Handicap - Un amendement surprise du gouvernement sécurise l'accompagnement des enfants handicapés
L'arrivée à échéance d'environ 30.000 postes d'auxiliaires et d'emplois de vie scolaire (AVS et EVS) suscite, depuis quelques jours, de nombreuses questions et provoque de sérieux remous (voit notre article ci-contre du 30 juin 2009). Recrutés massivement, dans le cadre du plan de cohésion sociale de 2004, sur des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) ou des contrats d'avenir, les intéressés ont aujourd'hui épuisé leurs possibilités de renouvellement. La question est donc double et porte à la fois sur l'avenir personnel des intéressés et sur la continuité de l'accompagnement des enfants handicapés scolarisés. Sur le premier point, le gouvernement n'a pas varié. Si la fonction d'AVS est pérenne, l'emploi doit rester transitoire. Les personnes recrutées en CAE ou en contrat d'avenir ne peuvent d'ailleurs aller au-delà de la durée maximale prévue pour ce type d'emploi et les pouvoirs publics n'ont pas l'intention de faire de cette fonction un emploi pérenne. Sur le second point, le gouvernement a senti monter l'inquiétude et la mobilisation du côté des parents d'enfants handicapés et des associations spécialisées. Eric Woerth a donc profité de l'examen en première lecture, à l'Assemblée nationale, du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique pour faire adopter un amendement surprise.
Celui-ci - dont le ministre du Budget et de la Fonction publique a reconnu qu'il était "un peu tardif", puisque déposé en séance - vise à éviter d'éventuelles ruptures dans l'accompagnement des enfants scolarisés en milieu ordinaire. Tout en rappelant que "l'objectif du gouvernement n'est évidemment pas de réduire le service offert, notamment à des enfants handicapés", Eric Woerth a reconnu que "la situation n'est [...] pas satisfaisante". L'amendement adopté par l'Assemblée le 2 juillet prévoit qu'"alternativement, l'aide individuelle mentionnée au premier alinéa peut, après accord entre l'inspecteur d'académie et la famille de l'élève, lorsque la continuité de l'accompagnement est nécessaire à l'élève en fonction de la nature particulière de son handicap, être assurée par une association ou un groupement d'associations ayant fait l'objet d'un agrément et ayant conclu une convention avec le ministère de l'Education nationale". De façon plus claire, les associations spécialisées pourront recruter les AVS en fin de contrat pour qu'ils continuent d'assurer l'accompagnement scolaire de l'enfant. Précision importante apportée par Eric Woerth : les associations concernées "seront remboursées par l'Etat, qui assumera donc la charge financière de ce dispositif". Un décret viendra préciser les modalités d'application de ce nouvel article. Sa rédaction risque de s'avérer complexe, car de nombreuses questions n'ont pas été évoquées lors de la discussion de l'amendement. Par exemple : quelle sera la durée de cet accompagnement assuré par l'association ? A quelle hauteur l'Etat va-t-il reprendre les recrutements directs sur des contrats aidés ? Ou encore, sur la base de quel contrat et de quelle rémunération seront recrutés les ex-AVS ? Le coût de ces recrutements risquant d'être - en tout état de cause - nettement plus élevé que celui des traditionnels contrats aidés, la vocation de ce dispositif devrait se cantonner au règlement de difficultés ponctuelles.
La secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, Nadine Morano, a certes assuré ce 3 juillet dans un communiqué que "cette solution innovante permettra de garantir la continuité de l'aide scolaire entre l'école et le milieu familial dans l'intérêt supérieur de l'enfant". Luc Chatel, le nouveau ministre de l'Education nationale, a pour sa part ajouté avoir en outre "demandé aux inspections générales, en relation avec Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, de faire un audit des dispositifs de formation et de validation de compétences dont ces personnes ont bénéficiés dans le cadre de leurs contrats".
L'Assemblée des départements de France (ADF) n'a pas manqué de réagir, rappelant que les départements en charge de la politique du handicap avaient souvent joué un rôle de prescripteur, en identifiant "les personnes en grande précarité susceptibles de remplir" les missions d'emplois de vie scolaire. "Aujourd'hui, le nouveau ministre de l'Education nationale rapporte qu'il entend créer 18.000 contrats aidés dans l'Education nationale pour qu'il y ait à la rentrée autant d'emplois de vie scolaire qu'auparavant et le ministre du Budget transfère la responsabilité de ces emplois sur le monde associatif", indique dans un communiqué l'ADF, qui affirme ne pas comprendre ce "nouveau dispositif". Ceci dans la mesure où, "d'une part, on ne valorise pas les expériences que ces personnes ont acquises au sein des équipes et auprès des élèves en situation de handicap" et où "d'autre part, on déplace la responsabilité du recrutement vers des associations de bénévoles dont ce n'est pas nécessairement ni le métier, ni la responsabilité".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 2 au 7 juillet 2009).