Transports urbains : l'Île-de-France veut se débarrasser de ses bus diesel
L'Île-de-France s'est lancée dans un vaste programme de verdissement de ses bus, à l'horizon 2025. L'objectif est de convertir à l'électrique et au biométhane la flotte et les centres de bus du réseau exploité par la RATP. Un effort soutenu par la Commission européenne qui s'est d'ores et déjà engagée à apporter une subvention de 23 millions d'euros, complétée par un financement innovant du même montant de la Banque des Territoires (Groupe Caisse des Dépôts).
Le compte à rebours est engagé pour la disparition des bus diesel en Ile-de-France. Dans le cadre du programme Bus 2025, l'objectif de l'autorité organisatrice Ile-de-France Mobilités (IDFM) est d'avoir 100% de véhicules propres en 2025 pour la zone dense (Paris, villes de petite couronne et grandes villes de grande couronne), et en 2029 pour toute la région. Il va falloir remplacer d'ici là les 8.700 bus diesel - sur 10.300 - qui circulent encore dans la région. Sur les 4.700 bus de la RATP qui desservent la zone centrale, 3.300 sont diesel.
2.200 bus biogaz et 1.500 électriques à l'horizon 2025
"Pour nous, l'enjeu est énorme puisqu'il est de diminuer de moitié nos émissions de CO2 à l'horizon 2025. Trois quarts des gaz à effet de serre sont générés par la traction, et trois quarts de la traction, c'est les bus", a souligné ce 21 octobre la PDG de la RATP Catherine Guillouard.
La Régie et Île-de-France-Mobilités - qui finance le programme - ont déjà attribué aux constructeurs français HeuliezBus, Bolloré et Alstom un marché portant sur quelque 800 bus électriques, pour 400 millions d'euros. "On travaille ensemble sur le plus gros appel d'offres 'ever' (jamais vu NDLR), de 2.100 bus, 1.400 biogaz et 700 électriques", a remarqué la dirigeante lors de la visite d'un dépôt de bus en voie d'électrification à Paris. Le montant pourrait atteindre 1,4 milliard d'euros.
L'objectif est pour la RATP de disposer en 2025 de 2.200 bus biogaz (contre 250 actuellement) et 1.500 électriques (contre 150), en plus de ses 1.000 hybrides. IDFM achète parallèlement des véhicules pour la grande couronne via la Centrale d'achat du transport public.
Transformer les dépôts
On considère comme "propres" les bus électriques, au biogaz ou hybrides (diesel et électrique). "Des enquêtes ont montré que dans les embouteillages, ce qui arrive parfois à Paris, l'hybride polluait autant que le diesel", a relevé à ce propos Valérie Pécresse, présidente du conseil régional et d'IDFM.
Si elle a décidé de ne plus acheter de bus hybrides, il en reste 1.200 dans la région, dont 1.000 à la RATP. Ces véhicules devraient disparaître à leur fin de vie vers 2030, selon le directeur général d'IDFM Laurent Probst. A cette échéance, la région prévoit 70% de bus bioGNV et 30% d'électriques. "L'un dans l'autre, (...) le bus au gaz est très bien et le bus électrique n'est pas mieux sur le plan écologique, explique Laurent Probst : parce que le biogaz est produit dans la région à partir des déchets (agricoles, industriels ou ménagers), et parce qu'il faudra recycler les batteries des bus électriques." "Il y a aussi une question de coût", relève-t-il. Quand un bus diesel coûte 230.000 euros en moyenne, il faut mettre le double, 450.000 euros, pour un modèle électrique. Certes, le courant coûte moins cher que le gasoil, mais "à mi-vie, au bout de sept ans, il faut changer la batterie qui coûte 200.000 euros", constate-t-il. Un bus hybride coûte environ 350.000 euros pièce et un bus au GNV (gaz naturel pour véhicules) 300.000 euros, ajoute-t-il.
L'hydrogène sera pour plus tard, même si des expérimentations ont commencé à Jouy-en-Josas (Yvelines). "Ce n'est pas pour tout de suite, la chaîne industrielle n'est pas prête", a jugé Catherine Guillouard mercredi. "Ce travail de décarbonation des bus, ce n'est pas juste : 'j'achète un bus propre et je le pose sur une route'", a aussi observé Valérie Pécresse. "Le sujet, c'est la transformation des dépôts !"
L'élue a qualifié de "défi technologique" l'adaptation des centres-bus pour la recharge électrique ou l'alimentation en bioGNV. La RATP a notamment 25 dépôts à convertir pour 600 millions d'euros, et il y en a 28 autres en grande couronne, dont la transformation coûtera 105 millions. L'objectif de transformer tous les dépôts pour se débarrasser du diesel d'ici 2025 "est tenable si on n'est pas victime d'une surenchère administrative", a estimé Valérie Pécresse, regrettant les problèmes de procédure rencontrés ici et là pour pouvoir engager les travaux.
Une subvention de 23 millions d'euros de la Commission européenne
Le programme Bus 2025 de l'Ile-de-France va prochainement bénéficier d'une subvention de 23 millions d'euros attribuée par la Commission européenne. Cette aide est accordée dans le cadre du programme "Connecting Europe Facility", qui vise à financer des infrastructures de transport durables. Elle est complétée par un financement innovant du même montant de la Banque des Territoires (Groupe Caisse des Dépôts), l'établissement public étant partenaire de la Commission européenne pour le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe*. Ce financement déjà mis en œuvre pour le verdissement de la flotte de bus à Brest (voir notre article) permet notamment à l'opérateur d'être couvert contre le risque de volatilité des prix de l'électricité. A.L. / Localtis
*fonds de l'Union européenne pour les investissements dans les infrastructures paneuropéennes, dans les projets de transport, d'énergie et numériques qui visent à une plus grande connectivité entre les États membres de l'Union européenne