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Transport ferroviaire régional : plusieurs décrets reprennent la cadence des réformes

Outre un complément au dispositif de transmission des données d’exploitation des lignes TER, c’est un autre décret très attendu des régions, leur permettant de reprendre la gestion de petites lignes, qui est enfin publié. 

"Désormais l’heure n’est plus aux rapports mais à l’action", déclarait en février dernier l’actuel ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, en dévoilant les accords bilatéraux passés avec les régions sur les petites lignes ferroviaires dans le sillage des travaux de la mission Philizot (lire notre article). Il aura toutefois fallu attendre la toute fin de l'année 2020 pour que soit publié le décret pris en application de la loi d’orientation des mobilités (LOM), dont l'article 172 ouvre la voie à des transferts de gestion des petites lignes au profit des régions qui en feraient la demande. 
Plusieurs régions ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour sauver et revitaliser ces petites lignes permettant une desserte par le train de leur territoire, y compris en zone peu dense. Un plan d’actions de 6,5 milliards d’euros dans les 10 ans à venir doit les y aider, a rappelé Jean-Baptiste Djebbari dans un communiqué. Avec ce décret, les régions disposent "de tous les outils pour pérenniser voire remettre en place des services publics de transport sobres, fiables et durables, répondant aux enjeux de transition écologique et d’aménagement du territoire", s’est-il félicité, prenant l’exemple des liaisons telles que Nancy-Contrexéville dans le Grand Est, Tours-Loches en Centre-Val de Loire ou Montréjeau-Luchon en Occitanie. L’occasion aussi d’inventer "un train léger", plus économe et plus adapté aux petites lignes.  

Marche à suivre

Le dossier de demande de transfert de gestion est adressé au ministère chargé des Transports. Le ministre notifie sa décision motivée (son silence vaut refus) à l’autorité organisatrice de transport (AOT) ferroviaire, après l’avis de l'Autorité de régulation (ART) des transports, de SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions. L'effectivité du transfert est subordonnée à la conclusion d'une convention de gestion entre ces sociétés et la région, doublée d’une convention technique d’application définissant toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement de la ligne et de ses interfaces. Selon une procédure analogue, une convention de transfert de missions est conclue entre l’AOT ferroviaire en faisant la demande et SNCF Réseau. Ce second pan du dispositif porte alors sur le transfert de certaines de ces missions seulement - à savoir les missions d’entretien et de développement des lignes considérées - dès lors que les AOT demandeuses financent majoritairement les investissements de renouvellement ou de développement de ces lignes. Dans les deux cas, une transaction financière doit compenser les impacts économiques, positifs ou négatifs, résultant des transferts de gestion ou de missions de gestion pour la société SNCF Réseau, ou, le cas échéant, sa filiale SNCF Gares & Connexions. 

Trois catégories de petites lignes

Quelles sont les lignes susceptibles de sortir du giron de SNCF Réseau ? Le décret les classe grosso modo en trois catégories, distinguant d’une part, celles "d’intérêt local" et d’autre part, celles "d’intérêt régional à faible trafic" comprises par la négative comme celles n'appartenant pas au réseau structurant tel que défini par le contrat de performance conclu entre l’État et SNCF Réseau, et sur lesquelles au moins 90% de services conventionnés de transport ferroviaire organisés par les AOT ont circulé, au cours des cinq derniers horaires de service réalisés, soit aucun trafic n’a circulé. Une approche large qui permet la réouverture de lignes aujourd’hui fermées. C’est notamment le cas de la ligne Nancy-Vittel (section Jarville-Vittel) dans la région Grand Est. 
Un périmètre qui aurait mérité d’être davantage précisé, estime toutefois l’ART, soulignant dans son avis que les critères dégagés par le décret ne permettent "pas de connaître avec suffisamment de précision et dans la durée les lignes concernées". Le seuil minimal de 90% soulève en particulier la question de la coactivité avec d’autres services que ceux organisés par les AOT sur les lignes dont le transfert est sollicité (fret, transport conventionné par l’État, voire services librement organisés).
S’agissant des gares, le décret précise que, lorsque l’AOT le demande, "un ensemble cohérent de gares exclusivement dédiées à la ligne" peut lui être transféré. Là encore la question du périmètre n’est donc pas entièrement réglée, estime le gendarme du rail. 

Le casse-tête de la compensation financière 

Les dispositions des articles 10 à 15 du chapitre III et l’annexe 2 du décret détaillent les modalités de détermination de la transaction financière (versements au profit ou à la charge de SNCF Réseau). A ce stade peu de visibilité, dans la mesure où la compensation financière des impacts des transferts pour SNCF Gares & Connexions sera déterminée par convention. S’agissant des impacts pour SNCF Réseau, la compensation fera l’objet, sauf accord entre les parties sur des modalités différentes, de versements annuels sur une durée de vingt ans. Celle-ci ne sera révisée qu’en cas de fin anticipée du transfert ou d’écart constaté par rapport aux hypothèses prises en compte concernant la mise à disposition de salariés, de façon à compenser l'incidence de cet écart sur les impacts économiques tels qu’ils avaient été évalués initialement. En cas de désaccord sur la fixation, les parties pourront saisir une instance tierce ayant la charge d’arrêter les montants de compensations, et dont la composition sera définie ultérieurement par arrêté interministériel.
En résumé, en s’éloignant de l’approche "simpliste" consistant à considérer que la perte des redevances liées à l’infrastructure dont la gestion est transférée compense les coûts de gestion de cette même infrastructure, le décret devrait donner du fil à retorde à cette instance externe, s'inquiète l’ART. L’autorité alerte aussi sur la complexité de l’évaluation du caractère direct des dépenses attachées à l’entretien et l’exploitation d’une portion de l’infrastructure. 

