Un tiers lieu qui décloisonne les générations et les activités (71)

À l’origine du tiers lieu de Simandre en Saône-et-Loire, un lieu inspirant : l’hôtel du Lion d’Or ouvert en 1902, avec quatre chambres pour les voyageurs, puis une salle de bal attenante construite dans les années vingt. Déjà à l’époque, l’esprit est innovant puisque l’hôtel comptait le téléphone, une voiture, des projections de cinéma… « Nous avons tout de suite senti la possibilité d’inscrire nos projets culturels dans l’histoire et l’esprit des lieux, fait d’accueil, de fêtes, de cérémonies, bref de collectif et de vivre ensemble », explique Véronique Chatard, cofondatrice de l’association Les Accords du Lion d’Or.

En parallèle à la rénovation de l’hôtel, naît le dialogue avec les habitants, avec la mise en œuvre d’une première exposition fondée sur une trentaine de témoignages : « Il s’agissait de poser le premier acte pour se lier au lieu, rassembler les mémoires, mener une activité contemporaine dans le droit fil du sens de la salle de bal, à savoir, faire société ». 2016 est aussi l’année de la création de l’association Les Accords du Lion d’Or : « la mairie est très accueillante pour ce type d’initiatives, chaque association reçoit à son démarrage une aide de 300 € ». « Entrez dans le bal » est un franc succès, attirant 350 personnes du village et des alentours. Pour Christophe Galopin, maire de Simandre, « la curiosité de l’équipe des Accords du Lion d’Or permet un réel décloisonnement entre les générations et les différentes activités. Ils ont une réelle volonté d’animer notre territoire rural, dont le patrimoine est riche de son paysage, son environnement, ses habitants. »

Un tiers lieu à l’usage des habitants

Tout au long des différentes expositions (une par an depuis 2016), l’équipe des Accords du Lion d’Or est attentive à faire du tiers lieu « un espace de vie conçu avec ses usagers », et de la salle de bal « un écrin pour explorer, créer, inventer, se retrouver, se relier ». Le contenu des expositions (« Lettres et Lavoirs », « Jours de fêtes ») donne lieu à de nombreuses collectes de souvenirs, paroles, photos, musiques et traces en tout genre, notamment celles des unions nées au bal ! L’exposition 2023 sera consacrée à la gastronomie, dans une région réputée pour la qualité de celle-ci. Elle permettra de mettre en valeur tout ce qui fait la convivialité des banquets, avec belles tables et menus, parmi la quarantaine retrouvée. Pour la collecte de témoignages oraux, l’association a travaillé avec la Maison du patrimoine oral (MPO) de Bourgogne pour définir le cadre légal du recueil privé et de la restitution publique des témoignages.

Tandis que des résidences d’artistes sont régulièrement accueillies, qu’un collectif réuni par les accords du Lion d’Or poursuit son travail dans les lieux, le hasard ou des synchronicités bien placées enrichissent le programme culturel de Simandre. Ainsi, le musicien malgache Rajery, joueur de valiha (variété de cithare) de renommée internationale a donné un concert dans la salle de bal ; de même, Clément Janinet, musicien de jazz reconnu sur les plus grandes scènes, dont la grand-mère habite le village, a déjà donné trois concerts ; un artiste mexicain récemment installé exposera prochainement ses œuvres… Il faut préciser qu’il est rare à cette échelle de commune de trouver une véritable équipe professionnelle, une régie, un accueil adapté pour les artistes. L’association est, depuis 2018, agréée par la Caisse d’allocation familiales (Caf) de Saône-et-Loire, « espace de vie sociale et d’animation locale ». Véronique Chatard : « cet agrément est signe de reconnaissance, et a donné un véritable souffle budgétaire à l’association ».

Acculturation au numérique

Passé la curiosité des premiers instants, la vie du tiers lieu reposait sur quelques habitants et les plus jeunes manquaient à cette dynamique. Depuis 2019, avec l’un d’entre eux et la MPO de Bourgogne, l’association collecte et archive les matériaux des différentes expositions. Une subvention de la région Bourgogne-Franche-Comté permet la constitution de cette base de données et l’installation permanente d’un ordinateur, consultable par tous. « Du coup, les anciens viennent volontiers numériser leurs documents ». Une manière de contribuer aussi à l’acculturation des plus âgés à l’usage du numérique.

Un escape game pour attirer la jeunesse

Un banquet, des personnages, un drame, des objets entre imaginaire et réalité… Les expositions ont fourni également le matériau pour alimenter le scénario d’un escape game construit avec un game master professionnel : une histoire de jeunes mariés dont les âmes devaient être libérées en 1 heure. Là encore, l’aide régionale (4 000 €) a été précieuse pour réaliser avec les artistes stéphanois Scénocosmes une œuvre numérique originale intégrée dans le jeu, à savoir un film accessible aux seuls joueurs qui trouvaient l’astuce. Plusieurs sessions de l’escape game ont accueilli entre 2018 et 2021, près de 500 personnes. Les jeunes ont été très présents et de nombreux habitants ont testé le jeu, apprenant en expérimentant. De fait, un escape gamme en milieu rural n’a pas manqué de surprendre et d’attiser les curiosités, au-delà même du village. Christophe Galopin, également vice-président du syndicat mixte de la Bresse bourguignonne, l’a constaté avec le sous-préfet qui, en visite en 2021, a rencontré l’association : « Les Accords du Lion d’Or sont de mieux en mieux identifiés sur l’ensemble du territoire et dans les 88 communes que compte le syndicat ».

« Dans la permaculture, il s’agit de connaître son terrain, d’éviter l’épuisement de la nature et de l’énergie humaine, précise Véronique Chatard. C’est exactement la philosophie de notre action : s’appuyer sur notre lien avec le territoire et ses habitants. » Ainsi, le souvenir d’une habitante émue par l’odeur du maïs grillé, a débouché sur le jardin partagé et le conservatoire de semence de maïs, avec 150 variétés recensées aujourd’hui ! Dernière-née de ces attrape-rêves, la forêt jardin avec un camp cabane, des journées nature, une formation à la culture de champignons. Y compris pendant le confinement, l’association a mis en valeur avec leurs dirigeants, les sept exploitations agricoles encore en activité : « des randonnées pédestres ont permis de connaître l’histoire de ces fermes, les différentes formes d’agriculture présentes à Simandre, et de transmettre aux plus jeunes l’histoire de cette ruralité », apprécie le maire.

Saisis dans « la fluidité de l’instant », les besoins et envies exprimés débouchent sur un atelier théâtre pour les enfants autistes ; sur une rencontre avec une sophrologue ; sur une conférence sur la recherche climatique… « Nous tenons à accompagner cette inventivité et cette dynamique qui mettent toujours en valeur notre territoire et ses habitants », précise Christophe Galopin.