Biodiversité - Un rapport interroge la valeur économique de la biodiversité
Réalisé sur saisine du Premier ministre, un important rapport déclinant une "approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes" vient d'être présenté à Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie. Il a été rédigé par un groupe de travail réuni par le Centre d'analyse stratégique et piloté par le scientifique Bernard Chevassus-au-Louis. Volumineux et complexe, ce rapport qui s'appuie en partie sur des travaux anglo-saxons est une première en France.
La question de l'évaluation économique de la biodiversité "est a priori légitime, dès lors qu'un décideur doit faire un choix dont les conséquences affectent d'autres agents, note le rapport. Ce qui est en particulier le cas des investissements publics ou privés soumis à un contrôle public du fait de leurs effets sur des tiers". Exemple : les décisions de planification spatiale et d'infrastructure, qui "ont de nombreuses conséquences sur la biodiversité, actuellement marquée par la sous-estimation des services environnementaux".
Le rapport échafaude un cadre méthodologique resté jusque-là flou voire inexistant, en vue de définir certaines valeurs de référence, afin que la valeur économique de la biodiversité soit à terme prise en compte dans ces décisions publiques. Mais donner un coût, "monétariser" un service rendu par un écosystème n'est pas chose aisée : "la problématique est sensiblement plus complexe que celle du changement climatique", constate ainsi ce rapport, mais il reste "possible d'alimenter une approche coûts/avantages". Pour ce faire, de nombreux volets d'approche sont passés à la loupe, de l'approche microéconomique à celles juridique et socioéconomique. Distinguant deux types de biodiversités possibles, le rapport aboutit au fait que celle dite "remarquable" ne supporte pas vraiment l'approche économique, "et qu'il est sans doute préférable de mobiliser d'autres valeurs pour traiter de la gestion pertinente de ce patrimoine". Quant à la biodiversité "ordinaire", elle est plus faiblement perçue par les citoyens mais reste chiffrable, selon les contextes et les services identifiés (auto-entretien des écosystèmes, approvisionnement, fonctions récréative, culturelle, esthétique, etc). Exemples de valeurs passées au crible, avant d'être proposées par ce rapport : 970 euros par hectare et par an pour les écosystèmes forestiers métropolitains et a minima 600 euros/ha/an pour les prairies.
Comme fixé par la saisine d'origine, ce rapport insiste également sur la biodiversité dans les collectivités d'outre-mer. Celle-ci "confère à la France une place unique au monde", avec "plus du tiers de la biodiversité mondiale". Mais c'est dans ces territoires souvent insulaires que la plupart des espèces remarquables et des superficies moyennes d'écosystèmes s'étiolent à vue de nez. Cinq grands types de pressions sur la biodiversité sont passés en revue par le rapport qui, in fine, formule des pistes en vue d'améliorer les connaissances et l'évaluation des écosystèmes, aussi divers et riches soient-ils. Après avoir rappelé que la fiscalité sur le foncier non-bâti pénalise généralement les écosystèmes les plus riches, il suggère entre autres qu'une exonération de cette taxe soit mise en oeuvre dans les zones humides et que l'Etat intègre à ses politiques de planification territoriale des indicateurs et valeurs permettant d'évaluer économiquement les services rendus par les écosystèmes concernés, voire impactés.
Morgan Boëdec / Victoires éditions