Transition écologique : France Stratégie encourage les solidarités entre territoires
En s'appuyant sur plusieurs initiatives innovantes menées par des collectivités, France Stratégie vient de publier une étude qui souligne l'importance des mutualisations pour mener à bien des projets de transition écologique. Plusieurs recommandations sont formulées pour renforcer cet effet de levier. Le rôle des documents de planification est notamment mis en avant.
"L'action des collectivités est essentielle à la conduite de la transition écologique", souligne d'emblée France Stratégie dans une étude publiée ce 27 août sur les solidarités entre territoires en la matière. Les collectivités ont une responsabilité directe sur 15% des émissions de gaz à effet de serre à travers leurs prérogatives (gestion des déchets, transport, etc.) et leur patrimoine (bâtiment, éclairage public, etc.), rappelle l'étude. De manière indirecte, elles ont un impact sur 50% des émissions et quatre mesures sur cinq de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ne se concrétiseront pas sans leur intervention, du fait de leurs différentes compétences – aménagement du territoire, urbanisme et voirie, développement économique, transports et mobilité, restauration collective, gestion de l'eau et assainissement, éclairage public, planification climat-énergie, etc.
Quatre projets territoriaux analysés
Fondant son analyse sur l'étude de quatre projets territoriaux – la mobilité dans le Grand Genève, la transition agricole et alimentaire dans l'Albigeois, la transition énergétique à Brest et les politiques de transport de la région Hauts-de-France -, France Stratégie constate que la concrétisation de ces initiatives se joue dans l'intégration des stratégies entre intercommunalités, et également avec les autres niveaux de collectivités territoriales, et dans la coordination à ce niveau des outils susceptibles de les mettre en œuvre. "Ces mutualisations contribuent à renforcer la capacité d'action des collectivités et la pertinence de cette action", insiste l'organisme.
Mais en passant au crible ces projets locaux, l'organisme estime que leur contribution à la transition écologique pourrait encore être renforcée. "Pour ce faire, il semble essentiel de fiabiliser et de rendre plus robustes les données territoriales produites, afin d'objectiver et de rendre visibles les progrès à réaliser, et de suivre leur concrétisation", note-t-il. "Les efforts doivent aussi être poursuivis s'agissant de la mise en cohérence de l'action publique autour de ces projets de transition écologique, ajoute-t-il. La clarification des objectifs et la simplification des outils de la planification territoriale peuvent y contribuer." Pour assurer cette mise en cohérence, France Stratégie voit deux possibilités : "une réglementation nationale plus détaillée et plus explicite" dont le véhicule pourrait être la future loi "3 D" (décentralisation, déconcentration, différenciation, ndlr), avec une procédure d'approbation de ces plans par les services de l'État conditionnée au respect de mesures environnementales ou la publication régulière d'une liste des collectivités ayant satisfait à ces obligations, "cette visibilité positive pouvant être incitative", note l'organisme. Quant à l'effort de simplification des schémas, il pourrait se concrétiser en rendant obligatoire le schéma de cohérence territoriale (Scot), estime-t-il, et en intégrant le plan climat air énergie territorial (PCAET) au Scot, ce que favorise d'ailleurs la réglementation, depuis l'ordonnance du 17 juin 2020 sur la modernisation des Scot (lire notre article).
Appels à projets : des critères de sélection à revoir
"Au-delà de quelques collectivités pionnières, le défi que soulève l'engagement de l'ensemble des collectivités dans la transition écologique demeure entier, poursuit France Stratégie. Si les appels à projets ad hoc ont leur utilité, les dispositifs de droit commun comme les contrats de plan État-Région (CPER) ou encore les plans de relance à venir semblent plus susceptibles de généraliser cet engagement." Il faudrait, selon l'étude, faire évoluer les critères de sélection des différents appels à projets environnementaux à caractère volontaire et les conditions fixées pour obtenir un soutien national. "Les projets soutenus devraient identifier plus clairement des leviers structurants (évolution de l'urbanisme, de l'aménagement économique, fiscalité locale, commande publique), au-delà d'actions de communication", préconise-t-elle.
Il faudrait aussi que les financements nationaux puissent "être conditionnés de manière plus stricte à une bonne articulation entre l'action locale et l'objectif de neutralité carbone", poursuit-elle. "Les appels à projets nationaux, qui pourraient avoir un rôle secondaire suite à la revitalisation de l'outil CPER, pourraient être recentrés sur l'accompagnement aux collectivités ayant le plus de difficultés à se lancer dans la transition écologique" car, constate encore l'étude, "les collectivités les plus audacieuses et les plus engagées dans cette transition sont souvent les plus récompensées par ces appels à projets qui consacrent l'innovation territoriale, la capacité à élaborer des projets ambitieux et à dédier des ressources spécifiques à ce type de démarche."
La mutualisation des services encouragée
"Une plus grande clarté sur les attributions des différentes collectivités et sur leur articulation contribuerait à la lisibilité et partant à la légitimité de leur action", estime aussi France Stratégie qui défend "une intégration politique plus avancée entre collectivités (…) par le transfert de compétences des communes aux EPCI, par le renforcement des EPCI et surtout par la mise en commun de certaines compétences entre EPCI via des regroupements d'EPCI au sein de syndicats mixtes." Cette plus grande intégration et la mutualisation des services entre collectivités territoriales devraient ainsi "permettre le développement d'outils et de capacités d'action : capacités d'analyse et d'expertise, influence vis-à-vis d'autres acteurs (régions, entreprises)", illustre l'étude. En outre, "lorsque la proximité avec une collectivité dotée de capacités administratives suffisantes existe – notamment s'agissant de villes moyennes ou de départements moteurs", France Stratégie préconise d'"étudier la possibilité d'engager via la contractualisation, voire l'intégration progressive de politiques publiques, la conduite d'actions communes entre territoires peu denses et centres urbains, à l'instar de Brest et de son plan climat."
Associer les parties prenantes
Enfin, "l'association des parties prenantes et des citoyens eux-mêmes aux réflexions paraît désormais indispensable", souligne l'organisme qui cite en exemple le "comité des partenaires" que chaque autorité organisatrice de la mobilité (AOM) doit mettre en place dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM) . "Ce comité des partenaires pourrait, par exemple, être composé à 50% de représentants des usagers et à 50% des employeurs, détaille l'étude. Il prendrait part aux décisions concernant la mobilité au sein de l'AOM (offre de transport, organisation des services, financement, etc.), par un vote sur celles-ci, ce qui irait plus loin que la formulation d'un simple avis." "Permettre aux usagers et employeurs de peser dans l'organisation du service favoriserait une meilleure coordination des activités, renforcerait sa cohérence et l'appropriation des enjeux associés, ajoute l'étude. Ce type d'organisation pourrait ensuite être développé dans d'autres secteurs, par exemple pour les politiques d'alimentation et énergie-climat au niveau territorial."