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Un deuxième plan national d'adaptation au changement climatique aux ambitions renforcées

Après une longue phase de concertation, le deuxième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc2) pour la période 2018-2022 a été présenté ce 20 décembre. Doté de 3,5 milliards d'euros sur cinq ans, il prévoit six domaines d'action et associe largement les collectivités territoriales.

"Mettre en œuvre les actions nécessaires pour adapter, d'ici 2050, les territoires de la France métropolitaine et outre mer aux changements climatiques régionaux attendus" : tel est l'objectif général du deuxième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc2) présenté ce 20 décembre par François de Rugy. Face au changement climatique et à ses effets en France - épisodes de canicule, sécheresses, ouragans en Outre-Mer ou pluies torrentielles et inondations comme en octobre dernier dans l'Aude, "nous sommes obligés d'agir sur les deux fronts, à la fois les causes et les effets", a déclaré le ministre de la Transition écologique.

"Changer d'échelle"

Après un premier plan portant sur la période 2011-2015, ce nouveau plan pour les années 2018-2022 a été élaboré dans l'idée qu'"il fallait changer d'échelle", a poursuivi François de Rugy. Pour ce faire, il bénéficiera d'un budget de 3,5 milliards d'euros sur cinq ans, contre 17 millions pour le précédent. Il ne s'agit toutefois pas de nouveaux financements mais d'une réorientation d'une partie des budgets des six agences de l'eau, qui sont en charge de la protection des ressources en eau sur tout le territoire. Le chiffre annoncé par le ministre inclut 3 milliards d’euros issus des 11e programmes "eau et climat" qui ont été votés par les différents bassins pour la période 2019-2024 et qui représentent au total 12 milliards d’euros.
L’élaboration du deuxième Pnacc s’est appuyée sur une "large concertation" qui a mobilisé pendant près de deux ans 300 représentants de la société civile, des experts et des représentants des collectivités territoriales et des ministères concernés, précise le ministère. "Le Pnacc2 se distingue ainsi par une plus grande implication des acteurs territoriaux, une attention forte portée à l’outre-mer, l’implication des grandes filières économiques et la priorité donnée aux solutions fondées sur la nature partout où cela a du sens", souligne le ministère. "J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, on a passé un cran sur ces questions d’adaptation", s'est félicité Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique et président de la commission spéciale du Conseil national de la transition écologique (CNTE) en charge de la préparation du Pnacc2.

Dix impacts du changement climatique

Le plan se fonde sur l'hypothèse d'une hausse moyenne des températures de 2°C par rapport à l'ère préindustrielle, sachant que la progression est déjà de 1,5°C en France métropolitaine, selon Météo France. À l'avenir, 50% des forêts situées dans l'Hexagone pourraient être soumises à des risques élevés d'incendie dès 2050, les cultures agricoles pourraient voir leurs rendements stagner et 2 milliards de m3 d'eau pourraient manquer en 2050 du fait de la sécheresse, rappelle le ministère.
Le plan se concentre sur dix impacts du changement climatique : les inondations, les risques de submersion à cause de la hausse du niveau de la mer, qui pourrait toucher notamment 2.000 km de voies ferrées et 19.800 km de routes d'ici la fin du siècle, les crues, les cyclones, les vagues de chaleur, la sécheresse, les incendies, la baisse de l'enneigement et ses conséquences pour les stations de ski, la biodiversité et l'économie.
Les travaux d'élaboration du plan ont été organisés selon six domaines d’action, qui structurent aujourd'hui ses priorités du nouveau plan : gouvernance et pilotage ; connaissance et information ; prévention et résilience ; adaptation et préservation des milieux ; vulnérabilité de filières économiques ; renforcement de l’action internationale.

"Co-construction avec les échelons de gouvernance territoriaux"

Sur le volet gouvernance, l’objectif est de "renforcer le pilotage stratégique de la démarche d’adaptation dans une logique de co-construction avec les échelons de gouvernance territoriaux, incluant les acteurs locaux et la société civile". Le pilotage et le suivi sont ainsi confiés à la commission spécialisée du CNTE en charge de l’orientation de l’Observatoire national des effets du réchauffement climatique (Onerc), qui fera ainsi fonction de "comité national de suivi de l’adaptation afin d’assurer un suivi annuel du plan de mise en œuvre détaillé, de choisir des indicateurs pertinents en matière d’adaptation et de proposer, s’il y a lieu, des évolutions dans la politique nationale". La commission s’intéressera notamment "aux impacts sur les personnes les plus vulnérables". Elle devra également préparer une évaluation globale du Pnacc 2 en 2022.
L’articulation territoriale de la politique d'adaptation reposera sur un "mécanisme de coordination entre les niveaux territoriaux et le niveau national, en développant et animant un réseau de comités régionaux de l’adaptation en métropole et outre-mer dans le cadre de l’élaboration ou de la révision d’orientations régionales traitant d’adaptation – schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), schéma régional  du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE), Schéma d'aménagement régional (SAR), programme régional de la forêt et du bois (PRFB).
Les projections climatiques régionalisées seront aussi prises en compte pour faire évoluer les lois, codes, normes et règlements techniques. Les référentiels techniques seront "adaptés en tant que nécessaire" en donnant la priorité aux secteurs des infrastructures et matériels de réseaux de transport, de télécommunication, aux infrastructures énergétiques et de construction. Pour les structures sanitaires, une "réflexion globale sur l’adaptation des établissements de santé" sera engagée.

