Tri des déchets d'emballages ménagers : France Stratégie propose de confier plus de responsabilités aux éco-organismes
L'organisme rattaché à Matignon a publié ce 18 janvier une note d'analyse interrogeant le cadre d'organisation du traitement des déchets d'emballages ménagers. La production des emballages ménagers, leur tri puis leur recyclage une fois qu'ils sont devenus déchets forment selon lui les deux faces d'un même système industriel dont les nombreux acteurs portent de lourds investissements. Pour une meilleure cohérence des moyens déployés, France Stratégie juge possible de confier la responsabilité des centres de tri industriel, qui relève actuellement des collectivités, aux éco-organismes, à condition de renforcer leur contrôle.
Alors que la loi Agec de 2020 a fixé des objectifs ambitieux de réduction des déchets (baisse de 15% du volume des déchets ménagers par habitant à l’horizon 2030 et sortie du plastique à usage unique d'ici 2040), quel cadre d'organisation peut-on envisager pour répondre aux défis de la chaîne de traitement des emballages ménagers ? France Stratégie s'est posé la question dans une note d'analyse publiée ce 18 janvier.
L'organisme de prospective rattaché à Matignon commence par rappeler que depuis la crise du Covid 19, la quantité d’emballages ménagers produite, qui était auparavant corrélée à la hausse du PIB, connaît une tendance plus "incertaine", davantage liée aux évolutions des modes de consommation - développement des "livraisons à domicile et de la consommation hors domicile", notamment. On évalue à 25% la hausse de la consommation d'emballages d'ici à 2040 mais les nouveaux efforts d'écoconception centrée sur les secteurs où elle est encore peu développée − ameublement, livraison à domicile, etc. − pourraient la limiter à 10%.
Scénarios de réduction des emballages
L'étude passe en revue les autres leviers existants pour réduire le volume de déchets d'emballages ménagers. Le premier d'entre eux est le vrac qui a bénéficié d'un développement "dynamique" avec une croissance de 41% entre 2018 et 2019, avant d'être malmené pendant la crise liée au Covid 19. Cependant, "le vrac ne semble pas généralisable à tous les produits", relèvent les auteurs de l'étude rappelant que cette solution concerne avant tout le secteur de l'épicerie. Son développement pourrait conduire à une réduction de 7% des emballages en plastique et en papier carton. Un scénario plus optimiste, avec une "conversion quasi totale de certains secteurs de l’épicerie" et un changement "important des surfaces de distribution mais également des pratiques marketing", porte la diminution du gisement d’emballages en papier-carton et en plastique à 25 %.
Autre levier : le développement des emballages en papier-carton comme alternative au plastique à usage unique, même si "l’ampleur d’un tel remplacement, qui repose sur des innovations à réussir puis à industrialiser à grande échelle, reste incertaine". Quant au réemploi, il "évite les incertitudes de l’innovation technique" mais son développement ne se fera qu'"au prix d’un changement des modes de consommation" même si la loi Agec fixe un objectif de 10% des emballages en verre réemployable d'ici à 2027. Pour France Stratégie, "seul le développement d’emballages en plastique réemployables semble permettre de tendre vers la fin du plastique à usage unique tout en réduisant le tonnage de matières produites et de déchets". Mais même dans ce scénario ambitieux, "le tonnage de déchets d’emballages ménagers restera conséquent", soulignent les auteurs de l'étude.
"Dans tous les cas, la production des emballages ménagers et leur tri puis recyclage une fois devenus déchets (ou leur reprise, s’ils sont consignés) forment deux faces d’un même système industriel dont les nombreux acteurs portent souvent de lourds investissements, constatent-ils. Ce système sera confronté à des changements rapides, sans que toutes les incertitudes, accrues par les possibilités d’innovation techniques ou sociétales, ne puissent être aplanies par avance."
Transfert à la filière REP d'emballages ménagers
Depuis le milieu des années 1990, le développement du recyclage a vu l’apparition de collectes séparées (actuels bacs jaunes) et de centres de tri industriel. "Si la responsabilité élargie du producteur (REP) a accompagné financièrement cette transition, les intercommunalités restent responsables opérationnelles des schémas de collecte et de tri, et portent une large part du coût et du risque du service, note France Stratégie. Or l’évolution incertaine des technologies et des modes de vie, les nouvelles exigences des emballages et du recyclage, et le contexte de décarbonation résolue font monter les incertitudes, entre autres sur les attentes adressées à terme à l’outil industriel de tri des bacs jaunes."
Les auteurs de l'étude s'interrogent ainsi sur la possibilité de faire organiser directement le tri industriel des "bacs jaunes" par la filière REP d’emballages ménagers "au lieu de lui faire seulement financer les collectivités pour cette mission". "Dans le même mouvement, les soutiens financiers depuis les producteurs vers les collectivités au titre de la collecte du bac jaune pourraient être portés à 100 % des coûts d’un 'service optimisé', au lieu de 80 % aujourd’hui", avance l'étude. "Cette évolution assurerait vraisemblablement une meilleure cohérence d’ensemble des moyens déployés, depuis la mise sur le marché des emballages jusqu’aux interactions avec les recycleurs, estime France Stratégie. Elle serait aussi l’occasion de poursuivre la pleine mise en œuvre du principe de responsabilité élargie du producteur, en faisant financer plus complètement, par les metteurs sur le marché, le service de collecte assuré pour eux par les collectivités."
Mais ce transfert "supposerait d’organiser la transmission des centres de tri, quand les collectivités y ont elles-mêmes investi, et de veiller à éviter un pouvoir de marché excessif du ou des éco-organismes vis-à-vis des opérateurs privés de déchets", prévient France Stratégie qui reconnaît que "la concurrence entre éco-organismes reste en effet aujourd’hui théorique". "Il pourrait être choisi de la développer, ou au contraire d’assumer son absence, avec alors une régulation et une gouvernance de l'éco-organisme adaptées", soulignent les auteurs de l'étude. "Dans tous les cas, l’élargissement des prérogatives des éco-organismes doit s’accompagner d’un renforcement de leur contrôle, aujourd’hui insuffisant", estiment-ils.