Délégation des aides à la pierre - Un premier pas vers la décentralisation du logement ?
Avec la loi du 13 août 2004, les EPCI et les départements ont la faculté de prendre en charge les ressources de l'Etat affectées au logement social et au logement privé. Cette délégation de compétence simplifie les procédures de programmation en créant un guichet unique, le délégataire. Pour les bons élèves qui se sont lancés dans l'aventure dès 2005, la délégation n'a pas beaucoup modifié les règles du jeu. Les EPCI avaient déjà des relations très étroites et une programmation partagée avec les directions départementales de l'équipement. A l'inverse, pour d'autres délégataires ou futurs délégataires, la délégation des aides à la pierre peut se révéler un outil de premier ordre. Elle ouvre la voie à de nouvelles règles de gouvernance avec les communes membres et devient la locomotive d'une nouvelle politique locale de l'habitat.
Un embrouillamini de compétences
Le premier bilan de la délégation des aides à la pierre présenté le 16 mai lors du colloque de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) intitulé "Décentralisation et politiques locales de l'habitat" est globalement positif. Selon les données de la Direction générale de l'habitat et de l'urbanisme (DGUHC), avec 82 conventions signées entre 2005 et 2006, 42% du parc HLM et 45% des objectifs du plan de cohésion sont couverts.
Pourtant, déjà, certains élus imaginent l'avenir. Pour Jean-Paul Alduy, président de la communauté d'agglomération Perpignan Métropole et signataire de sa convention en 2006, "comment avoir une gouvernance locale sur l'habitat quand on ne maîtrise pas le social ?". Le premier vice-président de l'AMGVF considère que le pari incontournable de demain sera de définir une politique sociale du logement.
Avec la délégation des aides à la pierre, les communautés se trouvent à la croisée des chemins entre plusieurs compétences : l'urbanisme, animé par les communes, et l'action sociale, domaine avant tout départemental. "Comment peut-on alors avoir une politique efficace si l'on ne s'occupe que du contenant - le logement - et pas du contenu, les habitants ?", a ajouté Gérard Collomb, président du Grand Lyon. A cette complexité des compétences, s'ajoute le programme de rénovation urbaine. Les intervenants au colloque du 16 mai ont en effet rappelé que les projets sont par principe présentés à l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) par les maires !
Sur le terrain, on s'organise
"Le préalable est de définir un projet global d'agglomération et, ensuite, de décliner les outils : plan de déplacements urbains, plan local d'urbanisme intercommunal, programme local de l'habitat", a expliqué André Rossinot, président du Grand Nancy. La communauté urbaine de Nancy comme la communauté d'agglomération de Dijon ont présenté leur projet de rénovation urbaine au niveau de l'agglomération. Philippe Van de Maele, directeur de l'Anru, a reconnu que "si par principe, la convention est présentée par le maire, la démarche de l'agglomération permet une meilleure reconstitution de l'offre de logements".
Pour poursuivre sa politique offensive en faveur du logement, Rennes Métropole a pour sa part mis en place une taxe additionnelle liée au programme local de l'habitat (PLH). Elle a signé avec chaque commune membre une convention d'application du PLH et une convention locale avec l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL). Pour Guy Potin, adjoint au maire de Rennes et conseiller communautaire de Rennes Métropole, "quels que soient les partenaires financiers, le responsable au final est l'élu local".
Pour une gestion intercommunale du parc existant
Cette responsabilité revendiquée par tous les délégataires présents au colloque, doit, pour être pleinement assumée, couvrir aussi la gestion du parc. Or la délégation des aides à la pierre n'intervient que sur la construction des logements sociaux. "On sait très bien qu'il est plus facile de construire un logement que de changer une vitre !", a commenté, amusé, Paul-Louis Marty, délégué général de l'Union sociale pour l'habitat. En filigrane et durant toute la journée de débats, les participants se sont interrogés sur leur véritable marge de manoeuvre.
"Avec la délégation, l'Etat garde les pouvoirs car c'est lui qui dit quoi construire, combien et où", a lancé le consultant Michel Delafosse. Cette délégation volontaire donne-t-elle un avant-goût d'une véritable décentralisation du logement ? Alain Lecomte, directeur de la DGUHC, a laissé une porte ouverte : "Actuellement, les services des DDE sont mis à disposition des délégataires mais un jour peut-être, un transfert de compétences aura lieu car cette réforme a une vocation évolutive."
Clémence Villedieu