Protéger des risques liés aux catastrophes naturelles

Deuxième domaine d'action : la "prévention et résilience". Dans une logique de prévention, le plan vise à la fois à "réduire les impacts des catastrophes naturelles sur la sécurité et la santé, sur les biens économiques, physiques, sociaux, culturels et environnementaux des personnes, des entreprises et des collectivités dans le contexte du changement climatique." L'anticipation des événements afin de développer la capacité de réaction fait aussi partie de la logique d'adaptation. Au titre de la vigilance météo, François de Rugy a ainsi annoncé le déploiement de 5 nouveaux radars d'ici 2021 et l'extension du système d'alerte et d'information en outre-mer avec un premier dispositif de 15 sirènes dès 2019 aux Antilles. Parmi les actions de prévention, il est notamment prévu d’adapter progressivement la gestion forestière à l’accroissement prévisible des risques d’incendies en termes de fréquence d’occurrences et de surfaces concernées. L'élaboration de stratégies régionales et territoriales de prévention du risque d'incendies de forêt sera poursuivie, en intégrant ce risque dans l'aménagement du territoire "afin de mettre en place les outils de prévention adaptés, en articulation avec les documents d'urbanisme portés par les élus locaux." Il s'agira aussi de proposer des essences "si possible locales, mieux adaptées aux stations forestières et plus résilientes au feu" et d'augmenter les moyens de surveillance et de secours ainsi que les moyens de protection des sapeurs-pompiers. A cette fin, 6 avions bombardiers d'eau multi-rôles (surveillance aérienne, largage d'eau…) vont être acquis.
Le service sanitaire des étudiants en médecine, qui a débuté à la rentrée 2018, pourra contribuer à la diffusion de messages de prévention sur les risques du changement climatique pour la santé auprès de différents publics (établissements scolaires, structures d'accueil de personnes âgées, services sociaux…).
Le bâti sera également adapté "pour favoriser la résilience aux risques tant naturels que sanitaires dans un urbanisme intégrant ce changement, notamment en utilisant les labels existants voire des moyens réglementaires". "L’information préventive, l’éducation et la formation en vue d'accroître la culture du risque" seront aussi renforcées. En outre, "les acteurs de la prévention et de la gestion des risques évalueront et mettront en œuvre des solutions pour accroître la robustesse au changement climatique des mécanismes de prise en charge des risques résiduels sur les marchés privés de l’assurance ou, à défaut, dans le cadre de systèmes d’indemnisation en partenariat public-privé, à commencer par le régime 'CatNat'", indique le plan.
La résilience des territoires passera aussi par un "dialogue pérenne dans le cadre des Sraddet-SRCAE-SAR et des PCAET [Plans climat air énergie territoriaux, ndlr]". Des "stratégies foncières équilibrées de moyen et long termes" seront ainsi élaborées par les services de l’État "en collaboration avec les collectivités territoriales et leurs établissements publics". Elles devront tenir compte de la limitation de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette du plan biodiversité, de l'ambition de désimperméabiliser les sols "à terme" et des techniques alternatives comme la restauration écologique.  Ces actions doivent permettre de limiter les phénomènes de ruissellement et d’érosion des sols, ainsi que les risques d’inondation.
De son côté, le ministère de la Culture aura la responsabilité d’adapter les plans de sauvegarde des biens culturels aux aléas climatiques prévisibles à moyen et long termes. Quant au ministère de la Transition écologique, il devra intégrer une composante adaptation à tous les appels à projets pour lesquels cela a du sens (écoquartiers notamment).

