Transports publics : regagner la confiance des voyageurs, le grand défi de l'après-Covid
L'édition 2020 de l'Observatoire de la mobilité, publiée par l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) ce 19 novembre, tire le bilan du premier déconfinement et des impacts de la crise sanitaire pour les différents modes de transport utilisés. Si une large majorité de voyageurs estiment que les réseaux de transports en commun se sont bien adaptés aux exigences de sécurité sanitaire, ils sont près d'un tiers à vouloir les délaisser totalement ou partiellement au profit des modes actifs comme le vélo, ou de la voiture individuelle. Pour regagner leur confiance, l'UTP défend une adaptation de l'offre et la complémentarité avec les modes doux.
Pour les transports publics, il y aura un avant et un après Covid, comme en témoigne l'édition 2020 l'Observatoire de la mobilité, publiée par l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) ce 19 novembre. Pour le compte des opérateurs de transport, l’Ifop a interrogé en septembre dernier les Français et les utilisateurs de transport public sur leurs habitudes de déplacement avant la crise, pendant le confinement et à la sortie du confinement, ainsi que sur la manière dont ils envisagent de se déplacer à l’avenir, c’est-à-dire une fois la crise sanitaire derrière nous. Avant le premier confinement du printemps dernier, plus de 60% des Français utilisaient régulièrement les transports publics dans les agglomérations de plus de 50.000 habitants, le bus arrivant largement en tête (75% des utilisateurs) du fait de sa présence dans tous les réseaux. La première raison invoquée par les utilisateurs de transports en commun était leur côté pratique (47%) mais juste derrière, on sentait poindre l'inquiétude face à l'épidémie – 29% déclaraient les emprunter car ils ne pouvaient pas faire autrement – tandis que loin derrière, les préoccupations environnementales et économiques étaient en recul (12% chacune contre respectivement 17% et 16% un an plus tôt).
44% d'utilisateurs pendant le premier confinement
Pendant le premier confinement, 47% des utilisateurs de transports publics ont continué à se déplacer. 66% d'entre eux ont alors eu recours à des modes de transport personnels – voiture, dans 51% des cas, suivie de la marche à pied (38%) et du vélo (13%) - mais 44% ont continué à emprunter les transports publics, avec toujours une préférence pour le bus, le métro et le tramway ayant perdu chacun 7% d'utilisateurs pendant cette période. Face à la crise sanitaire, les transports publics urbains et ferroviaires ont déployé des moyens humains et financiers conséquents : augmentations moyennes de 50% des budgets (plus de 300 millions d’euros à ce jour) pour le nettoyage et la désinfection des véhicules, des gares et des stations, et de 20% du nombre de salariés affectés à ces missions, rappelle l'UTP. Plus de trois quarts des voyageurs (77%) interrogés dans le cadre de l'Observatoire estiment que les réseaux se sont vite adaptés à la crise sanitaire et 84% leur font confiance pour assurer leur sécurité sanitaire à l’avenir. Parmi les raisons qui motivent ce haut niveau de confiance : la réactivité des réseaux pendant la crise (pour 59% des voyageurs), leur exploitation par des professionnels (32%) et/ou leur pilotage par une collectivité locale (27%).
Presque un tiers d'utilisateurs prêts à se tourner vers d'autres modes
Mais si à l'avenir, 69% des utilisateurs affirment vouloir continuer à emprunter les transports publics autant, voire plus souvent, pour leur facilité d’utilisation (67%) et la protection de l’environnement (52%), 30% comptent y avoir recours moins souvent, et même plus du tout. Parmi eux, 29% veulent se tourner vers les modes actifs (marche, vélo et trottinette) et une proportion non négligeable (16%) vers la voiture individuelle. Face à la tentation d'un "retour de l'autosolisme", l'UTP met en avant les vertus du transport public face aux risques de congestion et à ses effets néfastes pour la santé (stress, anxiété, fatigue) et pour l’économie, avec un coût estimé à 20 milliards d’euros par an en France. Sans omettre bien sûr leurs avantages sur le plan de la qualité de l'air et de la préservation de l'environnement. Alors qu'en province, 44,5% des voyages en transport urbain sont déjà réalisés en modes électriques et près de 60% en Île-de-France, l'organisation professionnelle souhaite d'ailleurs que les véhicules de transport public soient éligibles aux aides prévues pour le verdissement, dans le cadre du plan de relance.
Complémentarité avec les modes actifs
Pour regagner la confiance des voyageurs, l'UTP souligne, études à l'appui (lire notre encadré ci-dessous) que les transports publics "ne sont pas des lieux de contamination privilégiés". Parmi les leçons à tirer de la crise sanitaire, il y a selon elle la nécessité de développer de développer "la complémentarité avec d'autres modes, particulièrement s’ils sont actifs et/ou partagés" mais "sous conditions". "Il est essentiel de dédier des zones de circulation exclusives aux transports publics pour qu’ils restent fiables et pratiques (première raison de leur utilisation) : les couloirs de bus ne sont, en effet, pas adaptés pour accueillir des vélos en très grand nombre au risque de dégrader la vitesse commerciale des bus et leur régularité, insiste-t-elle. Dans le cadre d’une juste répartition de l’espace public, chaque mode doit pouvoir cohabiter, sur son site propre en zone dense."
