Intercommunalité - Un nouvel arrêt de la CJCE soutenant une mutualisation sans appel d'offres
Dans l'arrêt "Coditel Brabant" du 13 novembre 2008, la Cour de justice des Communautés européennes renforçait la théorie "in house" entre intercommunalité et commune. Par son arrêt du 9 juin 2009, "Commission contre République fédérale d'Allemagne", le juge communautaire a franchi une nouvelle étape en faveur de la mutualisation des services dans le cadre d'une coopération intercommunale.
Dans cette affaire, la Commission demandait à la Cour de reconnaître le manquement de l'Etat allemand aux règles communautaires relatives aux procédures de passation des marchés publics. En l'espèce, quatre circonscriptions administratives supra-communales ou districts (Kreise) avaient conclu directement un marché relatif à l'élimination des déchets avec les services de voiries de la ville de Hambourg sans que ce marché ait fait l'objet d'un appel d'offres dans le cadre d'une procédure formelle à l'échelle de la Communauté européenne.
La Cour de justice constate tout d'abord que le contrat litigieux, contrat passé entre les services de voiries de la ville de Hambourg et les quatre districts, instaure une coopération entre les collectivités qui a pour objectif d'assurer la mise en oeuvre d'une mission de service public commune à ces dernières, à savoir l'élimination de déchets.
Ensuite, la Cour précise "qu'une autorité publique peut accomplir les tâches d'intérêt public qui lui incombent par ses propres moyens, sans être obligée de faire appel à des entités externes n'appartenant pas à ses services, et qu'elle peut aussi le faire en collaboration avec d'autres autorités publiques". Dans une telle circonstance, les autorités publiques peuvent mettre leurs ressources en commun pour prester un service qui est nécessaire à leurs missions, en l'occurrence l'élimination des déchets.
Enfin, la Cour conclut : "Le droit communautaire n'impose nullement aux autorités, pour assurer en commun leurs missions de services public, de recourir à une forme juridique particulière." La fourniture de service par le biais d'une coopération intercommunale est alors possible sans qu'une mise en concurrence préalable soit nécessaire et une "pareille collaboration ne saurait remettre en cause (...) les règles communautaires en matière de marchés publics".
Le Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE) a été le premier à réagir à la publication de cet arrêt. Il estime que cette décision constitue "un tournant pour les collectivités locales européennes". De même, l'AFCCRE se réjouit des conclusions de cet arrêt qui, estime-t-elle, "rejoignent les arguments défendus par la France et l'ensemble des associations françaises de pouvoirs locaux et régionaux dans le contexte de remise en question par la Commission européenne des dispositions du CGCT qui permettent que les services d'une commune membre d'un EPCI ou d'un syndicat mixte soient mis à la disposition de ces derniers pour l'exercice de ses compétences". L'association reste toutefois consciente que "des revirements de jurisprudence peuvent se produire".
La Cour soumet toutefois le bénéfice de cette solution juridique au respect de deux règles. Tout d'abord, le contrat ne doit avoir été conclu que par des autorités publiques, "sans la participation d'une partie privée". Ensuite, les collectivités ne doivent pas se livrer à "un montage destiné à contourner les règles en matière de marchés publics". On peut supposer que la Commission européenne et la Cour de justice continueront à exercer un contrôle sur ce type de montage contractuel afin de déterminer s'il s'agit d'une simple mutualisation des services organisée au sein de l'intercommunalité ou, au contraire, d'un marché public soumis au respect de la procédure d'appel d'offres.
L'Apasp
Références : CJCE, 9 juin 2009, Commission contre République fédérale d'Allemagne, aff. C-480/06 ; CJCE, 13 novembre 2008, Coditel Brabant, aff. C-324/07.