Transmission des données aux AOT

Jusqu’ici exclus du dispositif, les services publics de transport ferroviaire de voyageurs "adaptant les conditions d’exploitation d’un service librement organisé" bénéficient désormais d’un cadre pour la transmission des données présumées exigibles par l'autorité organisatrice régionale. Un décret, publié le 26 décembre, modifie, en le complétant, le décret n° 2019-851 du 20 août 2019 relatif aux modalités de collecte et de communication des informations portant sur les services publics de transport ferroviaire de voyageurs. Pour rappel, dans la perspective de l'ouverture à la concurrence des TER, au plus tard en 2023, ce décret d’application du nouveau pacte ferroviaire fournit un cadre général à la transmission aux régions des données descriptives du transport ferroviaire régional. Un texte qui en excluait toutefois délibérément les services publics de transport ferroviaire de voyageurs adaptant les conditions d’exploitation d’un service librement organisé (par opposition aux services conventionnés), renvoyant implicitement à des dispositions réglementaires ultérieures.

Trois cas de figure

Le décret modificatif distingue trois types de services publics adaptant les conditions d’exploitation d’un service librement organisé.
Le premier correspond au prolongement du parcours d'un service librement organisé. C’est le cas en Bretagne du prolongement du service grande vitesse au-delà de Rennes. Et également dans les Hauts-de-France entre Lille et des villes du littoral.
Le deuxième type concerne la réalisation d'un ou plusieurs arrêts intermédiaires sur le parcours d'un service librement organisé.
Enfin, le texte mentionne l'accès à un service librement organisé pour des catégories de voyageurs munis d'un titre de transport relevant du contrat de service public. Un écho à la convention tripartite entre la Région, Thello et SNCF Mobilités sur les axes Nice-Monaco et Nice-Vintimille, Monaco-Vintimille. Cette dernière hypothèse englobe aussi l’accès prévu dans les conventions TER à certains services ferroviaires librement organisés pour certains déplacements régionaux et dans certaines conditions aux usagers du service, pour des déplacements intra-régionaux (axes Reims-Sedan et Strasbourg-Metz, par exemple). 

Une information a minima

Le décret renvoie à quatre annexes qui précisent la liste des catégories d’informations présumées exigibles par l'autorité organisatrice, variables selon la qualité du fournisseur d’informations (entreprise ferroviaire, gestionnaire d’infrastructure, exploitant de gares de voyageurs ou exploitant d’installations de service autres). Une liste spécifique plus réduite que celle prévue par le décret du 20 aout 2019, souligne l’ART dans son avis, alertant sur le risque pour les AOT "de ne pas pouvoir s’assurer, dans l’hypothèse d’une attribution de gré à gré, de l’absence de surcompensation des obligations de service public". Et ce malgré un impératif là encore martelé par l’ART, à savoir "armer" les AOT face aux aléas de la procédure de transmission des informations. 
En sus de la description et des caractéristiques du parc de matériels roulants, celles concernant la maintenance "doivent permettre à l'autorité organisatrice d'évaluer facilement les coûts de maintenance liés à la fourniture des services", précise le décret. Les éléments financiers sont quant à eux "limités" aux informations permettant d'apprécier le coût marginal de l'adaptation du service librement organisé. De même concernant les ressources humaines "limitées" aux ressources supplémentaires mobilisées pour la fourniture du service public adaptant le service librement organisé. 
L’objet du décret est également d’identifier les informations devant être transmises par les AOT aux candidats dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres. Cela ne devrait s’appliquer "qu’à un nombre limité de cas", "au moins durant les premières années de l’ouverture à la concurrence", indique l’ART. Une telle mise en concurrence des services adaptés ne sera a priori possible que lorsque les services librement organisés seront exploités par plusieurs entreprises ferroviaires (sans préjudice de la faculté pour les AOT de recourir, s’il y a lieu, à des attributions directes).  

Références : décret n°2020-1820 du 29 décembre 2020 relatif au transfert de gestion de lignes ferroviaires d'intérêt local ou régional à faible trafic et au transfert de missions de gestion de l'infrastructure sur de telles lignes, et portant diverses autres dispositions, JO du 31 décembre 2020, texte n°180 ; décret modalités de collecte et de communication des informations relatives aux services publics de transport ferroviaire de voyageurs adaptant les conditions d'exploitation d'un service librement organisé, JO du 26 décembre 2020, texte n° 106. 

 

 

 

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