Un état des ponts toujours très problématique

L’édition 2024 de l’Observatoire national de la route présente une situation toujours problématique de l’état des ponts en France. Si celui des ponts des départements s’améliore, il n’en va pas de même pour le patrimoine de l’État, qui  parvient au mieux à stabiliser leur dégradation. Les ponts des communes semblent toutefois rester le principal point – et trou – noir. La part de ceux présentant un défaut majeur y reste particulièrement importante. Et côté connaissance de leurs infrastructures, les communes semblent encore au milieu du gué.

"Pour les ouvrages d’art, l’année 2020 apparaît comme un tournant. C’est à ce moment que ce patrimoine a cessé de se dégrader sur le réseau national non concédé et qu’il a commencé à s’améliorer sur le réseau des départements", peut-on lire en conclusion du 8e rapport de l’observatoire national de la route (ONR), publié ce 10 décembre. Au vu des données présentées, ledit tournant semble toutefois plus proche du virage en S que de l’épingle à cheveux. Certes, l’effondrement du pont de Gênes en 2018 – même si le gouvernement français s’était à l’époque voulu rassurant (voir notre article du 27 août 2018) –, et plus encore un rapport du Sénat de 2019, bien plus alarmiste et appelant à un "plan Marshall", ont bien réveillé les consciences. Mais la situation tarde toujours à s’améliorer, quand elle ne régresse pas, en dépit des efforts fournis. 

Un patrimoine des communes dégradé et toujours mal connu

Côté communes, le brouillard sur l’état des infrastructures – tant les routes que les ouvrages d’art – reste de manière générale toujours difficile à dissiper (voir notre article du 3 décembre 2021). Évoquant les résultats obtenus dans le cadre du programme national Ponts du Cerema (voir notre article du 22 novembre), l’ONR dépeint "un patrimoine relativement dégradé", avec une proportion de ponts en bon état général "bien plus réduite que pour le patrimoine des autres gestionnaires". 10% des ponts présenteraient ainsi des "défauts majeurs de structure" et 19% des "défauts de structure significatifs". 

Les résultats de l’enquête conduite par l’observatoire – à prendre avec beaucoup de précaution vu la taille de l’échantillon (134 ouvrages de 20 communes de 2 départements !) – sont peu ou prou du même tonneau, puisqu’il en ressort que "près de 20% des ouvrages sont dans un état de dégradation avancé". Pis, l’étude relève que "lorsque l’on interroge les communes sur l’évolution de l’état de leurs ouvrages, il apparaît tout d’abord que près de la moitié des répondants ne savent pas répondre". 

Les données du Cerema montrent par ailleurs que l’état des murs des communes est à peine plus reluisant, avec 8% présentant des défauts "majeurs" et 16% des défauts "significatifs".

La dégradation du patrimoine de l’État "se stabilise" depuis trois ans

La situation n’apparaît guère plus enviable du côté de l’État, puisque l’ONR observe que l’état du patrimoine de ponts de ce dernier "s’est dégradé depuis 2017". En surface, la proportion d’ouvrages de classe 4 ("dont l’altération de la structure peut conduire à une réduction de la capacité portante à court terme") a doublé (ils représentent 2% du total en 2023). Celle des ouvrages de classe 3 ("dont la structure est altérée et nécessite des travaux de réparation") a augmenté de 17% (11% du total en 2023) et celle des ouvrages de classe 2 ("dont la structure présente des défauts nécessitant des travaux d’entretien spécialisé") a crû de 20% (40% du total en 2023). La proportion des ponts "en bon état structurel" est ainsi tombée de 56,2% à 47% sur la période. En outre, l’étude indique que "ce sont les ouvrages les plus grands qui sont le plus dégradés". Maigre consolation, l’observatoire estime que "la dégradation du patrimoine de l’État a été maîtrisée" depuis 3 ans. L’État ne ménage pourtant pas son budget, puisque le rapport indique que les dépenses de grosses réparations dédiées aux ouvrages d’art ont augmenté de 140% depuis 2016 sur le réseau de ce dernier. Elles ont progressé de 11% l’an dernier (+14% pour les chaussées).  

Amélioration significative du patrimoine des départements

Seule la situation des départements apporte in fine un peu d’espoir (au regard des résultats communiqués par un gros tiers d’entre eux). En surface, entre 2018 et 2023, la proportion des ouvrages de classe 4 est passée de 1,9% à 1,3%, celle de classe 3 de 9% à 8,8%, celle de classe 2 de 36,2% à 30,9% et celle de classe 1 de 52,9% à 59% (13% des ouvrages au total n’ayant toutefois pas été évalués en 2023). Avec une forte amélioration constatée en 2022, contrebalançant un fort mauvais cru en 2021 (2023 ayant été une année de "stabilisation"). En progression constante de 2016 à 2020, les dépenses de grosses réparations au km avaient fortement chuté sur le réseau structurant des départements en 2021. Elles sont depuis reparties à la hausse, sans atteindre toutefois le niveau de 2020.

Reste à savoir si cette tendance positive va se confirmer, alors que les finances des départements sont particulièrement mises à mal (voir notre article du 15 novembre). En introduction du rapport, le président de l’Idrrim, Claude Riboulet, attire d’ailleurs l’attention sur deux risques qui pèsent selon lui sur les infrastructures routières. D’une part, les impacts du changement climatique, qui "accélèrent fortement le vieillissement naturel du patrimoine", quand il ne cause pas parfois "des dommages importants". D’autre part, les "contraintes financières qui s’exercent sur les gestionnaires, et qui vont s’accentuer, qui entravent la mise en place de stratégies optimales d’adaptation et d’entretien des réseaux routiers". 

› Des efforts importants pour la route en général

L’État ne ménage pas sa peine pour enrayer la dégradation du réseau routier national non concédé. Entre 2013 et 2023, le montant des investissements a crû de plus de 47%. La même tendance se retrouve chez les départements, l’ONR voyant dans l’augmentation de leurs investissements en 2022 et 2023 "la volonté des gestionnaires de maintenir leur niveau de travaux" en dépit de la forte croissance des prix.

Le mouvement est similaire côté dépenses de fonctionnement (hors personnel), avec depuis 2018 une croissance moyenne de 12% par an côté État, et une relative stabilité depuis 2013 côté départements (avec une moyenne de 1.800 euros/km en 2023).

 

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