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Participation des usagers - Un chercheur en sciences de l'éducation suggère de livrer les bâtiments scolaires inachevés

"Il faut accepter l'idée que l'école n'est pas finie mais en capacité d'être retransformée... et que l'on peut être dans un permis de faire, d'expérimenter." C'est à ce titre que le chercheur Laurent Jeannin suggère de laisser dans le cadre de la rénovation ou de la construction d'un bâtiment scolaire, "un pourcentage du budget à la main des usagers, aux équipes de l'établissement, y compris aux agents de restauration... pour leur permettre de s'approprier le lieu".
Ce chercheur en sciences de l'éducation, membre du laboratoire EMA (Ecole, mutations, apprentissages) à l'université de Cergy-Pontoise, intervenait, le 16 novembre, à l'occasion du salon Educatec-Educatice, comme partenaire de cinq expérimentations menées entre janvier et juin 2017 à l'initiative du Lab éducation de la Caisse des Dépôts. Pour rappel, ces expérimentations visaient à transformer des espaces scolaires pour les adapter aux nouveaux enjeux et nouveaux usages (voir notre article du 20 janvier 2017).

Repenser les usages des mobiliers scolaires et de l'immobilier

Pour Laurent Jeannin, transformer l'espace et repenser les usages ne peut se faire uniquement par des aménagements de mobiliers : ils impliquent nécessairement "de toucher à la structure du bâtiment". Certains usages nécessiteront des aménagements pour le son : privilégier par exemple un fonctionnement par pôles avec un enseignant et des élèves qui circulent génère du bruit. D'autres de travailler sur l'isolation thermique, la luminosité, la qualité de l'air... S'appuyer sur cette démarche permettrait, en outre, d'éviter "des surcoûts aux collectivités" puisque les équipes qui intègrent un établissement fini "ne sont jamais toutes satisfaites".
Cette idée de confier une partie de la transformation aux utilisateurs s'inspire du "lean startup", ajoute Sabine Parnigi-Delefosse, responsable innovation au département de la stratégie du groupe de la Caisse des Dépôts. La démarche s'appuie sur le droit à l'échec. "Il s'agit de construire tout de suite, d'investir directement les espaces et de les tester auprès des utilisateurs finaux", explique Sabine Parnigi-Delefosse. "On ne fait pas d'enquête d'opinion, théorique, ou de marché, on est dans le concret et on voit dans les comportements si cela fonctionne ou pas", ajoute-t-elle. Au final, "C'est une conduite du changement très concrète qui donne des enseignements très vite". Autre secret de fabrication : la méthode est appliquée sur "des temps contraints" (les expérimentations ont été menées sur 6 mois) pour "éviter une déperdition des moyens".

Une méthode expérimentée et validée dans le cadre du Lab CDC

La Caisse des Dépôts suggère que cette méthodologie, qualifiée de "circulaire et non linéaire", inscrite dans une optique "d'amélioration continue" et qui a été "validée" par ces expérimentations, sera "appliquée à toutes les rénovations de bâtiments scolaires". Elle insiste également sur la nécessité d'impliquer les élèves dans ces processus afin qu'eux aussi "s'approprient les lieux".
Laurent Jeannin a déjà travaillé sur une opération de rénovation d'un bâtiment scolaire pour laquelle la collectivité a justement accepté "que le bâtiment soit livré non terminé". "Les enseignants vont même reprendre les anciens sièges, pour voir comment transformer en expérimentant des usages", explique-t-il. Pour lui, "il faut profiter de ces temps pour rénover la pédagogie, d'autant que la recherche dans ce domaine commence à se développer et soulève tout autant des problématiques de santé, de spatialisation, de référentiels et d'articulation de classes avec le numérique".