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Un appel à projets territoires connectés en phase avec la stratégie européenne

Malgré la multiplication des expérimentations, le territoire durable et connecté a encore du mal à se généraliser. Un constat partagé par l’Europe et la France qui amène les pouvoirs publics à n’aider que les projets mutualisés, interopérables et réplicables. Une stratégie détaillée à l’occasion d’un webinaire organisé le 17 mai 2022 par les Interconnectés.

En Flandre, plusieurs villes expérimentent un "jumeau numérique" permettant aux élus de visualiser les données de leur territoire et de mieux évaluer l’impact des décisions publiques. Sa particularité ? Reposer sur l’initiative européenne Digital Urban European Twins (Duet) dont l’ambition est de banaliser l’usage des maquettes numériques. Montrant l’exemple d’une ville de 10.0000 habitants qui a pu modéliser les conséquences de la fermeture d’un pont sur le trafic urbain, la pollution de l’air et l’exposition au bruit, Hugo Kerschot, directeur du programme Duet, insiste sur le fait que "la 3D n’est pas toujours indispensable". En d’autres termes, la possession de photos très haute résolution, voire d’images Lidar pour créer un jumeau numérique n’est plus un préalable, ce qui met le concept à la portée d’un plus grand nombre de territoires. Soutenu par l’Europe, le programme Duet coche toutes les cases des projets numériques que souhaite voir émerger la Commission : usages concrets à la croisée des transitions numériques et écologiques, plateforme ouverte interopérable, possibilité de passage à l’échelle, création d’une communauté pour partager les expériences….

Une approche européenne des territoires connectés

Des caractéristiques qui sont autant de réponses aux manques identifiés par la DG connect en 2019. Une étude commandée par la Commission avait alors pointé le manque d’interopérabilité des solutions, la dépendance aux grandes sociétés étrangères, la multiplication des micro-initiatives et la faible collaboration entre territoires. Cette étude a du reste amené l’Europe à établir une doctrine formalisée dans la déclaration "living-in.eu". Cette déclaration promeut une approche centrée sur le citoyen, l’interopérabilité des plateformes et des API, la gestion responsable des données et des projets conçus à l’échelle des villes. Elle engage ses signataires à favoriser la mutualisation des investissements, à utiliser des standards ouverts et à associer largement les populations. Elle vise à ce qu’au moins 350 millions de personnes bénéficient d’une transition numérique basée sur les mêmes valeurs et technologies d’ici à 2030. "Les élus locaux, nationaux mais aussi les citoyens sont invités à la signer", souligne Serge Novaretti, responsable des politiques et des programmes à la DG Connect, qui note que "peu de collectivités françaises l’ont fait".

Privilégier les démarches incrémentales

De son côté, la France a fait son propre bilan des territoires connectés. Les conclusions de la Direction générale des entreprises (DGE) convergent avec ceux de l’Europe : éparpillement des initiatives, manque de maturité des solutions, importance des enjeux de souveraineté, impératif de faire converger transition numérique et transition écologique…. Publiée à l’automne 2021, l’étude "territoire intelligent et donnée publique"  y ajoute une dimension opérationnelle avec l’identification de cas d’usage, une cartographie des acteurs tricolores et une description de la chaine de valeur. "Le modèle économique n’est pas encore stabilisé et on déplore un manque de calibrage des offres", détaille Éric Berner de la DGE. En outre, les territoires ruraux restent souvent à l’écart des projets et "la capitalisation est faible, ce qui n'aide pas les élus à comprendre ce qui marche et ce qui ne marche pas". La DGE notait enfin que les grands projets "smart" laissaient la place à des "démarches incrémentales", porteuses d’améliorations concrètes et plus faciles à faire accepter aux habitants.

Appel à projets territoires durables et connectés

Les conclusions de cette étude ont servi de fil conducteur à l’appel à projets (AAP) "territoire durable et connecté" lancé par le gouvernement il y a un an et toujours ouvert. Doté de 30 millions d’euros, cet AAP vise à faire émerger des "projets structurants, pérennes et réplicables", à "systématiser l’utilisation de la donnée dans le pilotage et la gestion des politiques publiques" et à aider à la "structuration de modèles économiques". Les projets doivent porter sur quatre défis liés à la "ville durable" : la sobriété, la résilience, l’inclusion et la productivité. Ouvert jusqu’au 7 septembre 2022, il s’adresse aux collectivités, groupements ou associations opérant sur des territoires urbains comme ruraux. La réplicabilité, l’interopérabilité, l’usage de solutions souveraines et la performance environnementale figurent en bonne place dans les critères de sélection. Seuls les projets de taille significative seront éligibles avec un budget minimum fixé à deux millions d’euros. Ces "démonstrateurs" devront enfin fournir un retour d’expérience accessible à tous.