Un décret autorise les agents publics à conduire des bus scolaires à titre accessoire
Pour lutter contre la pénurie de conducteurs de bus scolaires, un décret autorise les agents publics à exercer à titre accessoire une activité lucrative de conduite d'un véhicule affecté aux services de transport scolaire. Cette mesure expérimentale est prévue pour une durée de trois ans.
Un décret du 27 décembre 2022 ouvre la possibilité pour un agent public d'exercer à titre accessoire une activité lucrative de conduite d'un véhicule affecté aux services de transport scolaire ou assimilés.
Concrètement, les agents publics pourront conduire des bus scolaires mis en service, soit par une régie dépendant de la région responsable de l'organisation des services de transport scolaire ou, le cas échéant, de la collectivité ou groupement de collectivités auxquels la région a délégué cette compétence, soit par une entreprise privée de transport de personnes ayant passé une convention avec l'autorité organisatrice.
Cette mesure, approuvée en novembre 2022 par le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et par le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et qui revêt un caractère expérimental, est prévue pour une durée de trois ans à partir du 30 décembre 2022. Elle résulte des difficultés de recrutement de conducteurs de bus scolaires, particulièrement en zone rurale. La notice du décret pointe à ce propos que "les organismes qui exécutent ces transports ont aujourd'hui des difficultés de recrutement de conducteurs, ce qui perturbe le bon fonctionnement de ces services ainsi que des transports à la demande organisés en faveur des élèves et étudiants handicapés".
Sujet de préoccupation majeur
Au mois de juillet 2022, la sénatrice de Meurthe-et-Moselle Véronique Guillotin déclarait que "selon les transporteurs, il manquerait 8.000 conducteurs pour les ramassages scolaires, ce qui affecterait potentiellement 400.000 élèves et familles". Fin août, le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, avait fait de la question des transports scolaires un sujet de préoccupation majeur de sa conférence de presse de rentrée en reconnaissant que la "crise [était] plus aiguë cette année".
"Parmi les mesures susceptibles d'être mises en œuvre pour atténuer les conséquences du déficit de conducteurs, poursuit la notice, a été identifiée la possibilité de permettre aux agents publics de cumuler leur emploi public avec l'activité accessoire lucrative de conduite d'un véhicule affecté aux services de transport scolaire ou assimilés." Pour rappel, un décret du 30 avril 2021 avait déjà abaissé à 20 ans, au lieu de 21 ans, l'âge minimal pour la conduite de certains véhicules lourds de transport en commun par des personnes ayant bénéficié d'une formation de plus de 280 heures, afin de faire face à la pénurie de chauffeurs scolaires (voir notre article du 15 juin 2021).
Bien entendu, cette faculté impliquera une autorisation préalable et individuelle de l'employeur public dont relèvent les agents intéressés, lesquels peuvent être issus des trois fonctions publiques : État, territoriale et hospitalière.
Bon fonctionnement du service
Il est toutefois à noter que ce décret n'est pas applicable aux agents publics relevant d'un régime de cumul d'activités par déclaration auprès de leur employeur public, qui peuvent d'ores et déjà cumuler leur emploi public avec l'activité accessoire privée lucrative de conduite d'un véhicule affecté aux services de transport scolaire ou assimilés. En revanche, il leur est applicable dès lors que l'activité accessoire lucrative de conduite d'un véhicule affecté aux services de transport scolaire ou assimilés serait exercée en tant que contractuel de droit public.
L'employeur public qui autorisera le cumul fera connaître à l'organisme de transport au bénéfice duquel l'agent public exerce cette activité les informations permettant de s'assurer que l'agent l'exerce dans le respect des règles de temps de travail, de conduite, de pause et de repos qui lui sont applicables. En outre, cette activité ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service d'affectation de l'agent ni le placer en situation de méconnaître les dispositions relatives à la prise illégale d'intérêts.
Enfin, cette expérimentation fera l'objet d'un rapport d'évaluation conjoint des ministres des Transports et de la Fonction publique. À cette fin, les conseils régionaux transmettront aux préfets de région neuf mois avant son échéance le nombre total d'agents publics ayant exercé cette activité accessoire.
Une décision préalable du Conseil d'État du 23 décembre 2022 donne définitivement raison aux parents d'élèves qui avaient contesté l'obligation faite à leurs enfants de circuler debout et sans ceinture de sécurité dans des bus scolaires de la communauté d'agglomération Rochefort Océan (Caro). Cette décision entérine l'arrêt de la cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux considérant que les autorités organisatrices de la mobilité ont l'obligation de mettre à disposition des places assises dans les véhicules des lignes de transport en commun d'enfants, y compris si ceux-ci font partie du réseau de transports réguliers et ouverts à tous (voir notre article du 14 avril 2022). Pour rejeter l'admission du pourvoi de la Caro, le Conseil d'État a écarté le moyen soutenant que la CAA de Bordeaux avait inexactement qualifié les faits et dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la ligne I de son réseau de transport urbain répondait principalement au besoin du transport scolaire. En effet, pour la Caro, cette ligne constituait une ligne régulière ordinaire et non une ligne assurant le transport en commun d'enfants, notamment parce qu'elle était "accessible sans distinction à l'ensemble des usagers". De son côté, la CAA de Bordeaux avait rappelé que "par transport en commun d'enfants, on entend le transport en commun de personnes […] organisé à titre principal pour des personnes de moins de dix-huit ans, quel que soit le motif du déplacement", et qu'en l'espèce la ligne I desservait quatre établissements d'enseignement et ne fonctionnait qu'en semaine et hors périodes de vacances scolaires. Selon l'Anateep (Association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public), "les juges du Palais Royal ont ainsi définitivement validé le principe qu'un service de transport dédié à des élèves doit être effectué au moyen d'un autocar. Le transport debout des enfants n'est donc pas autorisé ni même toléré dès lors qu'il est démontré que le service est conçu principalement pour desservir les établissements scolaires". |