Un collectif veut "sauver" les commerces physiques de la concurrence déloyale des pure players
Un collectif rassemblant plusieurs fédérations de commerçants vient de se créer pour demander une équité fiscale entre commerces physiques et commerces en ligne. La démarche, qui intervient à la veille des élections régionales, est destinée à faire pression sur les futurs exécutifs régionaux et sur Bercy.
"Nous demandons à l'État une équité fiscale de traitement." Christian Baulme, porte-parole du collectif "Sauvons nos commerçants", également président des Commerçants et Artisans des métropoles de France (CAMF), est déterminé. Le collectif, rassemblant plusieurs fédérations de commerçants dont Vitrines de France et la Confédération des commerçants de France, compte profiter de l'agenda électoral pour faire passer ses arguments auprès des futures exécutifs régionaux, les régions ayant la compétence du développement économique. Au cœur du combat : l'équité fiscale entre les commerces physiques et les "pure players", soit les entreprises du web comme Amazon ou Cdiscount.
"Il y a un projet de loi qui interdit la création de nouvelles surfaces commerciales mais est-ce qu'on interdit les entrepôts des pure players ?", questionne Christian Baulme, précisant que les grands de la distribution, type Leclerc, ont déjà commencé à s'armer sur ce plan, développant des petits locaux en ville pour du drive piéton... Le projet de loi Climat et Résilience, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, prévoit en effet, à l'article 52, un principe général d'interdiction de création de très grandes surfaces commerciales pour lutter contre l'artificialisation des sols (voir notre article du 16 avril 2021). Mais rien n'est prévu quant à la création d'entrepôts, spécificités des acteurs du numérique. Or, d'après les données du collectif, le phénomène s'étend : on compte déjà 37 entrepôts et 35 sont en projet. Les griefs contre les pratiques des pure players sont multiples : un emploi créé par Amazon détruit deux emplois dans le commerce physique en France, détaille le collectif dans son communiqué, ils favorisent la multiplication des livraisons, et, ne disposant pas d'établissement stable, ils sont exonérés d'impôt. "Grâce à cette règle fiscale, Amazon, qui dissimulerait 57% de son chiffre d'affaires, a payé zéro euro d'impôt sur les sociétés en 2020", insiste le collectif. En dix ans, le e-commerce aurait détruit 81.000 emplois dans le commerce non alimentaire, d'après ses données.
Une taxe Covid imposée aux pure players ?
Le collectif pointe du doigt l'inégalité de traitement entre les commerces traditionnels et les géants du net. "D'entrée, les taxes qui nous incombent plombent nos prix de revient de 15% par rapport à eux", détaille le président de la CAMF. Parmi les propositions du collectif : assujettir à la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) les entrepôts du e-commerce des pure players qui pratiquent exclusivement le B to C, instaurer une taxation sur les livraisons de e-commerce, en prévoyant des exonérations en cas de retrait en magasin, lancer une grande réforme de la fiscalité du commerce pour prendre en compte tous ces nouveaux canaux. Le collectif souhaite aussi imposer une taxe Covid à ces acteurs du e-commerce pendant deux ans, pour la reverser aux TPE du commerce sous forme d'aide à la numérisation, les obliger à afficher l'empreinte carbone des achats en ligne, et stopper l'implantation de nouveaux entrepôts (moratoire de deux ans).
La question est explorée depuis plusieurs mois par diverses institutions et au Parlement. Dans ses recommandations publiées en février 2021, le groupe de travail sénatorial "Nouvelles formes du commerce" proposait notamment de rétablir l'équité fiscale entre commerces physiques et commerces en ligne en supprimant la Tascom tandis que le Conseil économique social et environnemental (Cese), saisi sur le sujet par le Premier ministre en octobre 2020, a relancé l'idée de taxe sur les entrepôts dans un avis adopté le 9 février 2021.
Le collectif compte continuer à plaider la cause des commerces physiques auprès de Bercy. Principale difficulté pour mettre en place une fiscalité plus équitable : définir la surface d'un entrepôt dédiée à la vente aux particuliers, une activité souvent sous-traitée. "On ne peut pas dire que Bercy n'y réfléchit pas, cela doit déboucher", assure Christian Baulme.