Transports : la Cour des comptes européenne recommande d'accélérer les "mégaprojets" transfrontaliers
Dans un rapport publié ce 16 juin, la Cour des comptes européenne déplore les retards pris dans la réalisation de plusieurs grands projets de transports transfrontaliers, comme la liaison ferroviaire Lyon-Turin, et l'augmentation des coûts qui en résulte.
Dans un nouveau rapport publié ce 16 juin, la Cour des comptes européenne estime que six des huit infrastructures de plusieurs milliards d'euros qu'elle a contrôlées, ainsi que leurs lignes d'accès, "ne fonctionneront probablement pas à leur pleine capacité d'ici à 2030 comme initialement prévu" et que "cela retardera encore" l'achèvement du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), destiné à améliorer les connexions entre les réseaux nationaux le long de neuf corridors européens.
11 ans de retard en moyenne
D'une valeur totale de 54 milliards d'euros, avec un cofinancement de l'UE de 7,5 milliards d'euros, ces huit grands projets, parmi lesquels la liaison ferroviaire Lyon-Turin et la voie navigable Seine-Escaut, avec le canal Seine Nord Europe, visent à relier entre eux les réseaux de transport de 13 États membres (États baltes, Belgique, Danemark, Allemagne, Espagne, France, Italie, Autriche, Pologne, Roumanie et Finlande), rappelle la Cour dans un communiqué. "Le retard de construction important (de 11 ans en moyenne) enregistré dans tous les mégaprojets examinés compromet le bon fonctionnement de cinq corridors transnationaux sur neuf", indique la "gardienne des finances de l'UE", dans un communiqué.
"Ces résultats médiocres sont notamment attribuables à une coordination insuffisante des projets entre les différents pays, accuse-t-elle. Les États membres ont chacun leurs propres priorités d'investissement et leurs propres procédures de planification, et tous ne soutiennent pas les projets transfrontaliers ou les investissements dans les corridors transnationaux avec la même force."
Or, pour Oskar Herics, membre de la Cour responsable du rapport, "la mise en place des corridors du réseau central RTE-T dans les délais prévus est capitale pour atteindre les objectifs stratégiques de l'UE, et contribue à soutenir la croissance et l'emploi et à lutter contre le changement climatique". "Davantage d'efforts sont nécessaires pour accélérer l'achèvement de plusieurs des mégaprojets phares de l'UE dans le domaine des transports. Ces projets sont en effet essentiels pour améliorer la connectivité en Europe et générer l'effet de réseau dans les délais prévus", a-t-il déclaré.
Dérapage des coûts
La Cour note également qu'"avec le temps, les coûts des huit mégaprojets ont augmenté de plus de 17 milliards d'euros (soit 47%)", souvent en raison de modifications de la conception et de l'étendue des projets, ainsi que d'une mise en oeuvre inefficiente." La hausse la plus importante concerne le canal Seine Nord Europe "dont les coûts ont pratiquement triplé".
Les auditeurs mettent aussi en cause "des faiblesses dans les analyses coûts-avantages des Etats membres concernant ces investissements". "Les prévisions de trafic pourraient s'avérer trop optimistes et certains projets risquent de ne pas être économiquement viables", estiment-ils, citant l'axe Rail Baltica (allant de Berlin à Tallinn via la Pologne) et "la partie ferroviaire de la liaison fixe du Fehmarn Belt (tunnel immergé entre l'Allemagne et le Danemark), dont le réservoir de passagers est beaucoup trop insuffisant".
Concernant le projet Lyon-Turin, dont la réalisation accuse un retard de 15 ans, Oskar Herics souligne que "les coûts ont beaucoup augmenté (de 4,4 milliards d'euros, à savoir 85% par rapport à l'estimation initiale)". "Les volumes de trafic réels s'écartent notablement de ceux prévus, et il existe un risque élevé de surestimation des effets positifs de la multimodalité", estime le responsable du rapport.