Environnement - Un symposium international sur le rôle des villes dans le changement climatique
Le cinquième symposium mondial de recherche urbaine vient de se clore à Marseille. Organisé du 28 au 30 juin par la Banque mondiale, le ministère de l'Ecologie et l'Agence française de développement, il a réuni près de 600 participants issus de 80 pays. Axé sur le rôle des villes dans la lutte contre le changement climatique, il visait à donner un coup d'accélérateur à la recherche urbaine en la matière, encore trop timorée selon les experts présents à Marseille. Par ailleurs, sa programmation, six mois avant la conférence sur le climat de Copenhague, ne relevait pas du hasard. En effet, "des enjeux soulevés lors des multiples débats programmés vont pouvoir émerger des pistes utiles dans la perspective de la conférence de Copenhague", a déclaré en introduction Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie.
Parmi les premiers enjeux soulevés : l'urgente nécessité de mesurer la vulnérabilité des villes face aux impacts du changement climatique, et ce par le biais d'indicateurs simples et efficaces à appliquer. Un point sur lequel la canadienne Patricia Mc Carney, fondatrice du programme Global Cities et d'un dispositif de renseignements d'indicateurs, auquel participent 43 villes (mais pour l'heure aucune ville française), est intervenue en rappelant que les décideurs urbains n'ont jusque-là jamais été associés aux accords et protocoles internationaux sur le changement climatique entérinés par les Etats. Résultat, "cette vulnérabilité des villes est amplement sous-estimée, les indicateurs urbains spécifiques aux changements climatiques n'étant ni standardisés ni comparables". Cette vulnérabilité ne se manifeste pas que par le biais d'impacts physiques, mais aussi via une prolifération des risques de maladies infectieuses touchant plus particulièrement les couches de populations pauvres des villes, ont précisé des experts de l'Institut international de l'environnement et du développement (IEED). Ces inégalités face au réchauffement climatique se jouent aussi à travers un prisme économique, qu'un groupe de chercheurs du CNRS et de l'Institut national de recherche agronomique (Inra) ont passé au crible, à travers une approche originale s'appuyant sur une analyse des coûts et bénéfices méritait à terme d'être plus amplement creusée.
Parmi les autres enjeux pointés, l'étalement urbain et les problématiques de mobilité. Deux chercheurs du Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (Cired) ont ainsi dévoilé un modèle d'analyse qui, appliqué à plusieurs grandes villes américaines, démontre clairement qu'une politique locale de maîtrise de l'étalement urbain est forcément payante en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). "Au Grand Lyon, l'idée de 'ville des courtes distances' s'impose également en tant que modèle urbain souhaité pour l'agglomération de demain", ont souligné plusieurs experts issus de cette métropole parmi lesquels se trouvait Philippe Crépeaux, responsable du plan Climat du Grand Lyon.
Autre instant fort : le passage en revue d'une vingtaine de cas de mise en oeuvre de plans Climat locaux à l'échelle des villes de plusieurs pays. "Les autorités locales font face à un dilemme entre objectifs économiques et environnementaux. Et si elles déterminent des plans d'action visant à réduire les émissions de GES, il sont trop rarement suivis d'effets, notamment du fait d'un manque de données et d'outils de suivi", ont fait remarquer des chercheurs norvégiens, tout en exposant une approche par cycle de vie visant à améliorer l'analyse des effets qu'ont des actions menées à une échelle locale. Une autre équipe inter-universitaire a détaillé les apports d'un outil de modélisation sur la mobilité qui, d'ores et déjà, a permis de souligner que "le rôle des vitesses propres aux modes de transport en voiture ou transports en commun est un paramètre déterminant dans l'équilibre modal. Ainsi, l'augmentation de la vitesse des voitures peut considérablement amoindrir l'effet de mise en place d'une taxe carbone. Dès lors, l'impact de toute politique d'infrastructure est primordial". Soulignant au passage la "phase exploratoire" dans laquelle se trouvent les actions de recours à la modélisation, laquelle est "nécessaire pour adapter les territoires aux changements climatiques", une étude pilotée par des universitaires de Nice, Lausanne et Grenoble a indiqué que l'enjeu présent est notamment de "répondre aux attentes des décideurs et gestionnaires en leur apportant de la connaissance sur les devenirs possibles des territoires, utile à l'anticipation des politiques d'aménagement".
Enfin, le rôle de l'empreinte carbone, des outils de management des risques, d'une construction et d'une agriculture plus respectueuses de l'environnement, la prise en compte des flux migratoires, des conflits locaux, etc., ont aussi été abordés durant ces trois jours de symposium. En l'orchestrant, la Banque mondiale tente de s'imposer comme un interlocuteur de choix dans les débats internationaux sur le climat. Le bailleur de fonds publiera en septembre son propre plan d'action sur le sujet.
Morgan Boëdec / Victoires-Editions