Colloque Ecoter - Transformation numérique des collectivités : les stratégies s'affinent
De la logique de plateforme à l'apparition de nouveaux métiers en passant par la dépendance vis-à-vis des éditeurs de logiciels, le colloque dédié à la transformation numérique au sein des collectivités, organisé par la mission pour l'économie numérique, la conduite et l'organisation des territoires (Ecoter), a permis aux élus, DGS, DSI et décideurs de la sphère publique de partager et de débattre de leurs expériences, mercredi 12 septembre, à la Caisse des Dépôts à Paris.
78% des collectivités interrogées accordent une priorité aux chantiers liés la relation avec les usagers, 75% à une meilleure gestion et une valorisation du patrimoine des données, 51% préfèrent affiner les chantiers d’optimisation des processus documentaires. Ce tableau des enjeux et tendances de la transition digitale dans les organisations publiques a été dressé par une étude du cabinet Markess, dont une synthèse - téléchargeable sur inscription au formulaire - a fait l’ouverture du colloque, organisé le 12 septembre par la mission pour l'économie numérique, la conduite et l'organisation des territoires (Ecoter) à la Caisse des Dépôts, à Paris. Si l'on ajoute à cela que 55% des décideurs publics interrogés ont recours au Cloud Computing ou le prévoit d’ici 2020 et 20% à l’intelligence artificielle dont les chabots (1), un premier tour d'horizon des grandes transformations liées au numérique se dessine. En termes de métiers, de nouveaux profils professionnels émergent : data protection officer, responsable de la protection et de la conformité des données de la collectivité ou chief data officer, dirigeant au sein de la collectivité, responsable des données et dont la fonction découle directement des approches de type Big Data. Certains secteurs s'annoncent d'ores et déjà plus impliqués que d’autres : la communication, les DG et les finances, toujours selon l’étude. 57% des décideurs des collectivités interrogés mènent une réflexion pour impulser, au sein de leur collectivité, une logique de plateforme. L’étude prévoit enfin un rapprochement massif avec France Connect (2) d’ici 2020 et un fort développement des plateformes d’Application Programming Interface (API).
Cartable de l'élu et applications géolocalisées
Après la présentation des grandes tendances, les conférenciers n’ont pas tardé à entrer dans le vif du sujet, abordant les questionnements concrets des élus, directions générales de service (DGS), directions des systèmes d’information (DSI) et autres décideurs de la sphère publique et de leurs partenaires : que font les élus du numérique ? Qu’attendent vraiment les administrés ? Quels sont les grands chantiers du numérique et les freins rencontrés ? Le "cartable de l’élu” est encore en phase de test mais devrait être déployé pour tous les élus communautaires d’ici la fin de l’année, se félicite Isabelle Kerkhof, troisième vice-présidente au développement de la solidarité intercommunale, au schéma de mutualisation et au numérique de la communauté urbaine de Dunkerque et maire déléguée de Coudekerque-Village, totalement convaincue par la nécessité pour les élus d’être équipés d’une tablette. "Pour lutter contre les réticences, il faut donner envie, il faut du concret. Avec l’ordinateur portable, l’élu a accès à tout et c’est moins lourd qu’une pile de cinq dossiers”, témoigne l'édile enthousiaste qui rappelle qu’au moment de son arrivée en 2014, le bureau du maire ne possédait ni ordinateur ni connexion internet. Un autre exemple dunkerquois mis en avant est l’application géolocalisée DK’CL! - prononcez "déclic" - de la communauté urbaine de Dunkerque, destinée à améliorer le cadre de vie en permettant de signaler un problème de voirie, un accès inadapté, de consulter les travaux en mode carte, l’agenda etc. "N’oublions pas que les outils numériques ont pour but de créer du lien entre les humains et de leur faciliter la vie."
L’exemple typique du pied d’arbre parisien
Sylvain Raifaud, adjoint au maire du 10e arrondissement de la ville de Paris en charge de la démocratie locale et du budget participatif, de la vie associative et des espaces verts, cite quant à lui dansmarue. Cette application permet à l’utilisateur de signaler directement les anomalies qu’il aurait constatées et de soumettre ses propositions de végétalisation dans les rues ou les parcs de Paris, depuis son smartphone, aux services concernés. L’application permet de surmonter les organisations en silos, décrit Sylvain Raifaud avant de donner l’exemple de l’arbre : "Typiquement, l’entretien du pied d’un arbre de la ville de Paris peut se trouver au centre des compétences du service des bûcherons de la ville de Paris, de ceux de la propreté et de la voirie. Avec l’application, chacun sait tout de suite qui doit intervenir." Autre usage du numérique, tout aussi vert : le site vegetalisons.paris.fr. La mairie de Paris permet au citoyen de végétaliser l’espace public : la rue, un toit, un trottoir, sur autorisation préalable, "facile à obtenir”, précise Sylvain Raifaud, estimant que cet outil permet avant tout aux administrés de s’organiser entre eux. Du "B to B to C” en définitive.
Temps libéré/réinvesti en acculturation
S'agissant des freins et difficultés régulièrement rencontrés, l’élue dunkerquoise Isabelle Kerkhof désigne volontiers l’humain comme étant le plus gros frein : en tant que vice-présidente au numérique, "on a une appétence naturelle que tout le monde n’a pas. On est souvent perçu comme marchant sur les plates-bandes des autres vice-présidents, du fait de la transversalité du numérique. Il faut expliquer l’intérêt des nouveaux métiers, que le travail va s’organiser différemment”. Anne-Marie Bourdinaud, conseillère municipale déléguée à la mobilité urbaine et au numérique de la ville de Sucy-en-Brie et vice-présidente d’Infocom94, structure de mutualisation informatique territoriale, remarque que les transformations numériques permettent de libérer du temps et de s’affranchir des tâches ingrates. "Pour autant l’agent ne s’en rend pas forcément compte car le temps gagné est de suite réinvesti, en acculturation à ses nouveaux usages, notamment”, précise son collaborateur.
Dépendance vis-à-vis des éditeurs de logiciels
La sensible question de la dépendance face aux éditeurs de logiciels a animé un bon moment le débat dans la salle. L’un des intervenant préconise "d’être plus gros afin de représenter plusieurs fédérations d’acheteurs, d’en référer à la réglementation et si cela ne suffit pas... de changer d’éditeur !”. Au terme de cette table ronde, la notion d’inclusion numérique émerge. D’après une étude du Crédoc d’avril 2017, près d’un Français sur trois ne se sent pas capable de faire seul une démarche administrative en ligne et souhaite être accompagné pour le faire. 13% des Français ne se sentent capable de rien en matière de démarche en ligne. Et c’est là aussi l’un des enjeux de la transformation du numérique : ne pas laisser de côté ces 30% et 13% qui sollicitent une aide ou qui se disent perdus. À cette préoccupation, les conférenciers ne manquent pas de rappeler que le secrétaire d’État chargé du numérique, Mounir Mahjoubi, a justement répondu, lors des Assises nationales de la médiation numérique, les 13 et 14 septembre à Nantes : "Notre objectif : former 1,5 million de personnes au numérique pour réduire les inégalités et donner les mêmes chances à tous partout sur le territoire !"
(1) Robots logiciels pouvant dialoguer avec un individu ou consommateur par le biais d'un service de conversations automatisées.
(2) France Connect étant "le bouton permettant de se connecter aux services publics en ligne en utilisant l'un de ces quatre comptes : 'Impots.gouv.fr, d'Ameli.fr, de La Poste ou de Mobile Connect” , sans inscription au préalable