Fragilité économique
Reste que le secteur a été fragilisé sur le plan économique et réclame l'appui de l'État. "Pour que le transport public reste ouvert à tous, qu’il améliore encore la qualité de vie au quotidien, qu’il continue de stimuler le développement et de contribuer au rayonnement international de la France, la profession appelle à un signal fort, rapide et concret de la puissance publique", fait valoir Thierry Mallet, président de l’UTP. "Le deuxième confinement est intervenu alors que nos réseaux n’avaient pas retrouvé leur niveau de fréquentation d’avant-crise", ajoute Claude Faucher, délégué général de l’UTP. "Depuis mars dernier, les transports publics s’adaptent pour permettre à tous ceux qui travaillent sur le terrain de se déplacer", poursuit-il.
Suite au premier confinement, le transport public urbain accuse trois milliards d’euros de pertes (recettes commerciales et versement mobilité). "Les autorités organisatrices en région doivent disposer du même traitement qu’Île-de-France Mobilités [une avance remboursable de 1,2 milliard d’euros pour les pertes commerciales et une subvention d’au moins 700 millions d’euros pour la chute du versement mobilité, ndlr], insiste l'UTP. La troisième loi de finances rectificative leur alloue 450 millions d’euros pour les pertes de recettes fiscales dont le versement mobilité, mais les modalités de cette compensation ne permettent pas un traitement équitable pour toutes. Le quatrième projet de loi de finances rectificative prévoit une avance remboursable de 750 millions d’euros pour les pertes de recettes commerciales, dans des conditions qui devraient être moins favorables que celles d’Île-de-France Mobilités. Les opérateurs sont attentifs au débat sur la couverture des pertes pour les autorités organisatrices de la mobilité ; les marges du secteur (1 à 2%) sont d’un ordre de grandeur sans comparaison avec le choc financier actuel et, sans soutien, il existe un risque de réduction de l'offre de transport, qui pourrait entraîner des conséquences non négligeables sur le développement économique des territoires, avec de lourds impacts sociaux."
"Adapter l'offre aux attentes des usagers"
Enfin, les transports publics se disent prêts à "adapter l’offre aux attentes des usagers". En effet, "à long terme, la crise sanitaire pourrait impacter l’aménagement du territoire : au plan local, révision de la conception des grandes villes autour de la proximité, la vie de quartier et un meilleur partage de l’espace public et, au niveau national, rééquilibrage des moyens en faveur des zones moins denses qui répondent à l’aspiration renforcée des Français de vivre ailleurs", résume l’Union. Autant de raisons qui pourraient justifier de "redéployer l’offre des zones plus denses vers celles qui le sont moins" et ainsi "renforcer l’attractivité de ces territoires" tout en "réduisant le sentiment d’isolement de la population".
*Sondage réalisé par l’Ifop en septembre dernier auprès d’un échantillon de 1.500 personnes âgées de 18 ans et plus, vivant dans une agglomération de 50.000 habitants ou plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie d’agglomération, région, catégorie socio-professionnelle).
Coronavirus : les transports publics ne sont pas des lieux de contamination, affirme l'UTP
Les transports publics "ne sont pas des lieux de contaminations privilégiés" du coronavirus, a souligné ce 19 novembre l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), à l'occasion de la présentation de son Observatoire de la mobilité 2020. Les études menées dans différents pays "ont toutes, toutes, toutes la même conclusion", a expliqué Frédéric Baverez, directeur pour la France de l'opérateur Keolis (groupe SNCF) et vice-président de l'UTP.
"Dès lors que les gestes barrières sont respectés - et lorsque l'on dit gestes barrières, on dit surtout port du masque -, on constate que les transports publics ne sont pas des lieux de contamination privilégiés."
Les conclusions d'une compilation d'études publiée en septembre par l'Association américaine des transports publics (Apta) sont "extrêmement claires", a-t-il notamment relevé : "Aucune corrélation directe entre l'utilisation des transports urbains et la transmission du Covid-19." Une étude de l'autorité de régulation des transports britannique, publiée en août, a de même estimé le risque d'infection à 1 pour 11.068 voyages sans masque et à 1 pour 19.675 voyages avec masque. "Il est 25 fois plus risqué de se déplacer en voiture qu'en train" si l'on tient compte du risque de mortalité lié à la pandémie et à l'accidentologie, a même avancé cette étude citée par le responsable. En Allemagne, l'hôpital berlinois de la Charité a conduit une étude auprès de 1.100 salariés de la Deutsche Bahn, qui a montré que les personnels de maintenance, sans contact avec le public, avaient été deux fois plus contaminés que le personnel de bord. Retour aux États-Unis avec une étude de l'université Boulder au Colorado, qui a estimé à 0% le risque de contamination jusqu'à 70 minutes dans un métro et jusqu'à 80 minutes dans un bus, et à 1% pour une durée au-delà.
En France, les transports n'ont jamais représenté plus de 1% des clusters, et 0,53% la semaine dernière (pour 0,31% des cas), a relevé Frédéric Baverez. Sachant que les clusters identifiés ne représentent que 10% des contaminations environ, a-t-il précisé.
Le masque est en France porté par plus de 95% des voyageurs. "C'est compris, c'est accepté", a-t-il affirmé, ajoutant que la durée de contact avec les autres passagers restait brève, avec peu d'interactions.De plus, les espaces du transport publics sont constamment ventilés et régulièrement désinfectés, a-t-il rappelé.
"On a bien des éléments objectifs qui permettent d'expliquer pourquoi les transports publics ne sont pas des lieux de contamination privilégiés" contrairement à ce que pourrait croire l'opinion publique, a-t-il souligné. AFP