Auto-entrepreneurs : un abaissement du seuil d'exemption de TVA (de nouveau) prévu par le PLF

Maintenant que le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 a été consolidé dans la version sur laquelle le gouvernement a engagé sa responsabilité lundi (et que celle-ci est consultable), on y découvre nécessairement pas mal de choses. Cette version correspond au "texte issu de la commission mixte paritaire, complété d'amendements techniques et de rédaction", tel que l'a déclaré lundi François Bayrou (voir notre article).

Parmi les choses jusqu'ici passées quasi inaperçues, un point fait grand bruit depuis deux jours : un abaissement du seuil d'exemption de TVA, pour les très petites entreprises, à 25.000 euros de chiffre d'affaires annuel. Jusqu'ici, ce seuil était fixé à 37.500 euros de chiffre d'affaires annuel pour les entrepreneurs dans le domaine des services (85.000 dans le commerce de biens).

La disposition figure à l'article 10 du PLF. Selon Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), ce nouveau seuil unique d'exemption de TVA établi à 25.000 euros conduira "250.000 auto-entrepreneurs" supplémentaires à devoir collecter la TVA à partir du 1er mars.

Sa crainte : que ces auto-entrepreneurs ne soient contraints de "facturer 20% plus cher leurs clients pour la même prestation", afin de répercuter la TVA. "Ils vont devoir ensuite collecter cette TVA sur leur compte bancaire et la reverser de manière semestrielle à l'Etat français, ce qui correspond ni plus ni moins à une énorme complexification comptable", anticipe Grégoire Leclercq. Pour une partie des auto-entrepreneurs, cette mesure constituera "une perte de marge", déplore-t-il, assurant que ces derniers "ne vont pas réussir à imposer les 20% à leurs clients". Le président de la FNAE prédit que cette mesure incitera les auto-entrepreneurs "à la fraude" : "Les gens vont tout simplement sous-déclarer leur chiffre d'affaires pour s'arrêter à 25.000 euros".

Sur les réseaux sociaux, les alertes ne cessent de circuler, notamment de la part d'entrepreneurs concernés, que ce soit par exemple dans les services à la personne ou parmi des créatifs freelance. Mais aussi de la part de personnalités politiques, notamment côté LFI. "On a failli rater cet énorme scandale", reconnaissait mardi sur X Eric Coquerel, le président de la commission des finances.

Pourtant, si cette disposition a été insérée dans le PLF par le gouvernement Bayrou à l'étape de la CMP, elle n'est en réalité par une totale nouveauté. Un amendement gouvernemental en ce sens avait en effet déjà été déposé fin novembre lors de l'examen du texte au Sénat. Tout le monde ne l'avait pas ratée puisque la FNAE avait dès lors alerté les sénateurs par courrier sur ce point.

Le précédent gouvernement expliquait en ces termes sa volonté de modifier l'actuel article 293 B du code général des impôts : l'idée était de "remplacer les quatre seuils nationaux de franchise existants par un seuil unique de 25.000 euros, d’une part dans une optique de simplification et, d’autre part, afin de lutter contre les évitements de TVA et les distorsions de concurrence au niveau européen". Il évoquait en outre "des distorsions de concurrence importantes au sein du segment des petites et moyennes entreprises", entre celles qui ajoutent la TVA à leurs factures et celles qui en sont dispensées, estimant entre autres que "cela peut favoriser le recours en masse à la sous-traitance". Dernier argument : "des recettes fiscales significatives" pour l'Etat…

Le ministre des Comptes publics du gouvernement Barnier, Laurent Saint-Martin, avait soutenu le même argumentaire en séance devant les sénateurs, assurant que "cette harmonisation est souhaitée et réclamée par un certain nombre d’entreprises". Le sénateur Jean-François Husson, rapporteur général LR de la commission des finances, avait toutefois émis un avis défavorable, jugeant notamment que l'abaissement des seuils "entraînera immanquablement une forme de complexité administrative pour les petites entreprises" et "ne sera pas sans conséquence sur les consommateurs" amenés à payer cette TVA. L'amendement avait été retoqué par les sénateurs. Il sera donc revenu deux mois plus tard par la fenêtre de la CMP. La mesure devrait donc logiquement subsister dans le texte définitif de la loi de finances après le rejet de la motion de censure ce 5 février à l'Assemblée (voir notre article de ce jour), le vote ultime du Sénat prévu ce 6 février n'étant en principe plus qu'une formalité.

 

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