvoirs publics", citant l'exemple des crèches privées.
Reste maintenant à savoir si le fait d'avoir écrit noir sur blanc 15 principes de vie laïcs et de les afficher aux yeux de tous changera la vie des professeurs et des élèves au sein des établissements scolaires. Déjà habitué aux polémiques, le ministre de l'Education se défend d'avoir voulu stigmatiser certaines communautés et précise que "la laïcité est un combat, non pas contre certains, mais pour tous, pour ce qui rassemble et doit rassembler tout le monde".
La charte de la laïcité sera suivi d'un autre combat du ministre de l'Education nationale, celui de l'enseignement au primaire de "la morale laïque", qu'il compte mettre en oeuvre dès 2015.
Sandrine Toussaint
(1) Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une partie du programme.