Renforcer la résilience des écosystèmes

Troisième volet d'action du plan : la nature et les milieux. Partant du constat que "le bon fonctionnement des écosystèmes est à l’origine d’une multitude de services écosystémiques, constituant ainsi une des clés pour une meilleure atténuation et adaptation", le plan vise à renforcer leur résilience face aux changements climatiques. Cela concerne d’abord la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques. "Il s’agira de faire converger une offre prévue en diminution avec une demande qui, déjà par endroits, n’est pas satisfaite, autour de deux objectifs : encourager la sobriété et l’efficience des usages et réguler en amont la ressource, grâce notamment à l’innovation et à la modification des pratiques ; faire émerger, dans l’ensemble des territoires, des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux, notamment dans le cadre de projets de territoires pour la gestion de l’eau", explique le gouvernement dans son plan. Le ministère s'engage à organiser "un débat national avec l’ensemble des parties prenantes sur la réalimentation artificielle des rivières sur la base d’un état des lieux". Les projets de stockage hivernal de l’eau, souvent controversés, sont évoqués mais à certaines conditions : ils devront avoir lieu "là où c’est utile et durable", "sur la base des meilleures connaissances possible, en conciliant les activités entre elles et avec la préservation de l’environnement notamment des écosystèmes aquatiques, en priorité sur les territoires en déséquilibre quantitatif ou susceptibles de l’être dans un futur proche". En outre, le ministère de la Transition écologique et les collectivités territoriales "travailleront à promouvoir et mettre en œuvre la recomposition spatiale du littoral à des échelles de territoire pertinentes en prenant en compte les évolutions du trait de côte et des risques littoraux, en y permettant l'extension des espaces naturels, en intégrant les espaces arrière-littoraux et en respectant les cellules hydro-sédimentaires, dans le cadre de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte et avec l'appui d'appels à projets." Les ministères de la Transition écologique et de l'Agriculture s'engagent aussi à promouvoir une gestion forestière durable en utilisant une gamme diversifiée de sylvicultures et d'essences à l'échelle du massif.

Activités économiques : anticiper les risques et identifier les secteurs prioritaires

Le quatrième domaine d’action portant sur les filières économiques prend la forme d’une "étude prospective de portée générale (2018-2020)" pour identifier celles qui doivent être mobilisées en priorité "à partir d’une analyse de leurs vulnérabilités actuelles et futures". Ces travaux seront ensuite prolongés par des études prospectives spécifiques par filière (2020-2022) pour identifier et renforcer les actions prioritaires. Pour le secteur touristique en particulier, l’appropriation du sujet du changement climatique aura pour but de "faire de l’adaptation la norme et non plus l’exception". "L’objectif sera d’accompagner les différentes filières dans le développement d’activités résilientes et respectueuses des écosystèmes sur lesquels ces filières s’appuient", explique le ministère qui s'engage notamment à promouvoir "un modèle de développement plus résilient en moyenne montagne permettant le développement de nouvelles activités adaptées au changement climatique". Autres filières ciblées : la pêche, les filières agricoles et agroalimentaires, la filière forêt-bois et le secteur financier. Pour ce dernier, il s’agit de "créer les conditions qui permettent aux différents acteurs financiers d’intervenir dans le financement de l’adaptation en France". François de Rugy a aussi indiqué qu'une étude sera menée sur les freins à l'utilisation locale des fonds européens dédiés.

Améliorer la connaissance

Dans le domaine d'action "Connaissance et information", "les projets de recherche sur l’adaptation pour les thèmes prioritaires et ceux identifiés dans les autres domaines d’action (santé, eau, agriculture, forêt, sols, biodiversité, risques naturels, urbanisme, mobilité, pêche, aquaculture, tourisme, secteur financier), y compris dans leur dimension géopolitique et sociologique, seront soutenus et valorisés", souligne le plan. Dans la suite des rapports produits sur le climat de la France au XXIe siècle, l'Onerc, avec l'appui d'un comité scientifique, publiera un ouvrage de référence rassemblant les connaissances sur les impacts actuels et futurs du changement climatique.
En matière d’éducation, "l’enjeu de l’adaptation au changement climatique sera intégré à la généralisation de l’éducation au développement durable" ainsi que dans les cursus de l’enseignement supérieur. Les élus, à différents niveaux de responsabilité, seront aussi formés à travers des actions pédagogiques pilotes sur des territoires vulnérables, notamment en outre-mer.
Le Cerema est pour sa part chargé de développer en partenariat avec les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, les organismes de formation et les opérateurs de l’État "un centre de ressources sur l’adaptation au changement climatique". Il traitera notamment des thèmes suivants : santé (y compris au travail), eau, agriculture, forêt, sols, biodiversité, risques naturels, urbanisme, mobilité, pêche et aquaculture, tourisme, secteur financier et international.
Le dernier domaine d'action du plan concerne l'international. Il s'agit de "renforcer le rôle de chef de file de la France dans les instances internationales, communautaires et régionales de coopération ainsi que la place des collectivités, des entreprises et des chercheurs français, et de confirmer la solidarité de la France avec les pays les plus vulnérables, notamment en matière de financement de la lutte contre le changement climatique".

 

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