Archives

Informatique - "Une avancée majeure pour le logiciel libre" : une circulaire de Jean-Marc Ayrault

"Après plusieurs années au cours desquelles la question de l'usage du logiciel libre a pu faire l'objet de nombreuses discussions, il est désormais possible de retenir une série d'orientations et de recommandations sur le bon usage du logiciel libre", indique le Premier Ministre dans sa lettre d'introduction à une circulaire-cadre sur le logiciel libre qu'il vient d'adresser aux ministères, dans laquelle il leur demande de mettre en oeuvre ces logiciels au sein de leurs services. Cet acte d'engagement officiel marque un tournant salué par les associations et notamment par le président du Conseil national du logiciel libre (CNLL), Patrice Bertrand : "Depuis longtemps, le logiciel libre tient une place de choix dans les services informatiques de l'Etat, mais les prises de position officielles avaient rarement été aussi claires, engagées et accompagnées de résolutions concrètes."

Un écosystème rentable y compris dans les collectivités locales

La circulaire recense les succès en citant les logiciels les plus connus - ceux qui "s'appuient sur une forte communauté d'utilisateurs" - comme le serveur web Apache utilisé sur près de 60% du parc installé en France (2011) ou encore Linux, Firefox, Jboss, Open SSL... Les collectivités territoriales ne sont pas oubliées avec l'Adullact (1), association présentée comme un modèle : "Pour développer un système de gestion d'aide au niveau local ou une plate-forme de dématérialisation des marchés publics, il est aisé de voir qu'une association des acteurs, facilitée par le modèle libre, sera profitable à chacun", souligne la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (Disic), qui a rédigé la circulaire. Et celle-ci d'ajouter : "La simplicité de gestion, la réduction des coûts et la commodité de réutilisation sont évidentes."
Le logiciel libre peut devenir très rentable pour des applications destinées à un grand nombre d'utilisateurs, puisqu'il économise l'achat des licences. Une direction ministérielle a ainsi divisé par dix les coûts de fonctionnement des applicatifs déployés et les programmes d'échanges de données entre ministères et collectivités locales, notamment ceux de la comptabilité publique pour le traitement de la chaîne comptable dématérialisée (Xemelios de la DGFIP) - une valeur ajoutée évidente alors que "le modèle propriétaire serait particulièrement coûteux".

Réinvestir 5 à 10% des coûts de licence évités

A côté des bénéfices économiques, les auteurs de la circulaire mettent, en retour, l'accent sur l'importance des contributions dont dépend largement le modèle : respecter la dynamique du libre suppose que l'administration contribue aussi directement à l'enrichissement fonctionnel des souches avec lesquelles elle réalise des économies.
Les auteurs proposent ainsi que 5 à 10% des coûts de licence évités soient réinjectés sous une forme d'enrichissement : rendre possible, dans les marchés, la reprise des évolutions de souche ; ajouter des fonctions évoluées à travers le financement de conventions de recherche ; favoriser l'implication à titre professionnel d'agents dans les communautés ou encore mettre en place des marchés d'expertise et d'évolution de souches pour financer des communautés à travers un prestataire.
Pour renforcer la qualité du travail, l'Etat a mis en place des groupes thématiques de mutualisation auxquels sont conviées les collectivités locales, notamment les groupes qui se consacrent à la bureautique ouverte (Groupe mimO), aux bases de données (mimBD), aux systèmes et aux couches basses d'exploitation (mimOS). Ces groupes sont chargés d'animer les communautés de travail afin d'élaborer des préconisations, d'identifier des sources de mutualisation possibles, de collecter des retours d'expériences et d'en diffuser l'information...
L'écosystème du logiciel libre qui, selon la CNLL, représenterait 30.000 emplois et une croissance annuelle proche de 30%, apparaît bien comme un levier de sortie de crise puisque "il améliore de manière immédiate la compétitivité de l'ensemble de notre industrie" tout en réduisant la dépendance stratégique et économique de la France vis-à-vis des fournisseurs étrangers et en favorisant l'activité des PME nationales. Aussi l'application de la circulaire devrait-elle être fortement encouragée dans les mois et années à venir sur l'ensemble du secteur public, administrations centrales comme collectivités locales. Reste à savoir si les moyens engagés seront à la hauteur de l'ambition affichée.

Philippe Parmantier / EVS

(1) L'Association des développeurs et des utilisateurs de logiciels libres pour l'administration et les collectivités territoriales (Adullact) est l'association de soutien et de coordination pour la promotion, le développement et la mutualisation des logiciels libres dans l'administration.