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Transitions collectives : est-il possible d’aller vite ?

Initié début 2021, le gouvernement veut que les "transitions collectives" s’enclenchent dès cette année. Un impératif a priori ambitieux, compte-tenu du travail minutieux d’identification des entreprises où existent des emplois "fragilisés".

Faire changer de métier, sur un même territoire, des salariés dont l’emploi est menacé à moyen terme : telle est, pour rappel, l’ambition des "Transitions collectives". Le gouvernement attend un démarrage rapide du dispositif. Un message bien reçu du côté des services de l’État, chargés d’en superviser la mise en œuvre en appui aux "plateformes territoriales" constituées pour organiser le passage, pour les salariés concernés, des emplois menacés vers les emplois porteurs.

"Notre objectif est de faire en sorte que ces projets produisent, et produisent vite (…) sur le 1er ou 2e semestre, pas en 2022 ou en 2023", a insisté Benjamin Leperchey, directeur adjoint de la Direccte Ile-de-France, lors d’un webinaire organisé par Centre Inffo, mardi 30 mars 2021. Pas simple quand les procédures doivent être créées de toutes pièces. En Ile-de-France, 10 projets de plateformes territoriales ont été recensés. Mais à l’exception notable du GIP Paris CDG Alliance (voir encadré), ces projets sont "moins avancés" et parfois marqués par de l’"incompréhension", selon Benjamin Leperchey, qui mise sur le second appel à manifestation d’intérêt pour les relancer. 

Convaincre les petites entreprises

Plusieurs étapes ponctuent en effet la mise en œuvre des transitions collectives. Il faut identifier les entreprises comptant des emplois "fragiles" au regard des mutations économiques et technologiques. Or cette notion, très spécifique, implique d’anticiper l’avenir, puisque ces emplois ne peuvent faire l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou d’une rupture conventionnelle collective. "On est sur de l’anticipation, pas de la gestion de crise", rappelle Stéphan Guénézan, directeur général de Transitions Pro Hauts-de-France, qui porte un projet en lien avec la Direccte. 

Cette approche est délicate pour des petites entreprises qui nouent des "relations très fortes" avec leurs salariés, selon Arnaud Muret, directeur général de l’Opco EP. Pour lancer la procédure, il faut aussi convaincre de signer un accord de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) identifiant ces emplois fragilisés. "Un GEPP c’est un grand mot. Même un accord simplifié, j’attends de voir", a réagi Philippe Huguenin-Génie, délégué général à l’Opcommerce. 

Premiers projets "au dernier trimestre 2021"

Parce qu’il repose sur le volontariat, le dispositif requiert par ailleurs l’accord des salariés concernés. En effet, le projet démarre seulement à partir du moment où le candidat a déposé la demande de formation avec l’autorisation d’absence de l’employeur. L’adhésion des salariés constitue un "point crucial" : "il ne s’agit pas de laisser penser que toute la démarche préalable de réflexion sur le projet (par l’entreprise) est une démarche d’engagement", insiste le responsable de l’association, qui aura pour mission d’instruire ces demandes. 

Et de poursuivre : compte-tenu de ces étapes, "on sera nécessairement sur un chantier long". Déjà "quatre ou cinq entreprises" travaillent à mettre au point un accord GEPP. Selon Stéphan Guénézan, les premières transitions pourraient "raisonnablement" avoir lieu au dernier trimestre 2021, le temps de faire aboutir ces accords mais aussi et surtout, d’accompagner les salariés vers le choix de leur formation. 

Le plan de "Paris CDG Alliance" 

Point de hasard, le projet porté par le groupe d’intérêt public "Paris CDG Alliance" est le plus "abouti" en Ile-de-France. "On a déjà commencé les informations dans certaines entreprises", explique Marc Deman, le directeur adjoint de ce GIP. Les acteurs publics et privés de ce bassin d’emploi se connaissaient déjà avant la crise sanitaire, réunis autour des enjeux de formation et de recrutement. Avec la chute de l’aérien et du tourisme, les salariés de cette zone sont durement frappés. Alors que 10.000 personnes sont en activité partielle depuis un an, le directeur adjoint de Paris CDG alliance, Marc Deman, évoque donc l’objectif d’atteindre 10% de ces salariés à travers les transitions collectives.  

Tout l’enjeu est d’identifier puis de convaincre les entreprises qui emploient ces personnes à recourir aux transitions collectives. Pour cela, le GIP demande aux grandes entreprises présentes dans ses "clubs RH" d’ouvrir le carnet d’adresse de leurs sous-traitants à qui elles ont arrêté de passer commande. Pour rendre le dispositif opérant, le GIP mobilise des conseillers dédiés à la relation aux entreprises dans les services de développement économique des intercommunalités du territoire. Il s’agit "d’apporter cette brique expertise pour les entreprises", explique Marc Deman. Le GIP est en discussion avec la Direccte pour obtenir un co-financement de l’ingénierie, qui n’est pas automatique.